Friedrich Hölderlin (1770-1843) est un très grand poète et penseur de la haute période classico-romantique en Allemagne, époque que la tradition culturelle occidentale fait encore rayonner autour de la figure emblématique de Goethe. Cet acmé de la littérature allemande créatrice plus tardive de son premier grand « classicisme » en Europe, précédé d’un « pré-classicisme » (Lessing…), peut comprendre l’ensemble du courant qui va du Sturm und Drang aux deux grands Classiques allemands Goethe et Schiller à Weimar, pour engendrer les « Modernes » Romantiques (Tieck, Novalis…). L’énorme élaboration philosophique allemande d’alors, sécularisatrice de la religion [en France, c’est 1789], par le protestantisme culturel, est partie prenante de cette époque : Le grand nom, c’est Kant, que Hölderlin appellera le « Moïse de la nation allemande ». Par le « titan » Fichte (selon Hölderlin, son discutant à Iéna en 1794-1795), lequel Fichte trouve « la révolution copernicienne » de Kant « inachevée », on aboutit à l’idéalisme allemand (« trèfle » Hölderlin, Hegel, Schelling, étudiants en théologie ensemble au Stift, le Grand Séminaire protestant de Tübingen), auquel Hölderlin, néanmoins oppose une objection fondamentale : l’être ne peut se confondre avec l’identité. Hölderlin excède cette époque. Il l’excède de loin, en deçà et au-delà, pour commencer de nous arriver plus véritablement au vingtième siècle : parce qu’il l’excède en profondeur, par sa traduction de la Grèce en Hespérie (le retournement catégorique occidental). Il est considéré comme le plus grand poète lyrique de langue allemande. La Grèce de Hölderlin est une traduction (cf. Remarques sur les traductions de Sophocle): Le Christ y représente le dernier « dieu » de l’Antiquité, dieu néanmoins charnière, car spécifique, ineffaçable de l’histoire de notre civilisation (Poèmes: Patmos, L’Unique). Le roman Hypérion (1797-99) demeure au coeur de l’oeuvre, le centre « excentrique » du mythe (au sens hölderlinien du terme) de l’autre Grèce de Hölderlin. Cette « autre Grèce » est aussi celle du retour hölderlinien au « natal » ( ou « patriotique »): On y retrouve une étrange Grèce souabe profondément, c’est à dire poétiquement « habitée » de ses propres « dieux », la Nature du mythe hölderlinien.