L’exergue dit : «Pour mon mari, pour chaque mari.» Suivent 138 chapitres : «Préparer un lit confortable est un aspect fort important de la tenue d’un intérieur», «Il est absolument nécessaire de se laver les aisselles et les hanches tous les jours». Chaque titre est une phrase du Traité prouvant par diverses raisons que les femmes surpassent les hommes, un livre érotique du XVIIe siècle. La Mariée mise à nu est le récit d’une découverte et d’une libération, l’histoire d’une femme qui s’éloigne des rivages familiers de l’amour conjugal pour explorer les ressources insoupçonnées de sa sexualité. Il y a dans ce voyage quelque chose d’euphorique, transgressif, dangereux. La narratrice, qui n’est pas nommée, a une amie, Theo, et un mari, Cole. Cole et la narratrice s’aiment, leur relation fonctionne «délicieusement, mis à part le sexe. […] Pourquoi l’avez-vous épousé ? Parce qu’il a dit oui. Et vous en étiez au stade où vous ne pensiez plus qu’un homme pourrait encore vous désirer à ce point. Et il s’est montré un si bon ami, dès le début, un compagnon». La narration est à la deuxième personne, une première personne se regardant à distance, comme dans : «Le pénis de Cole ne vous paraît pas assez dur parfois, comme s’il pensait à autre chose.» Donc, tout va bien, jusqu’au jour où l’épouse surprend une conversation entre Cole et Theo, qui pourrait signifier qu’ils sont amants. «Vous voilà exilée de votre mariage. […] Au moins, il n’est plus question de sexe, ce qui est un soulagement, quand il ne jouissait pas, c’était frustrant, et quand il jouissait, c’était dégueulasse, le plus souvent sur votre ventre ou votre visage, comme un chien qui marque son territoire au pied d’un poteau.» Dans un café de Londres, elle rencontre un «homme à la belle nuque», Gabriel, ils se revoient, elle lui prend les mains, il lui promet de l’emmener à une corrida. «Quelque chose commence à se faire jour en vous. Une idée : vivre avec moins d’hésitations, plus égoïstement. Avant, la vie était une chose qui n’arrivait qu’aux autres.» La narratrice fait des listes : «Ce que vous voulez : La pénombre. Un toucher qui soit délicat, lent, provocant, qui vous mette en confiance, qui vous pousse à désirer trop fort. […] Ce que vous ne voulez pas : Un énorme grognement au moment de jouir ou une expression du genre « ooh oui, chérie ». […] Ce que vous adorez : Des poignets à la Michel-Ange. Qu’il dise tout haut votre nom avant de jouir.» (L’auteur dit que ce chapitre est aussi un manuel pour les hommes.) Gabriel et la narratrice vont au café, dans les parcs, les musées, «le désir vous affole, douloureux», arrive un moment où Gabriel avoue qu’il est vierge, ils se retrouvent subséquemment et enfin dans un lit. C’est un apprentissage à partir de zéro, pas seulement pour lui. «Finalement, vous avez votre premier orgasme, un monde nouveau s’ouvre à vous. En faisant l’amour avec Gabriel, vous avez laissé paraître une autre personne. […] Une femme qui vous abasourdit et vous effraie. Une femme exigeante, égoïste, étincelante.» Plus violent devient son désir, plus effrayant le plaisir, et plus ses sentiments pour les deux hommes deviennent obscurs, contradictoires, douloureux, le manque s’accroît en même temps que la plénitude. La fin, choquante, nous dit qu’il y a un prix à payer. Traduit de l’anglais par Alfred Boudry. Au Diable Vauvert, 358 pp., 22 €. . Natalie LEVISALLES