Que vendez-vous ?
Rien n’incarne plus l’époque que cette triviale interjection associée désormais à la fonction « bon coin » de Facebook (mais si, l’icône petite boutique au centre de votre barre de menus, entre les gens qu’on appelle amis et les sempiternelles notifications), parce qu’il est inutile de vous demander ce que vous souhaitez acheter. Les photos idéalement positionnées grâce à une parfaite étude du comportement de l’utilisateur, vous rappellent qu’au cours de vos pérégrinations sur le web, vous vous êtes intéressé à tous types de produits: de la High tech, en passant par l’équipement sportif, les voyages ou encore l’immobilier… Rassurez-vous, on vous connaît, vous et vos habitudes de consommation et même votre capacité financière… On cherchera juste à profiter de votre désespérante propension à l’achat compulsif pour mieux vous berner…
Aussi trivial que les fossoyeurs des réseaux qui se moquent des marques qu’ils « représentent », obnubilés par une commission ou une gratification, ils se vendent eux mêmes sans éthique ni raison, achetant des coeurs ou des likes sur un marché dit parallèle, pour (se) donner l’illusion de l’influence, dans l’unique but de se procurer des biens de consommation qu’ils ne montreront jamais à leur public, parce qu’il n’est pas dans la cible et serait odieusement frustré. Alors on vous vendra ce joli pull de chez Kiabi, qui permettra d’acheter un sac Vuitton, on vous vantera les mérites de Lidl pour une bague de chez Van Cleef et Arples, vous serez subjugué par les belles photos d’un voyage organisé par une compagnie Low Cost, pour une place en première avec Air France. Bref, on vous vendra du pseudo accessible avec le pire des mépris. Comme ces artistes qui célèbrent l’esprit et le mode de vie ghetto mais se comportent en empereurs chez l’ami étoilé, restaurateur du Tout-Paris qui compte vraiment il paraît. Comme ces entrepreneurs de la nuit qui vous regardent cyniquement dilapider votre paie ou l’argent de la famille dans leur dernier écrin nocturne, un espace taillé sur-mesure pour que vous en ressortiez exangue, mais tellement fier d’avoir prouvé à ce monde interlope votre capacité à dépenser sans compter, mais ne vous leurrez pas, tandis que vos fins de mois deviennent plus difficiles, eux font le plein de billets, sur vos dives bouteilles, le tapin qui vous a fait de l’oeil et même la c qui vous donne l’illusion de la puissance et de la jeunesse éternelle… C’est ça l’entrepreneuriat moderne ou antique, après tout que sais-je si ça n’a pas toujours existé…
Du vegan en passant par le boule de Kim K, de la plus belle des voix à un jeu de guerre virtuel, de ces objets qu’on appelle précieux et que l’on convoite avec plus d’envie et d’amour qu’on en accordera jamais à nos proches, pour quelle finalité ?
Illustration : David Salle, Pay Only $39.95, 2014-2015. Oil, acrylic, crayon, archival digital print and pigment transfer on linen. 84 x 96 inches.
www.davidsallestudio.net
Courtesy Skarstedt, Copyright David Salle, Licensed by VAGA