Malgré le contexte, la nature offre un millésime 2020 d’une qualité extraordinaire, peut-être un des plus beaux de ces 30 dernières années, avec des acidités marquées et une belle fraîcheur caractéristique des Rosés Minuty. Le millésime 2020 est un vin ciselé doté d’une trame fraîche et élancée, tonique en finale, avec des notes savoureuses de fruits exotiques (fruits de la passion), de pamplemousses roses et de pêches blanches. Ce millésime incarne pleinement les plus belles expressions des cépages implantés sur les parcelles des terroirs uniques de Minuty.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
L’Orbe Vodka x Caviar est née du désir de trouver les meilleures méthodes d’infusion capables de marier des saveurs d’exception. Pour capturer les ingrédients les plus rares et les plus précieux au monde, L’Orbe s’inspire de l’une des dernières technologies mises au point par les grandes maisons de beauté et du luxe, la micro-encapsulation. Encapsulé dans une perle à la membrane naturelle intégralement composée d’eau et d’algues, chaque grain de caviar libère délicatement ses meilleurs arômes au contact de la vodka.
CUMCICOX :
Ingrédients :
50ml L’Orbe Vodka x Caviar
25ml L’Orbe infuse au concombre et au citron
12.5ml Crème de Cacao Blanc
Zest de citron
Concombre
Ustensiles :
Verre à Mélange
Cuillère à cocktails
Verre à vin
Laisser infuser L’Orbe avec du citron et du concombre pendant quelques heures. Mélanger tous les ingrédients dans un verre à mélange, avant de servir dans un verre à vin. Garnir avec un concombre et un zest de citron.
SWEET DREAMS
Ingrédients :
50ml L’Orbe Vodka x Caviar
20ml Lillet Blanc
10ml sirop de chocolat
Eau pétillante
Ustensiles :
Shaker
Passoire
Verre à long drink
Ajouter tous les ingrédients dans un shaker sauf l’eau pétillante et shaker. Filtrer et servir dans un verre à long drink. Compléter avec de l’eau pétillante et garnir avec des pétales de rose.
MOSCOW MULE
Ingrédients :
50ml L’Orbe Vodka x Caviar
7.5ml Yuzu
5ml jus de citron
2.5ml miel
7.5ml sirop de sucre
Ginger Beer
Ustensiles :
Shaker
Passoire
Verre à long drink
Ajouter tous les ingrédients sauf la ginger beer dans un shaker, et shaker vigoureusement. Servir dans un verre à long drink, et compléter avec la ginger beer. Garnir avec un zeste de citron.
A consommer avec modération, l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.
LOUIS XIII joue la carte de la saisonnalité sur ses réseaux sociaux. We Are Social Studios, le studio de production interne de l’agence We Are Social, a fait appel au tandem d’artistes Parallèle Zéro pour réaliser une série d’images propres à chaque saison, pour accompagner LOUIS XIII sur ses plateformes digitales tout au long de l’année et faire découvrir l’univers de l’emblématique cognac.
“ LOUIS XIII, c’est la rencontre avec un objet fascinant et inspirant, tant par son histoire que par l’esthétique singulière de la carafe. Au fil des séries, un dialogue créatif s’est établi avec le studio We Are Social, comme une partie d’échec où les joueurs seraient le client LOUIS XIII (sous les traits de sa responsable digitale internationale Ingrid Gnanadicom), le directeur artistique de l’agence (Jean-François Ballé) et nous-mêmes. Certaines images ont trouvé leur équilibre parfait grâce à ces différents regards présents avec nous sur les shootings » commente le collectif Parallèle Zéro.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
La Cuvée Elena, magnum du Château La Grâce Dieu des Prieurs, tout premier chardonnay de Saint-Emilion, vient de remporter le prix du meilleur design du Red Dot Award 2021 pour son coffret transparent en acrylique coulé. Tout en protégeant le magnum, le coffret met en valeur la forme et le design uniques de la bouteille, sur laquelle de délicats motifs floraux sont appliqués, individuellement sur chaque bouteille, par l’artiste Victor Kirilov. C’est le deuxième prix pour la Cuvée Elena dont le millésime 2019 a été nommé Meilleur Chardonnay Premium au Global Chardonnay Masters 2020.
Le propriétaire du Château Andreï Filatov, a décidé que le millésime 2019 comme tous les millésimes futurs de la Cuvée Elena seraient réservés exclusivement aux enchères caritatives, et que tous les fonds récoltés seraient mis à la disposition d’œuvres caritatives soutenant les enfants atteints de maladies graves. C’est à Elena Filatova, épouse du propriétaire du Château, que l’on doit cette idée caritative et généreuse. En découvrir plus: https://lagracedieudesprieurs.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
B7&1MORE est une marque de bières 100% françaises, “sauvages” et artisanales, aux saveurs authentiques. L’ambition est de redéfinir la culture de la bière artisanale en créant un collectif de passionnés du goût et des saveurs, et amoureux de l’aventure en plein air. La singularité de la marque s’illustre par son amour pour l’aventure en montagne et son engagement auprès des associations qui se battent pour la protection des ours sauvages. B7&1MORE s’engage au côté de l’association FERUS, première association nationale de défense et de sauvegarde des grands prédateurs. La marque est 100% transparente dans les actions qu’elle mène à leur côté. Elle reverse 1 euro sur chaque carton de 12 bouteilles achetées. L’association FERUS reçoit également 1 centime sur chaque bouteille B7&1MORE vendue à l’unité et 1 euro sur chaque fût de bière B7&1MORE acheté.
A découvrir : Limited Edition PANDA BEAR
Une bière aux saveurs complexes alliant la bière artisanale à l’association d’un saké artisanal pasteurisé pour arriver à un équilibre parfait à 7°. Les différents arômes proposent des notes végétales, de bois, de céréales. L’infusion aux feuilles de bambou apporte une légère douceur subtile en toile de fond.
En savoir plus: https://b7and1more.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
L’hôtel The Peninsula Paris invite cette année les amoureux à célébrer la Saint-Valentin autour d’un dîner gastronomique, chez soi. À cette occasion, le Chef Exécutif David Bizet a imaginé une carte savoureuse, au prix de 145€ par personne, le menu Romance inclut : 1 demi-bouteille de champagne rosé Amour de Deutz (37,5cl), 1 rose rouge. Le menu Élégance est disponible au prix de 190€ par personne et inclut : 1 bouteille de champagne rosé Amour de Deutz (75cl), 50 grammes de caviar impérial de Sologne de La Maison Nordique à déguster à l’apéritif, 1 rose rouge ainsi que la livraison à Paris et dans 22 communes limitrophes*.
MENU SAINT-VALENTIN
Amuse-bouche
Feuilleté truffe, gougère mimolette
Entrée
Crabe royal / eau de citron / floralie acidulée
Ou
Poireau en croûte de sel / mimosa d’agaric / truffe noire / essence poivrée
Deuxième entrée
Carpaccio de Saint-Jacques / mangue / gingembre / shiso vert
Plat
Saint-Pierre laqué au curcuma / carotte / orange / sarrasin croustillant
Ou
Bœuf façon Sénateur Couteaux / foie gras / maki de chou à la truffe noire / héliantis
Délice sucré à partager
Crémeux agrumes / fleur d’oranger / kumquat / pignons de pin caramélisés
Réservations sur https://gifts.peninsula.com/paris/valentines-day/all, au 01 58 12 28 88 (de 09h à 16h) ou à l’adresse email ppr@peninsula.com ; Les commandes doivent être passées au plus tard la veille au soir ;
Livraison les 13 et 14 février 2021 de 18h à 20h, offerte à Paris et dans 22 communes limitrophes* ; Possibilité de retirer sa commande au 19 Avenue Kléber, les 13 et 14 février 2021 de 11h30 à 17h.
* Levallois-Perret, Neuilly-sur-Seine, Issy-Les-Moulineaux, Montrouge, Vanves, Boulogne-Billancourt, Malakoff,
Gentilly, Ivry-sur-Seine, Le Kremlin Bicêtre, Montreuil, Saint-Ouen, La Défense, Bagnolet, Les Lilas,
Aubervilliers, Le Pré Saint-Gervais, Pantin, Saint-Mandé, Charenton-le-Pont, Vincennes, La Plaine Saint-Denis
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Issue d’une sélection des meilleurs blés français associée à l’eau pure des Vosges, la vodka XAU est un produit 100% artisanal distillé en Bourgogne. Le flacon or 24 carats dans lequel est présentée cette vodka unique, est le fruit du travail de designers et d’une technique de bouchage spécifique… High tech, raffinement et dégustation se donnent donc « rendez-vous » avec XAU, pour une expérience forte : un moment de plaisir dont on peut garder la mémoire, en conservant le flacon tel un collector… Idée de cadeau ou nouvelle référence, à la carte d’un restaurant gastronomique, d’un bar ou d’un établissement haut de gamme. Xau a sa place chez les particulier comme auprès des professionnels.
“Xau, c’est la rencontre de l’immuable et d’une incroyable dynamique de modernité, c’est l’instant qui s’inscrit dans le temps qui passe”, Sergio Diovisalvi.
Aujourd’hui, 1300 bouteilles de 50 centilitres sont disponibles en édition spéciale et limitée en France. La vodka XAU est commercialisée sur https://xau.boutique et dans des réseaux de distribution haut de gamme (cavistes, hôtels).
