Pour Saint Thomas d’Aquin : Si aliquis carius velit vendere res suas quam sit justum pretium… manifeste usura committitur. Si quelqu’un veut vendre ses biens plus cher que le juste prix, l’usure est évidente… (L’usure désigne l’intérêt d’un prêt au taux abusif.).
Aujourd’hui la formule n’a plus lieu d’être, le juste prix est celui qui est accepté par un nombre de clients suffisants ou dicté par des considérations qui dépassent le ratio utilité/qualité, même si nous essayons de nous dégager de ce modèle en feignant de ne pas y adhérer. En tout état de cause, le livre Propaganda de Edward Bernays et préfacé par Normand Baillargeon demeure une référence dans le domaine encore et toujours d’actualité : « Le manuel classique de l’industrie des relations publiques « , selon Noam Chomsky. Véritable petite guide pratique écrit en 1928 par le neveu américain de Sigmund Freud, ce livre expose cyniquement et sans détour les grands principes de la manipulation mentale de masse ou de ce que Bernays appelait la » fabrique du consentement « . Comment imposer une nouvelle marque de lessive ? Comment faire élire un président ? Dans la logique des » démocraties de marché « , ces questions se confondent.
Bernays assume pleinement ce constat : les choix des masses étant déterminants, ceux qui viendront à les influencer détiendront réellement le pouvoir. La démocratie moderne implique une nouvelle forme de gouvernement, invisible : la propagande. Loin d’en faire la critique, l’auteur se propose d’en perfectionner et d’en systématiser les techniques à partir des acquis de la psychalanyse. Un document édifiant où l’on apprend que la propagande politique au XXe siècle n’est pas née dans les régimes totalitaires mais au cœur même de la démocratie libérale américaine… Sur la question des salaires, le point de vue d’Alain reste totalement pertinent : « Gagner sa vie, cela ne fait point peine, et même fait plaisir. Ce qui irrite, c’est l’idée que ce salaire bien gagné ne vienne pas par le travail seul, comme un lièvre pris à la chasse, mais dépende encore de la volonté et du jugement de quelqu’un. » Moralité, il n’y en a pas, nous nous conformons, adaptons, tentons de créer de nouveaux modèles (éphémères ou pérennes) pour échapper à la condition de marchandise/dévoreur de ressources tout en étant soumis à une pression consumériste sans équivalent. J’achète donc je suis, ma position sociale détermine ma qualité, au XXI°ème siècle quand commencerons-nous à nous réinventer pour faire ce que doit, exister et progresser ?