Le Rap, la musique préférée des français est un livre publié aux éditions Don Quichotte, de Laurent Bouneau. Fif Tobossi, Tonie Behar. Merci à Fif pour cette interview riche et pleine de sens.
FIF, TOUT EST DIT DANS LE TITRE DU LIVRE OU EST-CE UNE REVENDICATION ?
C’est à la fois un constat et une revendication. Le rap est le vilain petit canard du système et en même temps la musique qui cartonne le plus. Pour autant, les choses changent, les jeunes générations s’installent aux plus hautes fonctions dans les médias, la finance etc. ce sont des personnes qui ont grandi et écouté du Rap. Le street art envahit les musées et les collections privées. Les « rockers » hors d’âge sont petit à petit poussés vers la sortie. Insidieusement aujourd’hui, on trouve partout les codes du Rap, c’est un langage commun et pratiqué pratiquement par tous, à part quelques irréductibles réfractaires !
EST-CE QUE LA RAP EST RÉELLEMENT IMPLANTÉ DANS LES MŒURS OU EST-CE TOUJOURS SUBVERSIF ?
Le rap a l’état brut reste toujours l’apanage des puristes, mais si on prend historiquement des artistes comme MC Solaar, Doc Gyneco, I am, NTM, Maitre Gims, Grand corps malade, Stromae, d’une façon ou d’une autre, ils ont été ou sont en haut de l’affiche ! A tort on les déconnecte du rap alors qu’ils sont en réalité en plein dedans. Malheureusement de nombreux médias agitent encore le Rap pour faire peur, pointent du doigt sa frange « violente », génèrent des clivages inutiles. Ils recherchent uniquement le côté subversif et sensationnel, sans s’attacher à l’histoire, aux racines, à la réalité du Rap qui ne se limite pas aux frasques de quelques uns. Laurent (Laurent Bouneau co auteur et directeur général des programmes de Skyrock), à su populariser le rap et toucher tout le monde. Il a encré le rap dans le paysage musical français et notre livre est une sorte de pierre angulaire pour toutes celles et ceux qui voudraient par la suite rendre hommage, au style de musique, mais également a ses représentants, à sa culture. Il y a énormément à raconter sur le Rap français sur le fond et sur la forme. Bobba par exemple est à la fois auteur, compositeur, interprète, il a sa marque de vêtements, c’est un personnage complexe qui mérite d’être étudié au delà des mots crus de ses textes.
NOTRE CONVERSATION AVEC FIF SORT DU CADRE DE L’ITV CLASSIQUE ON ÉVOQUE À DEMI MOT UNE RÉALITÉ : LE RAP EST REJETÉ PAR L’INTELLIGENTSIA À CAUSE PEUT ÊTRE DE SES ORIGINES BANLIEUSARDES POUR NE PAS DIRE PLUS, MAIS EN MÊME TEMPS, ELLE EST LA SEULE MUSIQUE ÉMERGENTE IDENTITAIRE DANS UN PAYS OU DOMINAIT LA VARIÉTÉ.
Des années 50 « opérettes », aux chanteurs engagés et réalistes, les français ont découvert le rock des Beatles et des Stones et les artistes les ont imités dans les codes, l’attitude, les pseudos… Le rap s’est forgé ses propres racines avec un métissage certes culturellement lié aux Etats-Unis mère patrie du style mais en y intégrant ses diversités culturelles fruit du mélange ordinairement reproché à la banlieue. Les enfants des Zemmour, Naulleau, Sarko ont fatalement écouté du rap ou même sont carrément dans l’univers … et pourtant le regard des géniteurs sur cette musique demeure parfois étrangement sans concession…
QUEL EST VOTRE BUT À TRAVERS CE LIVRE ?
Le livre est une montée au créneau, quitte à essuyer les critiques (ndlr je vous laisse suivre l’actualité des clash sur d’autres sites !). Donner envie de faire des livres. Dégoupiller l’hermétisme des carcans bien pensant et petit bourgeois qui refusent l’accès aux grandes tables d’expressions et de débats à la culture Rap. A la fnac par exemple le rayon rap français est minuscule. Il y a matière à travailler et à l’étoffer. Les sujets sont nombreux : Le secteur A, la Mafia k1 frey, par exemple, c’est à la fois de la musique mais c’est aussi des success story dans les affaires, des personnages riches et étonnants comme le décrit si bien Laurent dans notre livre !
LES DIFFICULTÉS POUR PARLER DU RAP À LA TÉLÉVISION
Toujours dans la polémique, jamais positif ? Olivier Cachin seul représentant « officiel » des médias parfois chahuté. Pourquoi pas un Bernard Pivot « street » : Les émissions culturelles télévisées intéressent qui et à quelle heure ? Imaginons une émission littéraire ou culturelle réellement ouverte à la culture des 25 – 45 ans et qui passerait ne passerait pas sur canal ou les chaines du câble mais accessible à tous… prochaine étape ?
