Nous vivons l’époque des syllogismes d’ensemble absurdes, des clivages impossibles, du raisonnement figé sans remise en question. La faute à qui ? Le dire m’exposerait à la réfutation totale et immédiate de cette proposition de réflexion. Prenons un exemple concret : Donald Trump critique une partie de la presse, une partie du peuple critique Trump donc la presse dans son ensemble et le peuple dans son ensemble sont victimes de Trump… si je souhaite revenir sur ce que j’ai écrit, parce que je considère que c’est exagéré ou médiocre, ce sera trop tard, mon éventuel contradicteur se sera emparé de cette première information et ne me laissera aucune possibilité de modérer, d’atténuer ou même de changer mon propos. C’est possiblement le crépuscule de la spontanéité et de l’esprit critique. J’en veux pour preuve celui qui, sous le coup d’une impulsion, écrit un tweet, se rend compte qu’il n’est pas approprié et le retire, le commentaire consécutif ne tiendra compte que du fait que le message a été écrit, donc réfléchi et assumé en pleine conscience, par conséquent cet acte doit être condamné avec la plus grande fermeté, c’est d’autant plus vrai si c’est un trait d’humour… qui ose faire de l’humour en 2017 ? … Critiquer un élément revient à critiquer sa totalité. Si lors du journal télévisé j’ai l’impression qu’on sert la soupe à un parti politique populiste et que je l’exprime, ou si je conteste la fiabilité de certains sondages qui sont, selon moi, des pièges à clics tout aussi populistes et racoleurs, alors j’aurai commis le crime d’avoir critiqué l’ensemble du corps professionnel journalistique qui s’emploierait (si je représentais quelque chose) à me discréditer par tous moyens. De fait, j’ai de plus en plus l’impression que l’objectif n’est plus d’informer, d’éduquer mais de censurer et de condamner, de générer la petite phrase qui précipitera l’auteur au bûcher des vanités… Le risque étant par conséquent que, effrayés par ce traitement totalitaire de la pensée, nos concitoyens se résignent au pire en réaction à ce jusqu’au boutisme fanatique digne de l’inquisition, motivé notamment par la course aux espaces publicitaires.
Que penser par exemple de ces titres glanés au fil d’une recherche de 30 secondes :
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« Monsieur pipi », « Mister Nobody », « Loser »: les surnoms de François Fillon peuvent-ils lui nuire ?
La blague de Vladimir Poutine sur Donald Trump et les « meilleures prostituées du monde »
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Dopage : Fourcade quitte prématurément la réunion avec la Fédération internationale…
François Hollande « sidéré par la bêtise » d’Anne Hidalgo
Ce sondage a de quoi inquiéter le PS… et un peu François Fillon
L’attitude de Barron Trump à l’investiture de son père fait marrer les internautes
Revenu universel. Benoît Hamon a-t-il rétropédalé ?
Suis-je le seul à ressentir la violence de ces mots ? A lire ces conditionnels qui ne traitent pas de faits mais sont le fruit de simples spéculations, quelle vérité peut sortir de cette information-spectacle ? Toute la journée la pression s’exerce sur les smartphones, tablettes, ordinateurs, boites mails, radios, télévisions, journaux papier, l’homme de la rue peut-il échapper à cette façon de raisonner ? Un autre point de rupture est la légitimité par le chiffre. Qu’importe la nullité si les chiffres sont importants, si ce billet est partagé des milliers de fois alors il deviendra référence, sinon il n’aura aucune valeur… Pour conclure, je ne parle qu’en mon nom, je ne représente personne, je suis ma propre voix et mes interrogations me sont personnelles. Je ne donne pas de leçons ni ne cherche à en recevoir, en revanche mon souhait serait qu’il y ait plus de recul, plus de vérité et moins d’interprétation, moins d’huile sur le feu et plus de compréhension. Est-ce déjà trop tard ?