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
L’appellation Cognac annonce le lancement d’un concours barmans 100 % digital le 12 novembre prochain en France. En collaboration avec Spirits Hunters (spiritshunters.com/fr/), le Cognac Bartender Contest propose à tous les bartenders de France qui souhaitent participer de partager sur Instagram un tutoriel vidéo de création d’un cocktail à base de Cognac. Le concours couronnera deux lauréats par semaine pendant 4 semaines, et désignera un grand vainqueur qui sera accueilli par les producteurs de Cognac dès lors que le confinement sera levé et recevra une dotation de 1000 dollars des mains de Spirits Hunters. Le concours est 100% digital et relayé sur les réseaux sociaux du BNIC et de Spirits Hunters (@cognac_official ET @spiritshunters_mag).
DURÉE DU CONCOURS : du jeudi 12 novembre 2020 au jeudi 24 décembre 2020.
Informations complémentaires : https://www.spiritshunters.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Pour cette fin d’année, la Maison Hennessy revisite Hennessy Very Special avec une édition limitée aux couleurs dorées, chères à l’héritage de Maison. Hennessy Very Special revendique l’art des assemblages et impose son style unique. D’une force de caractère, il traverse les époques et est apprécié des connaisseurs. Hennessy Very Special se déguste seul, avec des glaçons ou en cocktail pour révéler la vivacité de ses arômes.
Cette édition limitée est disponible sur la boutique en ligne du Publicis Drugstore et sera disponible à la boutique Hennessy de Cognac début décembre.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Le cocktail BOULEVARDIER Français de Balbine Spirits (marque de cocktails prêts-à-déguster) possède un nez réconfortant finement malté avec une pointe de zeste d’orange, une évolution plus chaude de raisin sec et de toffee. En bouche, c’est un caractère affirmé et délicat. L’équilibre parfait entre le pur malt, le Pineau des Charentes et les plantes aromatiques chante à l’unisson…
D’où vient Balbine ? L’inspiration serait venue du livre « L’heure du cocktail » de Marcel Requien et Lucien Farnoux-Reynaud. Un véritable ouvrage de référence publié dans les années folles en 1927. Ses auteurs ont dédié ce livre à une muse Balbine, une femme représentative de cette époque insouciante et friandes d’élixirs en tout genre : libre, joyeuse, raffinée et française. Une synthèse de l’esprit de la marque Balbine Spirits : élégance, qualité, liberté, authenticité avec un caractère unique.
En découvrir plus: https://balbinespirits.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
Suze met à l’honneur les bars de quartier dans une collection inédite signée Vahram Muratyan, célèbre illustrateur français, grand amoureux des villes et fin observateur de la vie de quartier. Pour l’emblématique apéritif amer, Vahram Muratyan saisit l’essence de ces lieux en y apportant sa palette pop, ses formes géométriques et son design épuré. D’un coup de pinceau optimiste, il revisite à sa manière quelques quartiers emblématiques parisiens et lyonnais : Montmartre, Batignolles, La Butte-aux-Cailles pour Paris, et La Croix Rousse pour Lyon, sont ainsi cartographiés de façon décalée. Chacune des illustrations met en avant ces quartiers où l’on peut déguster, en terrasse, le cocktail phare de la marque : la Suze tonic !
C’est d’ailleurs, l’occasion de redécouvrir la Suze Tonic, recette simple, faible teneur en alcool – 5 degrés – c’est LE cocktail vintage dans l’air du temps !
1/3 de Suze
2/3 de Tonic
Des glaçons
1 quartier de citron jaune
Pour en savoir plus, rendez-vous sur https://www.suze.com/fr/edition-limitee-suze-par-vahram-muratyan
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION
La Maison Ruinart a proposé à trois Chef.fe.s incarnant une nouvelle génération de cuisiniers au parcours UNCONVENTIONAL / SINGULIER de prendre la relève du menu UNCONVENTIONAL / SINGULIER imaginé par le chef Alexandre Gauthier à La Grenouillère, suite à ses échanges avec le britannique David Shrigley, artiste carte blanche 2020 de la Maison Ruinart.
Dans la capitale, Céline Pham, Cathy Paraschiv et Antonin Bonnet relèvent le défi après une rencontre avec Alexandre Gauthier dans son restaurant étoilé de la Côte d’Opale. S’emparant chacun d’une cuvée de la Maison, ils imaginent à leur tour un menu UNCONVENTIONAL / SINGULIER à reproduire à domicile et créent trois rendez-vous gastronomiques à la fois inattendus et authentiques, en octobre, novembre et décembre 2020.
Chaque mois, un dîner est dévoilé. Il permet de plonger dans l’univers du Chef, de découvrir son parcours, ses inspirations et ses producteurs. Ce moment de dégustation mettant à l’honneur savoir-faire bistronomique, produits de saisons et cuvées Ruinart est accessible à domicile la semaine qui suit le dîner en commandant le panier de recettes pour 2 personnes dédié (édition de 75 paniers par chef.fe, au prix de 130€). Il contient les ingrédients nécessaires à la réalisation du menu, des fiches recettes et une vidéo explicative détaillant les gestes (dont le secret du chef) pour réussir les différents plats ainsi qu’un flacon de champagne Ruinart accompagné de ses notes de dégustation.
Panier de recettes pour 2 convives : 130 euros.
Edition limitée à 75 paniers par chef.
Disponible uniquement à Paris.
Réservations sur www.ruinart.com
Les paniers sont confectionnés et livrés par ONA.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Pour la fin d’année, la vodka super premium Grey Goose se pare de lumières avec une édition limitée unique au design spécifique qui s’allume grâce à un système de lightpad présent sous la bouteille. Un clic sous l’écrin suffit à la faire briller. Surmontée de son col argenté, cette bouteille en verre polie dotée d’une oie bleue sera le cadeau idéal pour tous les amateurs de spiritueux. Disponible à partir de mi-novembre
COCKTAIL COMPTE À REBOURS
INGRÉDIENTS
35 ml Vodka Grey Goose®
15 ml de sirop d’agave léger
25 ml de jus de pamplemousse jaune 25 ml de jus d’ananas
Garnir de soda au gingembre glacé
PRÉPARATION
1. Agiter, puis filtrer dans une flûte glacée et garnir de soda au gingembre glacé
2. Garnir d’un zeste de pamplemousse
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
www.greygoose.com
À l’approche des fêtes de fin d’année, le Château Brown propose un coffret pour découvrir ses vins à travers trois millésimes. Trois millésimes d’exception pour apprécier les évolutions et les nuances de ce cru de Pessac-Léognan. Dans cet écrin: alliance de la finesse du Château Brown rouge 2014, de la gourmandise du 2015 et de la puissance du 2016. Le cadeau pépite et rare de cette fin d’année 2020, à chuchoter à l’oreille du Père Noël… En vente à LA VINOTHEQUE DE BORDEAUX à 95€ TTC 8 Cours du 30 Juillet 33000 Bordeaux. Ce coffret d’exception a été réalisé en seulement 100 exemplaires, en pin massif des Landes. Produit localement (en Gironde), de manière durable et responsable par l’artisan Eric Micouleau (société l’Ecrin du vin.) Le plus de ce coffret: la possibilité de lui donner une seconde vie en le transformant en objet décoratif ou lampe d’ambiance… Un écrin unique et élégant qui rassemble trois millésimes de la propriété en rouge : 2014, 2015 et 2016. Trois cuvées dans lesquelles on retrouve un caractère Pessac-Léognan bien affirmé, mais surtout le savoir-faire de Jean-Christophe Mau, à la tête du Château Brown depuis 15 ans.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ – À CONSOMMER AVEC MODÉRATION
Pour cette fin d’année, Mouton Cadet a travaillé de concert avec la chocolatière Hasnaâ Ferreira pour traduire les notes de dégustation de quatre appellations bordelaises, en quatre tablettes de chocolat exclusives.
Une création originale à déguster, présentée dans une caisse bois réunissant les références Réserve Mouton Cadet et leurs tablettes de chocolat. Edition limitée, disponible dès le mois de novembre au sein des boutiques bordelaise de Hasnaâ Ferreira et sur www.vinatis.com au prix conseillé de 88€ TTC. https://www.vinatis.com/mouton-cadet-coffret-hasnaa
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
7h59
Encore une minute. La foule est compacte. Massive. Dense. Je sens la pression, de plus en plus intense, de chaque côté de mon corps. Faire abstraction. Focaliser mon attention sur l’objectif. Respiration contrôlée. Poings serrés. Une goutte de sueur perle sur mon front. L’attente est quasiment terminée, mais rien n’est encore joué. Au contraire, c’est maintenant que tout commence. Face à moi le rideau de fer entame enfin son ascension, comme au ralenti. J’essaie de résister, de faire barrage. Au moins gagner la bataille des premiers mètres. Il faudra 45 secondes pour que la grille soit totalement relevée, puis 15 secondes pour franchir la double porte vitrée avant qu’elle ne se referme. Ensuite ? Il n’est pas nécessaire d’y songer. Je suis prêt. Mon plan est parfaitement clair. Précis. Moins de 15 secondes. Je ferme les yeux. J’ai juste le temps de repenser à la genèse de cette histoire. Et comme bien souvent, tout démarre au bar…
7h59 et 50 secondes
4ème tournée. Max, Léo, Lucas, les deux Mélanie : Mel B. et Mel C. en hommage au Spice Girls, Zaza, Kamel, Mia, Franck, nous étions tous d’accord sur le fait qu’il fallait changer les choses, comme nous étions parfaitement convaincus que rien n’émergerait jamais de ce conciliabule. Notre réflexion collective était consumée aussi promptement que les Mojitos, Spritz, bières, Devilish Don que nous venions d’enchainer, mais cela faisait partie des incontournables sujets de conversation qui permettaient à chacun d’exprimer son point de vue. Il nous restait encore du temps avant la fermeture du bar et hormis quelques apartés sur les événements sportifs, nous ne nous étions pas encore assez épanchés sur la politique, les réseaux sociaux, le climat, l’alimentation, les dangers de toutes sortes, les séries télé, la famille, les amis, les médias. Comme nous avions peu ou prou les mêmes sources d’informations, nous n’apprenions rien de vraiment nouveau, mais quelle importance ? C’était à mon tour de payer et j’espérais secrètement que mes collègues auraient la délicate attention de se contenter d’eau du robinet. Cela me semblait tout de même bien mal engagé.
