Naître et mourir sont des expériences extraordinaires. Vivre est un plaisir fugitif.
En 1996, des milliers d’histoires sont parvenues jusqu’au papier imprimé, histoires aujourd’hui oubliées et demain encore plus. Nombre de ceux qui sont nés ou étaient vivants cette année-là sont encore parmi nous. Mais de la grande majorité de ceux dont le cœur a cessé de battre, il ne reste plus rien ou presque : un nom dans un cimetière ou dans un vieux journal au fond d’une cave. Les joies du présent, lorsqu’elles sont intenses, nous permettent d’oublier cette immense vacuité. Les extases, qu’elles soient constructives ou destructives, en sont des antidotes. L’amour, la guerre, l’art, le sport, la danse nous semblent des justifications à notre bref passage sur terre. Et parmi ces distractions, l’une d’entre elles m’a toujours rendu particulièrement heureux : la danse. Alors, quitte à faire un film, Il m’a semblé excitant d’en faire un sur ce fait divers et avec des danseurs dont les talents m’hypnotisent. Avec ce projet j’ai pu représenter une nouvelle fois sur un écran une partie de mes joies et de mes peurs.
1996, c’était hier soir. Il n’y avait juste ni portable ni internet. Mais le meilleur de la musique de ce matin était déjà là. En France, Daft Punk éditait son premier vinyle, LA HAINE venait de sortir au cinéma et le journal Hara-Kiri ne parvenait définitivement plus à ressusciter. Le massacre des adeptes du Temple solaire était étouffé par les forces occultes de l’Etat. Et certains rêvaient de construire une Europe puissante et pacifique alors qu’une guerre barbare l’infectait encore de l’intérieur. Les guerres créent des mouvements, les populations changent, les modes de vie et les croyances aussi. Mais ce qu’on appelle Dieu sera toujours du côté du canon le plus puissant. Ce qui fut, cela sera. La virgule aura beau se déplacer, l’essence de la phrase restera toujours la même.
(…)
En un temps record, nous avons trouvé une école désaffectée à Vitry, nous avons pu négocier les droits de certaines musiques dont je rêvais. A deux jours du tournage, nous avons rencontré Souheila Yacoub, acrobate et comédienne, et obtenu le visa pour que l’étonnant contorsionniste Strauss Serpent puisse venir nous rejoindre depuis le Cameroun. Nourri de nos expériences multiples de dérapages incontrôlés, le tournage s’est déroulé dans la plus grande joie et les improvisations des danseurs sur le tapis ou lors de leurs dialogues improvisés nous ont tous éblouis.
Deux mois plus tard, nous sommes heureux de vous présenter cette modeste reproduction de la joyeuse et triste réalité. Tous mes remerciements à ceux qui nous ont faits et qui ne sont plus… Et que la fête commence !
GASPAR NOE
De Gaspar Noé Avec Sofia Boutella, Romain Guillermic, Souheila Yacoub…