-NDLR : Le livre est le produit de la radio et d’internet, aurait-il pu en être autrement (télévision et presse écrite)… La question reste ouverte mais j’ai ma réponse !-
Le rap n’est pas une sous culture ! Mais pour l’affirmer il faut des références, des pros, des spécialistes, des émissions, on va faire un dossier sur les featuring improbables par exemple, vous serez surpris de voir comment le rap est présent partout même dans la variété… alors occupons la place qui nous revient et accordons à cette musique la place qu’elle mérite, au sommet de la pyramide ! Après, il faut aussi savoir prendre des risques, mettre la musique partout… prenons le cinéma, le rap dans la majorité des films français illustre des scènes de violence ou de banlieue… mais cela change, petit à petit, il y a quand même des victoires. Des gens comme Omar Sy, Thomas Thouroude, Mouloud etc. viennent de cet univers au sens large… on entend quelques génériques dans les émissions de foot ou le rap est très présent et amènent au style une certaine légitimité populaire. Mais le chemin est encore long !
UN DISQUE À ÉCOUTER POUR CELUI OU CELLE QUI EST TOTALEMENT RÉFRACTAIRE AU RAP :
C’est vraiment très dur !!!!
– L’école du micro d’argent d’I am
– Hexagone 2001… rien n’a changé, collectif de rappeurs qui reprennent du Renaud, la preuve que l’ouverture est de plus en plus importante, la réunion entre la France et sa musique n’est pas loin, accepter cette réalité, c’est presque politique !
– Tellement qui mériterait d’aller dans leurs oreilles …
L’AVENIR ?
Il faut plus de projets consacrés au Rap, montrer qu’on est là, aux Etats-Unis des textes de krs-one et Tupac sont étudiés à l’université, n’oublions pas que le rap ne se limite pas à quelques artistes subversifs qui provoquent les mêmes courroux que le rock en son temps, scandaliser à toujours fait parti du jeu, en revanche aujourd’hui personne ne conteste aux Bowie, Stones, Beatles, leur génie et de nombreux français ont écrit des livres ou réalisé des reportages sur ces artistes … Les rappeurs français méritent autant de considération surtout au regard du talent… et des ventes, rappelez moi d’où viennent Stromae, Orelsan, Doc Gyneco ? Le phénomène prend de l’ampleur. Notre livre est un message aux futurs générations qui peut être s’en inspireront ou iront chercher des références pour des mémoires, des travaux dans les écoles d’art, de communication et pourquoi pas de commerce…
Après tout pourquoi pas : Le Rap est la musique préférée des français !
En 1996, Skyrock a basculé dans le rap et le R n B, devenant la première radio nationale spécialisée dans la culture urbaine. Voilà dix-sept ans que, avec toute l équipe de Skyrock, nous nous battons pour populariser cette culture et faire découvrir les artistes qui la font vivre. Dix-sept ans ! Quand je pense au nombre de projets, d émissions, de concerts, de rencontres… j ai le vertige ! De IAM à Doc Gynéco, de NTM à Sexion d Assaut, sans oublier Diam’s, Rohff, Booba, La Fouine, Orelsan, Soprano et tant d’autres, ils sont tous passés sur Skyrock et j ai vécu des histoires extraordinaires avec chacun d entre eux…
Au fur et à mesure de l’échange on se prend à réver, à une certaine éducation des esprits reveches, aux origines des samples et de la musique, au sens des paroles, à l’incroyable vecteur qu’est le rap pour fédérer et transporter les âmes des recoins les plus sombres aux plus éthérés.
Un livre hautement recommandé, pas uniquement aux amateurs de rap, à celles et ceux qui croient encore que c’est juste du bruit et des borborygmes, produit d’une sous culture et qui finiront si ce n’est par changer d’avis, au moins de céder la place à d’autres, capables de réunir et d’apprécier la diversité des courants stylistiques nécessaires pour que socialement chacun soit reconnu à sa juste valeur. Quelque soit son origine, sa religion, sa couleur dont nous n’avons fondamentalement pas à nous préoccuper pour harmonieusement vivre et grandir ensemble.
Dix-sept ans plus tard, la culture urbaine a emporté la partie. Ses influences, références, codes, rythmes, sons et attitudes ont infiltré toutes les couches de la société. Le rap s’invite chez les bobos, dans les cités, les médias, au cinéma, dans la rue et les défilés des grands couturiers, dans l’art contemporain et la déco. Il est dans le générique d’une émission, dans la bande-son d’un film, dans les fêtes du samedi soir et dans les stades de foot. Il est dans la gestuelle, le langage. Ce n’est pas une provocation mais un constat : le rap est aujourd’hui la musique préférée des Français !
Laurent Bouneau, directeur général des programmes de Skyrock, est l’homme qui a popularisé le rap et les rappeurs en France. Fif Tobossi, fondateur de Booska-P, le site n° 1 sur le rap en Europe, est un amoureux et un fin connaisseur du rap français. Ils ont tous deux été des témoins de cette success story, dont ils ont eux-mêmes écrit quelques pages. Avec l’auteure Tonie Behar, ils livrent ici une histoire subjective du rap français, truffée d’artistes et d’anecdotes insolites. Aux éditions Don Quichotte