– Qui veut quoi ?
– La même chose
– Pareil
– Un verre de vin blanc sec
– Gin Tonic
– hummmm, je sais pas
– Irish Coffee
– Irish Coffee ? Non mais quoi d’autre encore ?
– Champagne !
Mel B. me toisait du regard, sûre d’elle, anticipant une remarque cinglante de ma part, la répartie sans doute préparée depuis un bon moment. Je n’étais pas spécialement réputé pour mon calme, mais il fallait l’admettre, le jeu n’en valait pas la chandelle. Il y avait plus de risque de se mettre tout le monde à dos et de passer pour un radin. Si seulement c’était un homme hétéro j’aurai pu m’en donner à coeur joie, mais elle était pansexuelle, féministe et vegan… absolument intouchable, une sorte de vache sacrée des temps présents et pas une vache maigre, plutôt de la bonne limousine.
– Ok champagne…
– Ruinart
– Quoi Ruinart ?
– Du Ruinart, je veux du Ruinart.
Oh putain, elle me cherche. Je reste impassible. Une mer d’huile. Zen. Petit Bambou.
– Alors, une coupe de Ruinart pour Mel B.
Silence. Après quelques secondes d’atermoiement, chacun opte finalement pour un simple renouvellement de sa consommation. Fred, le barman, était installé comme à l’accoutumé derrière son comptoir. J’allais à sa rencontre, slalomant de mon mieux entre les tables très peu espacées. Fred était un mec vraiment adorable qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Christopher Lee, l’acteur qui avait notamment incarné Dracula, Saroumane dans le Seigneur des Anneaux et le Comte Dooku dans Star Wars. Pour compléter son flippant faciès, il disposait d’une voix gutturale aux accents slaves qu’il modulait à la perfection.
– Bonsoir cher ami Voltaire, que puis-je faire pour toi ?
Non, Voltaire n’était pas un surnom. Oui c’était mon vrai prénom. Voltaire Legland. Mon père, professeur de lettres avait tout de même hésité avec Fiodor pour Dostoïevski. Finalement je ne m’en étais pas si mal tiré… pour quelqu’un dont le nom de famille est Legland.
– Alors, 7 la même chose, 1 Irish Coffee et 1 coupe de Ruinart…
Fred leva une paupière faussement intrigué.
– Mélanie ?
– Oui
Il esquissa un léger sourire, se retourna et prit une bouteille de crémant d’Alsace.
– Un jour je lui ai dit que c’était du Ruinart. Depuis elle en est persuadée.
– T’inquiète pas, je ne risque pas de révéler ce petit secret !
Je retournais à la table de bien meilleure humeur. Et pourtant, une angoisse existentielle me taraudait tandis que je jetais un coup d’œil circulaire sur la faune présente dans le bar. A droite, une table de cinq jeunes d’une vingtaine d’années. J’aurai voulu dire insouciants et libres, mais cela semblait ne pas être le cas. Au contraire, ils étaient ensemble, mais seuls. Leurs yeux totalement rivés sur leurs portables. Une des filles, très concentrée, agençait au mieux les verres et les mitraillait avec son téléphone sans doute pour Instagramer. Son visage grave et sérieux se mua instantanément en une expression souriante, connotée et quelque peu grivoise. Elle demanda à ses deux voisins de se rapprocher d’elle, pour un selfie qui serait probablement légendé afin de faire rager sa communauté. Sitôt la photo terminée, sa figure redevint impassible, neutre, sans affect, vide et ses amis reprirent instantanément leurs positions, sans un mot. Fixés sur leurs smartphones. Un peu perturbé et attristé par ce spectacle qui me laissait un goût amer, je ressentais une vague de nostalgie pour une époque révolue mais pas si lointaine, que nous avions pourtant largement dénigrée, naïvement persuadés que le futur nous comblerait plus que nous ne le méritions. Au lieu de cela, nous étions devenus des zombies 2.1 phagocytés par les réseaux et autres fils à la patte virtuels… Avant, la picole au bar, c’était du sérieux ! on refaisait le monde aussi mais de façon beaucoup plus amusante, enfin, si j’en croyais les quelques bribes de souvenirs encore vivaces qui me restaient.
7h59 et 51 secondes
– Alors Voltaire, tu t’es perdu ?
– Non, je bloquais sur les petits jeunes là, tous sur leurs portables. Ca sert à quoi d’être avec des gens si c’est pour ne pas les regarder et être ailleurs ?
– Vu ta gueule, je préférerais ne pas te regarder et être ailleurs…
C’était Zaza de la compta, une vraie boute en train. Dire que j’avais filé 10 euros pour son cadeau de rémission de cancer. Continue toi aussi à te foutre de ma gueule et je ne participerai pas à la couronne mortuaire le jour venu ! Évidemment, toute la tablée s’en donnait à cœur joie.
– Ahah très drôle Zaza. Mel, ça va le champagne est à ton goût ?
– Un délice, mais bon encore faut-il être connaisseur pour apprécier …
Je me demandais vraiment ce que je faisais ici, parmi ces personnes semi étrangères avec lesquelles je passais l’essentiel de mes journées mais qui au final ne savaient rien de moi. Arc-boutés et dépendants des préjugés qu’ils s’étaient forgés. Léo, lui aussi absorbé par son smartphone, se mit à bouger frénétiquement. Instantanément, toute notre attention se porta sur lui. C’était un garçon taciturne et pas particulièrement énergique de l’informatique, le voir ainsi, nous intriguait au plus au point.
– Il fait une crise d’épilepsie ?
– Ca va Léo ?
– Non mais c’est ouf, il se passe un truc absolument incroyable ! C’est une dinguerie !!
– Mais qu’est-ce qu’il raconte ?
Léo était extatique, comme possédé par la nouvelle qu’il venait d’apprendre. Nous étions suspendu à ses lèvres, curieux et avides de comprendre ce qui valait la peine de se mettre dans un tel état. Kamel, qui faisait partie du même service que lui, essaya avec un peu plus de délicatesse d’en savoir plus.
– Bon, Rain Man, c’est quoi le deal ? T’as eu un an d’abonnement à Pornhub offert par tes parents ?
Le jeune Geek ne cherchait même pas à se défendre. S’il y avait bien quelque chose que nous avions tous en commun, c’était cette incapacité à attendre et là, il nous mettait au supplice.
– Ca vient de tomber sur le Dark Web et c’est remonté sur Reddit, dans même pas 10 minutes vous aurez tous l’info sur vos fils d’actu.
Il prit une longue inspiration avant de poursuivre son explication.
– Neo Famicom, le plus grand fabricant de consoles de jeux vidéo au monde a décidé de mettre en vente 5 exemplaires de la plus exceptionnelle des machines. C’est quasiment la bête ultime, un condensé de technologie qui synthétise tout ce qu’il y a de mieux à l’heure actuelle et bien plus encore. Ils ont signé un accord d’exclusivité avec la chaîne de magasins Highstore et vous savez quoi ? Le shop choisi pour l’occasion c’est celui de Bordeaux Lac !
– 5 dans le monde ? elle va être à 1 milliard d’euros ta console !
– En fait non, au prix de la XT5 actuelle. L’objectif n’est pas là, ils veulent créer une sorte de happening géant, transcender l’expérience videoludique mais dans la réalité, ils sont talonnés par GameCorp qui propose de meilleurs produits à prix plus attractifs, alors quoi de mieux que d’organiser un événement sans précédent pour rallier les masses ? C’est pareil pour l’enseigne et les médias qui vont orchestrer ce Battle Royale hors normes.
