Un média libre c’est ce gosse insolent, né des amours illégitimes d’un tract et d’une radio pirate, qui n’atteindra jamais la majorité… Rien de plus fierot que ce morveux, qui jacasse et couine comme s’il était lu ou écouté, travaille sa virgule pour une nonchalante poignée d’initiés, se tient toujours prêt à déclencher autre chose que quelques sourires entendus. Dans ses nippes de gueux, il y a toujours un média libre pour couvrir en grand reporter la Commune en 1870 ou la contre-culture en 1970, vivre d’eau fraîche et d’amour, vider son fric, ses tripes, sa bile. Arrogant, subjectif, cynique, il ricane quand sourient les médias officiels, grince quand ils sont graves, rue quand ils sont lâches. Il est libre parce qu’il n’a rien à perdre et rien à vendre. Libre de toute pression, libre pour ses passions. Non formaté. Non conforme. Parfois informe. Parfois informatif. Il peut adorer. Et brûler. Libre comme un amour libre. Rien de plus teigneux que ce cancre qui provoque le passant de ses apostrophes, sans diplômes ni autorisations, sans cartes de presse ni renommée tamponnée.
Sans personne à ménager, sans comptes à rendre, sans sponsors. S’il règne c’est à la cour des miracles. A lui seul il ne touche peut être que cent ou trois cent personnes. Mais avec tous ses frères naturels il représente peut-être le plus gros média du pays.
Combien de radios, de fanzines, de sites internet ?
Toutes ces ramifications peuvent-elles constituer un réseau, tisser une toile ? Peut-on trinquer ensemble à la santé de Louise Attaque, passant dans les petites salles et radios associatives pour fêter leur deuxième album avec ceux qui ont permis qu’il voit le jour ? Peut-on rire sardoniquement de lire dans Rock and Folk que l’espoir pour les petits labels viendra « des nouvelles technologies, des fanzines, et, beaucoup plus modestement, de (leur) rubrique » ? Y a-t-il moyen de se serrer les coudes de média libre à média libre, mais aussi avec les lieux, les militants, les artistes d’une mouvance proche ? Le premier média libre s’appelle bouche à oreille. Que peut-on contre ça ? Rien de plus libre que cet avorton qui refuse la publicité dans ses émissions de radio ou sites internet, la dictature de l’actualité ou des célébrités et peut faire des pieds de nez à n’importe qui et n’importe quoi. Ou alors il se marie avec la publicité, une tendance politique ou une maison de disques et peut vieillir heureux. Mais il n’est plus libre. Il prend le nom de son époux. La liberté c’est bien à condition de savoir y rester.
SOURCE : Alias 15-05-2001 interdits.net