Chacun sa madeleine de Proust ! pour ma part, elle s’incarne à travers cette littérature dite horrifique, désormais apanage des écrans. Graham Masterton à l’inverse de Stephen King ou de Clive Barker, n’a pas fait sauter la caisse au box-office, mais il demeure pour les aficionados, une référence authentique, au moins égale, si ce n’est parfois supérieure dans cet art du cynisme malsain ou de la description sanguinolente.
Le Jour J du jugement m’a littéralement sauté dans les mains un jour d’Octobre dans les années 90. A cette époque j’avais déjà dévoré les classiques Carrie, Cujo, Simetierre, Ça, etc. vu l’Exorciste 10 fois et la Malédiction 10 de plus, Shocker, Amityville, Poltergeist, c’était de la limonade et chaque numéro de Mad Movies, Toxic, l’écran fantastique, Video 7 renforçait ma dévotion pour le genre, qui, d’ailleurs se mariait fort bien avec la musique Heavy.. Aujourd’hui tout cela appartient à la « culture » mais à l’époque c’était loin d’être le cas, le référentiel était emprunt de classissime et tout ce qui sortait du cadre était raillé, dénigré, méprisé, même si on était bien persuadés qu’un jour ou l’autre le vent allait tourner et faire de Captain America, Zelda ou Pennywise (le clown de ça), l’équivalent de Jean Valjean, Eurydice ou Zarathoustra. C’est peut être un peu exagéré, j’en conviens mais ce qui est sûr, c’est que générer la peur chez un lecteur est aussi ardu que de faire rire. Tirer les larmes est en comparaison beaucoup plus simple: Imaginez, un chaton d’à peine quelques mois, transis de froid, abandonné dans une ruelle, la peau sur les os, les yeux mi clos, résigné, il esquisse un miaulement auquel personne ne répondra jamais, l’inéluctable mort de cette petite bête innocente et si mignonne… Triste ? Admettons que j’ajoute à ce récit votre voisine de palier, vous savez la super gentille, celle qui garde votre enfant parfois lorsque vous devez en urgence faire quelques courses. Sans oublier son délicieux crumble ou l’exquis brownie. Bref, la voisine que vous a-do-rez, imaginez que son chemin croise la route de cette pauvre bête, vous attendez logiquement un dénouement heureux à ce récit fictif, mais si au lieu de lui porter assistance, son visage d’ordinaire si aimable, se transformait en un rictus dément et qu’elle saute à pieds joints sur la tête de l’animal à l’agonie, qu’elle l’éventre à mains nues pour en retirer son tout petit cœur qu’elle broye entre son index et son majeur… Effrayé ? Bof ? Ben voilà c’est pour ça qu’un auteur comme Masterton, parfaitement traduit par Truchaud qui apporte sa patte, est admirable, cette capacité à faire naître par ses mots l’angoisse et la peur, même chez le moins imaginatif d’entre nous…
Les treize chars avaient débarqué en Normandie le 13 septembre 1944. L’un d’entre eux, un Sherman,.,, était resté, abandonné là depuis la fin. de la guerre sur le bas-côté de la route. Les gens évitaient de s’en approcher. Ils disaient que, par les nuits les plus sombres, on pouvait entendre les morts, l’équipage, parler entre eux à l’intérieur du char. Dan McCook voulut en avoir le coeur net. C’était déjà une erreur: Mais, surtout, jamais il n’aura dû desceller le crucifix qui fermait la tourelle…
(…) J’étais décidé à ne pas la laisser partir tant que je n’aurais pas obtenu un rendez-vous ferme. Le char et ses fantômes étaient bigrement intéressants, mais Madeleine Passerelle l’était encore plus. D’ordinaire, vous n’avez pas beaucoup de distractions lorsque vous dressez une carte militaire du nord de la France, et quelques verres de vin et une galipette dans l’étable avec la fille de fermier, même au plus fort de l’hiver, c’était beaucoup plus séduisant que le repas silencieux et solitaires dans le mausolée marron et empestant l’ail que mon hôtel appelait facétieusement la salle à manger. (…)