– Je comprends rien …
– Séries limitées. Précommandes. Ruptures de stocks programmées. Impensable dans un monde de surproduction et pourtant ? Il faut bien susciter le désir par tout moyen. Ce que propose Neo Famicom est absolument génial, une révolution de l’acte d’achat, un retour aux basiques, aux fondamentaux. Aujourd’hui tout est fait pour endiguer les frustrations, il n’est quasiment plus nécessaire d’attendre pour avoir : Livraisons express, séries, films, tout est mis à notre disposition en un clic. L’instinct primitif s’étiole, sauf dans des cas particuliers comme le Black Friday, regardez ce que nous sommes prêts à faire pour nous emparer d’un bien que nous convoitons. Léo brandit son téléphone pour nous montrer une vidéo montage diffusée sur Youtube d’émeutes en magasins :
Combien d’entre nous autour de cette table seraient prêts à faire la même chose ? Même avec quelques verres dans le nez ? nous sommes suffisamment éduqués pour dire que jamais nous ne nous comporterions ainsi, de même que, j’en suis sûr, nous ne commettons jamais d’incivilités… Nous prétendons être des citoyens modèles, réfléchis, socialement stables… mais qui sommes nous vraiment lorsque nous ne sommes guidés que par notre instinct, l’animal en nous aux commandes ? Neo Famicom va créer une nouvelle génération de joueurs et bouleverser nos habitudes.
– Mais comment il parle le Geek ?
ENTRACTE
Interludes musicaux
Love Is My Destination est une chanson d’Edwin Starr parue en 1968, il s’agit de la face B de Twenty-Five Miles. Edwin Starr est un des plus grands chanteurs et compositeurs de soul d’abord au sein du label Ric-Tic puis de la Motown, son hit le plus populaire est le très engagé War, contre la guerre du Viêt Nam.
We’re Not Gonna Take It est une chanson du groupe américain Twisted Sister tirée de leur album Stay Hungry sorti en 1984. Ce titre emblématique du glam rock a été écrit par le charismatique chanteur du groupe Dee Snider. Le clip pour sa part a été réalisé par Marty Callner. Fait marquant Mark Metcalf reprend son personnage de Douglas C. Niedermeyer du film Animal House de 1978. Symbolisant le conformisme petit bourgeois contre lequel le rock s’érige, il se rend au début de la vidéo dans la chambre de son fils pour lui faire une leçon, finissant par le sempiternel « Que veux-tu faire de ta vie ? », ce à quoi le fils répond « Je veux faire du rock ! « We’re Not Gonna Take It » en gros, on va pas se laisser emmerder !
FIN DE L’ENTRACTE
.7h59 et 52 secondes
Le discours du gamin était très intéressant, même si je n’étais pas particulièrement préoccupé par l’avenir du jeu vidéo, en revanche j’avais bien accroché à son histoire de chasse au trésor. Après tout qu’avais-je à perdre ?
– Ca va se passer comment ? Pour trouver la console ?
– Neo Famicom va faire une conférence de presse spéciale le 15, pour expliquer les modalités de participation.
– En tout cas moi, je suis chaud pour m’inscrire !
– N’importe quoi, encore un truc masculinisé, genré, complètement binaire, pour abrutir les gosses.
– Contrairement à ce que tu dis, c’est très inclusif !
– Ah oui les jeux de guerre, sports, ça s’adresse à qui ?
– C’est toujours le même débat, vous focalisez toujours sur les points de crispation sans prendre en compte tous les éléments.
– Non mais tu vas pas me donner de leçon, t’as quel âge ?
– Donc d’un côté tu prônes l’inclusion et de l’autre tu rejettes mon raisonnement sur la base de mon âge ? C’est pas un peu contradictoire ?
– Moi je suis pour la paix inclusive, exclusive et universelle ! donc la personne qui prend la console, elle passe en caisse comme si c’était une console classique ?
– Je pense que ça va être un peu plus dur que ça…
– Bon, en tout cas ce qui est sûr ce que je vais participer et ramener la console à la maison ! Juste pour avoir une idée, elle se revendrait combien ?
– Beaucoup plus que tu ne peux l’imaginer !
– Compte sur moi pour l’imagination
7h59 et 53 secondes
Quelque part dans Tokyo au siège de Neo Famicom Corp. 59ème étage
He-Man the Masters of the Universe series for @complexcon in @kaikaikikigallery
Le bureau était immense, décoré de tableaux authentiques ou de sculptures de JM Basquiat, Banksy, Obey, JR, Takashi Murakami, Madsaki, Kaws, Maurizio Cattelan, de flippers et de bornes d’arcades de toutes sortes et de toutes génération, 4 écrans 8k formaient une mosaïque High Tech affichant là les cours de la bourse, ici une chaîne d’info continue, l’autre une agrégation de l’ensemble des réseaux sociaux et enfin des lives de jeux vidéos avec le classement en temps réel des meilleurs joueurs. Derrière l’homme aux lunettes fines en argent, de larges fenêtres qui offraient le plus beau des spectacles sur la ville et sur le ciel. Son fauteuil en cuir s’inclina légèrement, il aimait cette position qui selon lui, favorisait sa réflexion. Il jeta un œil sur son ordinateur 32 pouces et constata semi amusé qu’il ne lui restait que 500 mails à traiter. Il esquissa un demi sourire et daigna accorder un peu d’attention à son interlocuteur. Être face à Monsieur Myiagi était pour Kendo une sorte de consécration. Il espérait ne pas se montrer trop nerveux et respira doucement par le nez.
– Kendo, vous êtes, si je ne m’abuse notre directeur communication, en charge des consoles de jeu ?
– Oui Monsieur Myagi !
– Vous êtes dans notre compagnie depuis 15 ans et avez franchi tous les échelons, vous êtes en quelque sorte, vous aussi un produit maison.
– Oui Monsieur Myagi!
– Vous venez aujourd’hui me parler du projet LBOUND ?
– Oui Monsieur Myagi !
– Bien, je vous écoute
– Merci Monsieur Myagi ! Nous travaillons sur le projet LBOUND depuis 1 an maintenant. Nous avons organisé plus de 20000 enquêtes partout dans le monde, pour nous assurer qu’il était non seulement viable, mais espéré par notre public cible. Le projet a pour finalité de créer un nouveau mode de consommation. Nos joueurs se lassent de la facilité avec laquelle ils obtiennent leur matériel, équipements, jeux. Ils trouvent cela trop évident, même les précommandes ne génèrent plus d’excitation. Les plus malins ont créés des algorithmes qui leurs assurent la primeur sans aucune difficulté. Les joueurs veulent se challenger, se confronter pour obtenir ce qu’ils désirent. C’est pourquoi nous avons imaginé une sorte de grande bataille retransmise en direct sur tous nos réseaux ainsi que sur une chaîne télévisée partenaire. Pour participer, les concurrents devront s’inscrire en ligne. Nous en sélectionnerons 100 dans un premier temps, 50 après une première étape, puis 20 seront finalistes. 5 remporteront la victoire finale, à savoir notre modèle le plus iconique et le plus prisé, jamais mis en vente jusqu’à présent, la version Alpha + de La XT5. Nous serons associés à une chaîne de magasins, qui transformera l’une de ses boutiques pour l’occasion. Nous sommes en cours de finalisation des épreuves, mais la dernière sera la plus grandiose. Nous avons déjà concocté une base de profils nécessaires pour faire adhérer tous les publics. Il sera également possible de parier sur son champion.
– Un projet somme toute ambitieux, qui débouchera sur ?
– Dès le lendemain nous commercialiserons la XT5 Alpha+ chez notre partenaire, qui aménagera des stands dans l’esprit du LBOUND et bien sûr nous sortirons dans le même temps, le jeu vidéo LBOUND ONLINE, avec les personnages modélisés. D’après les premières simulations nos recettes dépasseront le milliard de dollars en moins d’une semaine.
Le siège de Yoshi Myagi s’inclina un peu plus.
– Excellent Kendo… ne serait-il pas judicieux, d’après vous, de nous porter acquéreurs de cette chaine de magasins ?
– Monsieur Myagi, l’idée me parait formidable, ainsi nous aurons le contrôle total et bien plus encore.
L’homme d’affaires acquiesça, satisfait.
– Prévenez votre femme et vos maitresses Kendo, vous aurez bientôt de quoi largement de quoi les combler !
– Merci Monsieur Myagi
– Vous pouvez disposer
Kendo Nakata traversa le bureau ni trop vite, ni trop lentement et referma délicatement, sans un regard derrière lui, la lourde porte en bois, reproduction à l’identique du château d’Himeji.
Arrivé au 17ème étage, l’ambiance était bien différente, rap américain en fond sonore, éclats de rire, le service communication, fort de son armée d’une vingtaine de digital natives détonnait dans la respectable maison. Kendo aurait pu manager la comptabilité, ou encore la logistique, il s’en moquait, seul lui importait le résultat. Il se plaça au milieu de l’open space. Ses ouailles coupèrent le son et observèrent le silence.
– Comme vous le savez, j’étais en entretien avec Monsieur Myagi afin de lui présenter LBOUND. Monsieur Myagi est l’un des plus grands patrons au monde et il n’est pas facile à convaincre, il a donc fallu que je lui apporte beaucoup de preuves et que je m’engage personnellement au nom de notre service sur la réussite du projet. Malgré ses réticences, craintes et objections, il a fini par accepter.
Un tonnerre de hourras et d’applaudissements retentit dans le service.
– Le travail commence maintenant ! Si nous voulons que LBOUND obtienne le succès qu’il mérite, il va falloir redoubler d’efforts et s’investir à 400%. Si vous ne vous en sentez pas capable, partez maintenant, il n’y aura ni honte ni déshonneur, cela prouvera simplement que vous n’êtes pas fait pour des projets de cette envergure ou pour travailler au sein d’une compagnie comme Neo Famicom. Alors quelqu’un souhaite renoncer ?
Pas un membre de l’équipe ne bougea, ils étaient tous prêts à relever le défi lancé par Kendo.
– Très bien, il est temps de déclencher le niveau 1 de notre plan. Les community managers, vous m’implantez une charge virale dans le dark web, je veux que l’on croit que c’est une fuite de chez nous, donnez les infos principales sur le projet mais pas trop non plus, juste ce qu’il faut pour alimenter l’imaginaire, emmenez les vers Reddit et alimentez le fil de conversation, là aussi soyez vigilants, faites ce qu’il faut avec les adresses IP etc. le reste suivra… Dès que ce sera lancé on aura 2 ou 3 heures devant nous pour lancer la deuxième phase. Tout le monde est prêt ?
La détermination de l’équipe ne faisait aucun doute, qu’ils arborent une crête d’iroquois, des tatouages sur le visage, des piercings ou autre signe distinctif, ils affichaient tous la même expression : Celle d’un lion en cage affamé, à qui on venait d’ouvrir la grille, avec au menu du jour les visiteurs du zoo.
7H59 et 54 secondes
Réveil gueule de bois, les tournées s’étaient enchaînées jusqu’à la fermeture du bar et j’étais rentré chez moi parfaitement éméché. Personne ne m’attendait. J’étais seul. Le cœur serré. L’alcool était devenu un allié aussi traître que réconfortant. Je me foutais bien de cette histoire de console, mais si je pouvais me rendre fier en accomplissant quelque chose… je chassais cette idée à coup d’anxiolytiques, gobés avec une tasse de café lyophilisé. En à peine trente minutes, j’étais prêt pour me rendre au travail, mon lieu principal de vie sociale. Je pris quelques instants pour me regarder dans le miroir de l’entrée. Je ne voyais rien. J’étais transparent. Il était grand temps de redonner de la consistance à cette enveloppe charnelle et de faire le nécessaire pour que l’âme égarée regagne enfin ses pénates. J’étais galvanisé, même si le comité d’accueil qui m’attendait au bureau avait pourtant de quoi me refroidir… Mes acolytes de soirée excellaient dans l’art de créer des histoires et bien évidemment tout le monde savait que j’étais prêt à m’inscrire au concours organisé par Neo Famicom et Highstore. Comme l’avait prédit Léo, les médias ne parlaient que de ça.
Article tiré de Konbini : Neo Famicom et Highstore s’unissent pour révolutionner l’histoire du jeu vidéo
De mémoire de Gamers, on avait jamais vu ça ! Un hack de haute volée sur le Dark Web dévoilant un document interne de Neo Famicom, partagé sur le réseau Reddit. Loin de démentir, le leader du jeu vidéo a bien confirmé l’opération via un communiqué de presse, mais à promis des poursuites à l’encontre des hackers. Il s’agit d’un projet inédit, digne d’un Charlie et la chocolaterie 2.1 : Le mix ultime entre Battle Royale et la chasse au trésor. 5 exemplaires de la plus convoitée des consoles seraient à acheter dans le nouveau magasin de la chaine Highstore situé à Bordeaux (oui vous avez bien lu) selon un procédé qui reste un mystère. D’après le constructeur qui a boosté ses serveurs pour tenir la charge, ce ne sont pas moins de 800 000 afficionados qui tentent de s’inscrire sur le site toutes 5 minutes. Si malgré tout vous voulez tenter votre chance jusqu’à ce soir 23h59, remplissez le formulaire en ligne disponible sur Neo Famicom et Highstore.
– Alors ça y est, tu t’es inscris, ou tu vas renoncer ?
L’inénarrable Zaza venait telle une hyène repérer sa proie.
– Attends, je suis sur le site de Neo Famicom.
Contrairement à l’idée que je m’étais faite du formulaire, tests QI, psychomoteurs, ou encore un calcul d’imc, il suffisait de connecter les réseaux auxquels on était abonné, donner son gamertag si on était possesseur d’une XT5, ce qui était mon cas et accepter un disclaimer de 10 pages pour satisfaire aux exigences du RGPD. Il y avait probablement des petites lignes intéressantes mais je n’avais pas le temps, il fallait que cette connasse de la compta constate par elle même que j’étais dûment enregistré.
– Voilà c’est fait ! Qui d’autre s’est lancé dans l’aventure ?
– Tous les jeunes, tu es le seul quadra de la boîte à avoir osé … génie ou imbécile, seul l’avenir nous le dira.
– J’ai une chance sur combien ? Quelques millions d’être choisi, ça va j’arriverais à survivre si je ne suis pas sélectionné.
D’ailleurs en toute logique je n’avais aucune chance. Ma vie en ligne était aussi désertique qu’en réalité. Quelques matchs avec des bots sur les sites de rencontre. A peine une centaine de contacts sur les réseaux sociaux … je n’étais pas du tout dans la cible.
Au siège de Neo Famicom Corp. 17ème étage
Kendo exultait, la première étape était un succès absolu avec plus de 300 millions d’inscrits. Les serveurs étaient à bloc et lui aussi. Son dealer lui avait fourni de nouvelles pilules qui lui donnait la sensation d’être totalement irrésistible. Les algorithmes tournaient à plein régime, le tri se faisait à la vitesse de la lumière.
– Alors, hurla-t-il à la cantonade, on en est où ?
Un timide sous fifre se leva et malgré sa peur prit la parole :
– Monsieur Kendo, nous avons déjà éliminé 99% des profils, nos machines se concentrent sur le pourcentage restants, nous aurons une liste de 100 individus dans moins d’une heure !
– C’est trop long, démerdez-vous, je veux que l’annonce des résultats soit diffusée à 12h30, soit 19h30 en France. Bougez-vous le cul ou je vous dégage moi-même !
– Oui Monsieur Kendo, c’est entendu Monsieur Kendo, je m’en occupe !
– Tout le monde est prêt pour la phase 2 ? scanda le manager survolté.
– Oui chef ! répondirent d’une même voix ses employés pourtant exténués. Le directeur des ventes débarqua en trombe dans l’open space.
– Kendo, nos ventes ont augmenté de 1000% et l’action est au plus haut, c’est un record historique !
Le manager n’arrivait plus à contenir sa jubilation. Il était le Napoléon du jeu vidéo et bientôt gouvernerait un peu plus que cette équipe d’empafés.
– Bon, l’américaine, il est temps de nous expliquer en quoi consiste la phase 2 !
Ashley était une ravissante jeune femme de 24 ans, aussi blonde que possible, diplômée entre autre de Stanford, polyglotte : anglais, japonais, français, espagnol, qui était à la genèse du projet LBOUND.
– A partir de ce soir, nos 100 compétiteurs seront prévenus par voie de presse. La surprise sera totale. Nous les contacterons bien entendu dans la foulée, pour leurs fournir les ressources nécessaires en fonction de leur situation. Dans cette phase de binarisation, seront extraits les profils les plus prisés par nos consommateurs, autant ceux qu’ils apprécient, que ceux qu’ils haïssent. Pour cela, les participants seront soumis à une compétition en ligne de deux heures, sur notre simulateur de comportement. Ils seront confrontés à des situations stressantes, comme fuir ou se battre, tricher ou dire la vérité etc., nous n’avons pas pour objectif de choisir entre les passifs, agressifs ou assertifs, mais de laisser le public choisir ceux qu’ils considèrent comme ayant le plus grand potentiel de survie dans un environnement hostile. Bien entendu nous avons déjà identifié 10 persona qui, quoiqu’il arrive seront qualifiés arbitrairement.
– C’est très clair Ashley, je vous laisse poursuivre les opération.
Ashley opina du chef et regagna son poste. Elle essayait de maintenir au mieux les apparences, mais c’était elle qui devrait être aux commandes et non pas ce pitre de Kendo. Aucune allure, aucune envergure, encore un gagne-petit, bénéficiaire des promotions internes, qui s’était retrouvé à une place qui n’était pas la sienne. La jeune femme d’apparence policée soupira et méprisa intérieurement cette mascarade. Elle avait pensé les japonais plus intelligents que cela, ou même ses collègues qui passaient leur temps à récurer les fonds de web pour glaner des bribes d’info. Pourtant cela semblait évident et elle n’avait rien caché. Son nom de famille était Bailey – Hudson, le même que celui de son père William Bailey – Hudson, propriétaire des 2500 magasins Highstore, première chaîne au monde dans le secteur de la High-tech, présente dans 40 pays. Pour la petite histoire, William Bailey – Hudson avait précocement hérité d’une fortune estimée à plus de 300 millions de dollars, lorsqu’il avait fondé sa propre compagnie. Son meilleur ami, Mike King lui avait dit alors : « Parfois, ce sont les personnes qu’on imagine capables de rien qui font des choses que personne n’aurait imaginé ». Mike King était aujourd’hui président de Gamecorp, le principal adversaire de Neo Famicom. Ashley étira ses bras et craqua ses doigts, il lui restait une énorme charge de travail, officiel et surtout non officiel à abattre. Elle s’autorisa tout de même une pensée vagabonde. Son père avait eu la plus brillante des idées, aidé par Mike, il avait totalement verrouillé sa vie privée. On le croyait ermite et reclus dans une résidence immense sur une île, les quelques photos qui circulaient de lui ne permettaient aucune identification formelle. Il passait la majorité de ses ordres à distance et vivait en définitive, dans l’anonymat le plus absolu. Ashley avait bien entendu elle aussi bénéficié de cette immunité, un véritable privilège qui lui offrait toutes les chances possibles, une en particulier, qu’elle comptait bien saisir. Sa phase 2 à elle, venait aussi de démarrer.
7H59 et 55 Secondes
Nous avions convenu avec la bande et quelques autres, de nous retrouver au bar pour suivre tous ensemble, en direct, l’annonce des résultats. Nous allions enfin connaître le nom des 100 chanceux, ou pas, qui allaient concourir dans cette singulière compétition. On aurait dit que le monde s’était mis entre parenthèses, plus de guerres, plus de faits d’hiver, les médias ne couvraient plus que ce seul sujet et les conjectures allaient bon train, du soir au matin. La principale chaine d’information en continu avait désormais son émission consacrée aux jeux vidéo, avec bien entendu son lot de consultants aussi éloignés du genre que possible. Fred le barman monta le son du téléviseur d’ordinaire utilisé pour les retransmissions sportives. Le générique de l’émission, « Here I Go Again » de Whitesnake emplit la salle. La foule massée devant l’écran, d’ordinaire exubérante et braillarde, respectait un solennel silence de cathédrale.
– Bonjour à toutes et à tous, ravis de vous retrouver pour ce numéro spécial de BFGame consacré aujourd’hui au phénomène Neo Famicom. A mes côtés j’ai le plaisir d’accueillir Jean-Claude Renard, ancien joueur professionnel de babyfoot qui nous accompagnera tout au long de l’émission et bien évidemment les chroniqueurs habituels, Pedro le Geek, Anastasia la princesse de la manette, Cousin Hub l’as du clash et Remy sans famille depuis qu’il a poncé GTA VI. Avant de vous révéler en exclu la liste des 100, telle qu’on l’appelle aujourd’hui, une page de pub.
Fred s’échinait à servir le plus de clients possibles durant cette relative accalmie commerciale. Il tendit, in extremis, une dernière bière à un habitué à moitié juché sur le comptoir au moment de la reprise du programme, qui le remercia du regard, comme s’il s’agissait d’un acte de charité biblique.
– Bonjour à toutes et à tous, si vous nous rejoignez maintenant ! C’est le moment. L’instant de vérité. Nous allons vous révéler le nom des sélectionnés, peut-être pas tous mais au moins les plus intéressants. On commence avec la géniale Akane Hiro, pour le Japon, Championne de e-sport catégorie Moba. Anatoli Droubetskoï, l’infaillible Russe, invaincu à Fifa depuis 2018. Brad Jones le Sniper américain, redoutable aux jeux de combat. Melissa Granger, la spécialiste irlandaise des casses-têtes et des jeux de réflexion. On ne peut pas tous les citer, mais ce sont des pointures parmi les autres ténors des jeux en ligne. Un avis Jean-Claude ?
– La caractéristique commune, c’est le mental, je crois que bon, ils sont très forts et ce seront de sérieux prétendants au titre.
– Euh Jean-Claude, en fait il n’y a pas de titre, c’est une compétition pour s’offrir le graal des joueurs de salon.
– Oui effectivement, l’important c’est la motivation, la concentration et puis être capable de s’adapter.
– Merci Jean-Claude ! Anastasia, est-ce que tu veux annoncer le nom des célébrités qui vont faire partie de l’aventure ?
– Avec plaisir Boss, j’étais en train de suivre les réactions sur les réseaux. La toile est carrément en train de s’embraser : Pour la France, les rappeurs Bul, Douda, Lariss, l’animateur Cyril Taboula, la comédienne de charme Lise Capri, le couple star de la télé-réalité Ben & Jen. Dans les célébrités extravagantes, nous avons le performer transformiste néerlandais Big Fat Joe ainsi que Colin Treatwood 88 ans qui a notamment joué dans les Doyens de la Galaxie… Parmi les sportifs nous avons un champion de Sumo, de MMA, une Skateboardeuse pro, une Street artiste coréenne… C’est très varié ! et les communautés des stars sont déjà à fond derrière leurs championnes et champions !
– OK Anastasia. Quelques stats Rémy ?
– Pour résumer, nous avons en gros 20% de gamers, 20% de sportifs, 20% d’artistes, 20% de personnalités publiques, 20% de chanceux et 18 nationalités différentes, mais un seul, un seul, euh et ce n’est pas une blague, ni un troll je crois. Vous pouvez me confirmer Cousin Hub que c’est bien une vraie personne et pas un prank de Neo Famicom ?
– Aucun doute mec, la preuve en image …
Alors que je pensais reprendre le cours normal de mon existence, arriva ce que je croyais être le pire…
– Il est déguisé en quoi ? demanda Anastasia
– Je crois que c’est un costume de pom pom girl, mais avec la barbe et un casque de viking.. je ne suis pas bien sûr !
– En tout cas un grand bravo à mais non, c’est pas possible … Voltaire Legland, de Bordeaux, qui avait une chance sur plus de 300 millions d’être sélectionné !!!
– J’ai fait les calculs Boss, pour être précis, il avait 5 fois plus de possibilités de gagner le jackpot à l’euromillion que d’être choisi !
– Top Rémy, on va l’inviter dans la prochaine émission et en savoir un peu plus sur lui.
– Il aura son déguisement tu crois ?
Eclats de rire sur le plateau et dans le bar.
– En tout cas ça y est, les épreuves vont enfin pouvoir commencer.
– Jean-Claude, le mot de la fin ?
– Oui, je crois, que bon, c’est super et j’espère que ça va être un bon moment pour tout le monde.
– Merci Jean-Claude, vous revenez quand vous voulez ! quant à nous, on se retrouve demain pour une nouvelle émission, dans laquelle nous allons tout debriefer et vous saurez tout sur les épreuves qui attendent ces gladiateurs des temps modernes !
– J’aurai plutôt dit pom pom vikings
– A demain et bonne soirée !
La photo ne quittait pas l’écran malgré le générique de fin. J’étais tétanisé. Je sentais sur moi les regards lourds de me collègues, même Fred me fixait avec insistance. Des centaines de photos postées sur les réseaux et ils avaient trouvé celle-ci, prise lors d’un nouvel an et ce n’était même pas moi qui l’avait mise en ligne. J’étais juste tagué dessus. Je restais un instant concentré sur mon verre, mon téléphone ne cessait de vibrer. Je n’avais pas la force de regarder. Ma tête commençait à tourner. Léo me tapota doucement sur l’épaule.
– Quoi ?
Il me regardait comme si j’étais une authentique divinité.
– Je crois qu’il va te falloir un coach !
– Et une équipe. Tu vas jamais y arriver tout seul.
C’était Zaza, les autres semblaient tous d’accord.
– Ouais et on va s’appeler la pompom vikteam !
Après avoir découvert les autres participants et surtout cette photo, qui faisait probablement le tour de la planète, je trouvais le terme de victime parfaitement approprié…
Dans le même temps, au sein de Neo Famicom, l’équipe de Kendo redoublait d’efforts, à tel point que Monsieur Myagi en personne, descendit les saluer. Ils se levèrent tous respectueusement, à son passage. Kendo qui n’avait pas été prévenu, les présenta succinctement, faisant de son mieux pour ne pas bafouiller. Le maître des lieux eut un regard et un mot pour chacun. Ses yeux perçants fixèrent un peu plus intensément la jeune fille à l’origine du projet. Il s’en alla d’un pas rapide, Kendo affable, dans son sillon. Ashley sentit une vibration caractéristique dans sa poche, son téléphone portable personnel afficha le nom de l’interlocuteur, elle partit promptement s’enfermer dans une petite salle de visioconférence attenante à son bureau.
– Bonjour Ashley
– Bonjour papa
– Comment se déroulent les opérations ?
– Le plan est parfaitement respecté, aucune ombre au tableau
– Très bien, reste sur tes gardes et garde la tête froide
– Oui papa, je ne me laisse pas distraire
– A très bientôt
– Oui, très bientôt
Elle regagna tranquillement sa place et se remit au travail. Tout était prêt, même le chaos était sous contrôle.
7h59 et 56 secondes
La sortie du bar était mouvementée, passer en un instant de celui qu’on ne regarde pas à celui qu’on dévisage n’est pas aussi évident qu’on se l’imagine, heureusement la team faisait bloc pour m’exfiltrer au mieux. A peine étions nous dehors, qu’un SUV noir pila face à nous.
– Manquerait plus qu’une prise d’otages !
– Tais-toi Max, Léo, filme au cas où.
Zaza assumait pleinement son rôle de leader. Léo dégaina prestement son xiaomi pour capturer la scène. Les deux Mel m’encadraient, Franck et Max plus en retrait se tenaient tout de même prêts à bondir.
Un modèle réduit de femme ouvrit la portière arrière et descendit du véhicule pour s’approcher de nous, son visage était pétillant. Elle se retenait visiblement de rire.
– Voltaire, vous êtes drôlement bien protégé ! Rassurez-vous nous faisons partie des relations presses de Neo Famicom et nous souhaiterions nous entretenir dès maintenant avec vous, le temps presse avant la première épreuve et nous devons valider ensemble plusieurs aspects juridiques, le droit à l’image, diverses formalités administratives mais ça ne devrait pas prendre plus d’une heure ou deux. Si vous voulez bien me suivre ?
Je consultais du regard mes partenaires.
– On pourrait se retrouver chez toi ? Donne-nous tes clés.
Je devais faire une drôle de tête parce que Mel C cru bon d’ajouter avec un air mutin,
– j’ai l’habitude des apparts de célibataires, on fermera les yeux si on tombe sur des trucs chelou.
Je ne sautais pas de joie à l’idée de laisser la bande envahir mon espace vital mais je n’avais clairement pas le choix.
Neo Famicom n’ayant pas d’antenne à Bordeaux, ils avaient loué un château reconverti pour l’occasion en une sorte de airbnb coworking. La jeune femme à la frimousse espiègle, profita du trajet pour se présenter.
– Je suis désolée Voltaire de cette entrée rocambolesque, mais nous ne pouvions pas vous laisser répondre aux sollicitations des médias ou autres avant d’avoir pu échanger avec vous. Je me prénomme Alice, je travaille pour Neo Famicom depuis 2 ans et je dois vous avouer que c’est la première fois que je suis impliquée dans un projet de cette envergure. Je serai en quelque sorte votre nounou pendant toute l’aventure.
Ah merde, Zaza allait faire la gueule.
– Ben, merci beaucoup, je ne sais pas trop ce qu’il m’arrive, j’ai même pas regardé mon portable pour l’instant, j’avoue que je me suis un peu inscrit sans y réfléchir et je ne suis pas non plus un fou furieux des jeux vidéo, bref, maintenant que le train est lancé…
– Ne t’inquiète pas Voltaire, tu permets que je te tutoies ? ce sera plus simple. Mon rôle, c’est de te simplifier la vie. Si tu veux, on regardera ensemble ton téléphone, il y a quelques pièges à éviter. Tu veux une coupe de champagne ?
Le SUV était équipé d’un mini frigo et Alice avait déjà rempli le verre, pourquoi s’opposer ? Après tout c’était mon but, sortir de la routine, de cette vie monotone et austère.
– Avec grand plaisir !
Elle m’offrît un sourire radieux, tout en me tendant le calice. Je commençais presque à oublier cette histoire de photo, de concours et à me laisser bercer par ces inédites attentions à mon égard. Mon intuition essayait de me prévenir que c’était certainement le calme avant la tempête, mais ce n’était pas le moment de se ronger les sangs. La voiture ralentissait, nous étions presque arrivés au QG bordelais de Neo Famicom et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils n’avaient pas lésiné sur les moyens ! Un véritable petit palais se dressait devant nous. Magnifique écrin pour dominants. Malgré moi, j’étais émerveillé. Il eut été plus judicieux de garder le contrôle, mais après une vie d’asservissement et de seconds rôles, le plaisir d’être au centre de l’attention avait pris le pas. Je n’avais jamais rien gagné dans mon existence, tout ce que j’avais obtenu, même les maigres récompenses, s’étaient obtenues d’elles mêmes. Je voulais savourer chaque instant de ce quart d’heure de gloire, même si je n’étais pas dupe, tout ça n’était que de la poudre aux yeux. Le chauffeur nous déposa devant le perron. Alice me précéda pour ouvrir la grande porte ornementée. A l’intérieur, le faste rivalisait avec l’élégance. Alice, généreuse, me laissa quelques instants de contemplation. Mais bon, soyons lucides, à quoi bon brusquer la bête, si on veut en tirer le meilleur lait… Comprenant ma fascination pour l’édifice, la chargée des relations presses joua le rôle d’agent immo et m’entraîna de pièces en pièces, m’expliquant l’histoire et la symbolique des lieux, avant de finir en beauté par l’immense salon totalement anachronisé par les équipes de la puissante firme. Les fils électriques jonchaient le sol de part en part, donnant vie à des ordinateurs dotés d’écrans incurvés et surdimensionnés. La concentration de leurs dix hôtes humanoïdes semblait extrême et j’étais partagé entre admiration et consternation. Alice brisa le relatif silence, sa voix parvenant difficilement à couvrir l’intense bourdonnement provoqué par les équipements digitaux.
– Je ne vous présente pas Voltaire, vous savez déjà pratiquement tout de lui, mais lui en revanche à bien besoin d’en savoir plus sur sa bande de minions ! En gros, Romane, Lena, Théo s’occupent du community management, e-réputation, communication. Steph, Julien, Loïc de stratégie et des statistiques. Mickey, Stella, Chloé, Mounia, image et presse. Pour ma part, je coordonne et je gère l’intendance. Avant toute chose, voici les documents que tu dois signer et parapher.
Alice avait peut-être minoré le temps que prendrait cette opération. Il devait y avoir des centaines de pages !
– Voltaire, pendant que tu t’occupes de la paperasse, est-ce que tu pourrais me confier ton téléphone ? Stella va s’occuper de traiter les demandes et répondre à tes messages.
– C’est pas un peu privé quand même ?
– A partir de maintenant, plus rien n’est privé et je ne vais pas jeter un pavé dans la mare, mais ce n’était déjà pas le cas avant. Avec cette nouvelle notoriété, tu viens de franchir la frontière ultime, celle qui sépare l’ordinaire de l’exceptionnel. Tes amis, proches, même ceux qui t’avaient totalement oublié, vont dorénavant t’envisager comme une personnalité. Quelqu’un de différent, de privilégié et ce seront les plus critiques à ton égard. Soit humble et ils diront que tu es condescendant, soit fier de toi et ils diront que tu as pris la grosse tête. Tes paroles et tes actes vont être jugés, scannés, passés au crible de leur jalousie. Tu en feras rapidement l’expérience, si tu préfères rentrer chez toi ce soir, avec ta petite bande. Analyse leur attitude, leur manière de s’adresser à toi … Nous t’avons préparé une chambre ici. Tu seras cocooné et cela t’évitera des mauvaises rencontres, celles qui hier te trouvaient quelconque et te rejetaient, qui aujourd’hui rêvent que tu les embrasses en public… Cela va durer un mois au plus si tu te qualifies jusqu’à la finale, mais dans tous les cas il te faudra choisir ensuite entre rester dans cet univers car tu seras sollicité peu importe ton classement, ou repartir dans les limbes. En attendant notre mission c’est de faire de toi un gagnant potentiel.
– Je comprends et j’accepte, cela ne sert à rien de prétendre que ce n’est pas vrai. Alors, autant vivre l’expérience le plus intensément possible. Guy Debord a dit : « Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images ».
– Tu arrives à citer Guy Debord ? Surprenant !
– Il y a quand même quelques facettes de ma personnalité qui m’appartiennent encore un peu et qui ne sont pas en ligne …
Alice était légèrement déstabilisée. Sa peur panique était de gérer une bombe à retardement, malgré toutes les précautions qui avaient été prises. Voltaire ne possédait pas les codes selon elle. C’était juste un être bassement normal extrait de sa caste à la faveur d’un algorithme. Ses pensées contredisaient parfaitement son discours, mais elle préférait se fier à cette rassurante apparence plutôt que de le percevoir autrement. Il fallait en faire un gentil toutou qui retournerait bien sagement à sa vie de merde après la première épreuve. Elle était convaincue qu’il ne s’en sortirait pas.
Voltaire se doutait bien de ce qui se passait dans la tête de l’employée de Neo Famicom malgré les sourires. Elle le prenait clairement pour un con et un faible. Son esprit était configuré ainsi, les riches et puissants d’un côté, la plèbe de l’autre. Elle était persuadée d’avoir raison, de savoir et quoi qu’il fasse ou dise, rien n’aurait pu la convaincre de changer de point de vue. Perdu pour perdu, le mieux était d’essayer de donner le change au maximum.
– Alice, est-ce que tu peux prévenir mes amis que je ne rentrerais pas et aussi m’amener des affaires ?
– Euh oui, pas de soucis, c’est une bonne idée.
– Alors ce téléphone, ça donne quoi ?
– Stella ?
– Pour commencer, j’ai répondu gentiment à une cinquantaine de sms de personnes qui se sont rappelé subitement qu’ils avaient des liens d’amitié avec toi. Il y en a un en revanche, que je trouve vraiment intéressant et qui pourrait nous donner un coup de pouce. Un certain Léo, il a court-circuité Mickey en contactant des associations de pom pom girls offusquées par les moqueries dont elles ont été victimes après la diffusion de ta photo. Résultat, plus aucune occurence. La photo a été supprimée des réseaux et ne sera plus mentionnée nulle part. Sinon, comme prévu la prod de BFGame est au taquet pour l’émission de demain. Skyrock, RMC, NRJ, W9, Brain, Konbini, Jeuxvideo.com, bref la totale. On travaille sur les fiches. Pour les réseaux, tu m’arrêtes si je me trompe Romane, mais on a gagné plus de 250 000 followers en moyenne. On est en train de mettre à jour tous tes profils. Quelques nudes intéressants, certains vrais d’ailleurs. Je te les laisse au cas où. Des menaces de mort, des haters, des soutiens aussi, on va les diffuser massivement.
– Nickel Stella ! Julien on parle stratégie ?
– Alice, nous sommes Day One. Il est 2h00 du matin. La première épreuve est prévue dans cinq jours. Il s’agira d’un affrontement sur un simulateur de comportements. Chaque décision aura son incidence, mais ce sera le public qui sera le seul juge. La bienveillance ne sera pas forcément la meilleure option. Pour l’instant Voltaire est identifié comme un gentil garçon, l’invité surprise. C’est notre plus grande force. L’imprévisibilité.
– C’est clair. Merci. Je propose qu’on aille se coucher. On rattaque demain à 8h00. Prenez des forces.
– Stella, est-ce que je peux récupérer mon téléphone ?
– Oui bien sûr ! Tiens…
– Merci Stella, merci à tous, nous n’avons pas encore eu l’occasion de parler ensemble, j’espère qu’on pourra mieux se connaître. En tout cas je ne pouvais pas être mieux entouré !
Alice et son équipe me jetèrent à peine un regard, je n’étais pas plus qu’un vulgaire produit dont l’obsolescence était programmée. Inutile d’insister. Chacun se retira dans ses appartements. On m’avait donné la meilleure chambre, au deuxième étage. Comme par magie, mes vêtements étaient déjà soigneusement rangés dans l’armoire. Les affaires de toilette dans la salle de bain attenante. Le lit King Size m’appelait comme une promise et je ne résistais pas à ses faveurs. Je m’endormis d’un sommeil profond et réparateur.
7h59 et 57 secondes
Kendo toisait Ashley. Il commençait à s’impatienter et éprouvait de plus en plus de difficultés à masquer son mépris envers l’américaine. Le manager avait, de surcroit, désespérément besoin d’elle. Il était temps qu’elle lui détaille les épreuves. Myagi pouvait à tout moment l’interroger et il ne connaissait que la globalité du projet. L’homme d’affaires comprendrait alors qu’il n’était qu’un passe plat, un lien superflu entre la réflexion et l’action. Cette position le rendait nerveux. Il piocha dans ses dernières réserves pour lui soutirer les informations qu’il jugeait importantes avec tout le tact et la diplomatie dont il pouvait faire preuve. Consciente du rapport de force en sa faveur, elle attendait patiemment que Kendo prenne la parole.
– Alors Ashley, tout à l’air de se passer comme prévu ? Où en sommes-nous précisément ? dit-il d’une voix aux intonations qui se voulaient légères et enjouées.
– Le simulateur de comportements est fin prêt. Les derniers bugs corrigés. Les règles de la première épreuve sont très simples. Il s’agit de matchs en un contre un. Le premier concurrent qui remplit pendant trois minutes consécutives la jauge des suffrages remporte la partie. Tout repose sur l’intuition, l’instinct de survie des joueurs mais surtout sur le choix du public. Nous allons annoncer les oppositions d’ici une heure, les médias du monde entier vont se régaler. L’épreuve est online, donc les participants peuvent choisir librement leur lieu de joute : Depuis chez eux, un espace public, un magasin Highstore… tout est possible et bien sûr, l’algorithme en tiendra compte. Après cet écrémage, la deuxième manche sera beaucoup plus intense, elle va soulever les foules, un affrontement par équipe, en réalité virtuelle. Pour aller en finale, les participants devront se constituer en teams de 10, ils pourront, durant la partie, changer d’équipe. Le terrain sera délimité par 4 zones à atteindre, dès que 5 coéquipiers seront dans l’enclos, celle-ci deviendra inaccessible pour quiconque, sauf si un membre, ou toute l’équipe décide d’éjecter l’un des leurs… à ce moment là, la zone sera de nouveau ouverte… on prévoit de multiples rebondissements jusqu’au coup de siffler final ! Et enfin la dernière épreuve. Les 20 finalistes seront réunis devant le shop partenaire transformé en parcours du combattant pour l’occasion. Nous n’encourageons bien entendu aucune violence mais à la fin, ils ne seront que 5 à repartir avec la console…
Kendo était extatique, ce qu’il venait d’entendre le comblait au plus haut point, le public, les médias, les actionnaires, ils allaient tous lui bouffer dans la main, le reconnaitre enfin à sa juste valeur. Myagi lui même se prosternerait à ses pieds. Perdu dans ses rêves de grandeur, il n’accordait plus aucune importance à Ashley. C’était ce qu’elle voulait. Sa phase 2 était terminée. Le vers parfaitement implanté dans le fruit. Elle comptait maintenant sur la folie des hommes pour parvenir à son but. Mike et son père l’avaient chargée de mettre fin à la suprématie de Neo Famicom. Elle savait que ce concours finirait dans le sang. Les pertes seraient lourdes de conséquences et l’entreprise n’aurait aucune chance de s’en remettre. Tout n’était qu’une question de timing. Les négociations entre Neo Famicom et Highstore étaient quasiment finalisées. L’entreprise japonaise allait acquérir pour quasiment 3 fois sa valeur réelle, la chaîne de magasins. Ils n’avaient absolument pas conscience de ce qui allait se passer. Mike était un fin stratège, son positionnement était clair, faire des jeux pour la famille, entre amis, un peu de frisson, un peu d’action, mais toujours dans la limite du raisonnable. A contrario, les japonais en voulaient toujours plus. Leur mainmise sur le secteur les avaient rendus arrogants et méprisants. L’excès de pouvoir en avait fait des démiurges qui ne se souciaient plus de rien, si ce n’est d’être toujours plus gros, plus imposants. Ils étaient victime du syndrome du dictateur. L’Amérique n’était plus ce qu’elle était aux yeux du monde. Un colosse aux pieds d’argile qui avait perdu son statut de sauveur, de maître à penser des nations. La partie qui se jouait allait bien au delà d’une simple guerre économique, quand tout serait fini, Gamecorp se révèlerait à la planète tel un bon pasteur venu ramener les brebis égarées dans l’enclos et son père pourrait se présenter aux élections présidentielles, dans les meilleures dispositions.
Loin de ces considérations à Bordeaux, Voltaire se réveillait paisiblement. Il prenait son temps, se refusait à quitter aussi facilement ce gigantesque lit en tous points parfait qui lui avait permis de passer une nuit judicieusement réparatrice. Il avait rêvé de C., mais le songe ne lui revenait pas en mémoire. Voltaire profita de ce moment de relative solitude pour examiner son téléphone. Stella avait fait un sacré boulot ! Il n’aurait pas pu mieux répondre aux différentes sollicitations, messages, encouragements etc. reçus en un laps de temps record, d’ailleurs elle en aurait d’autres à traiter aujourd’hui, ça recommençait à s’agiter, manifestement les réseaux ne dormaient jamais. Par acquis de conscience et uniquement dans ce but, il jeta un œil sur les fameuses photos mentionnées par sa conseillère en image. Effectivement, certaines personnes n’avaient ni froid aux yeux ni ailleurs … Voltaire n’était pour l’instant que sélectionné pour la compétition et il n’osait pas imaginer ce qu’ils et elles seraient capables de faire en cas de qualification. Il tenta de décoder les mots de Julien : simulateur de comportement et la bienveillance qui ne serait pas toujours la meilleure option … Il en déduisait qu’il devrait se montrer intuitif et ne choisir que l’option qui lui permettrait de s’en sortir sans trop de dégâts. Après tout, n’était-ce pas déjà ce qu’il était en train de faire ? Il prit sa douche, s’habilla et descendit dans le grand salon. L’équipe était connectée et visiblement très excitée, personne ne remarqua sa présence. Il y avait un buffet derrière eux avec des viennoiseries, du café, du thé, du jus d’orange, Voltaire alla se servir sans se manifester. Un des écrans diffusait la chaine partenaire de Neo Famicom. Le tirage au sort venait de commencer et il n’y eu ni suspens, ni angoisse. Steph tapa dans ses mains.
– Putain, c’est Melissa, on n’est pas dans la merde…
Alice se racla la gorge et fit un signe de la tête pour signifier aux autres, pas de conneries il est là.
– Bonjour Voltaire !
La team daigna enfin se retourner et encore pas tous. Voltaire tenait la moitié d’un croissant dans sa main. Il essayait de garder son self control.
– Salut Alice, salut à tous, alors Steph pourquoi autant d’enthousiasme ?
Steph attendait qu’Alice lui donne un go. Voltaire explosa.
– Bon, je crois qu’on a un léger soucis ici. J’en ai rien à foutre de vous, pour moi vous n’êtes que des petits cons de geeks bobos qui n’arrivent pas à comprendre que si vous êtes ici, c’est parce que je suis là. Alors oui peut-être que je suis nul, ou pas vous n’en n’avez aucune idée pour l’instant. En revanche, votre job c’est de m’accompagner au mieux. C’est ça ? Alors faites-le et arrêtez de me regarder de biais, sinon c’est simple dès que je rencontre les mecs de chez Neo Famicom je leur explique que vous êtes des connards inutiles. Donc maintenant je veux savoir qui est cette Melissa et vous allez aussi faire venir Léo. Stella, prends mon téléphone.
Un silence gênant s’installait. Alice se racla la gorge.
– OK Voltaire, merci, je pense qu’on a compris. Steph, les infos sur Melissa.
– Melissa Granger, e-sportive professionnelle, sa spécialité c’est les jeux de réflexion, puzzles, casse-tête. Elle a mis 20 minutes pour terminer Notpron, le jeu le plus dur au monde. Cependant il y a un autre aspect en notre faveur qu’il ne faut pas sous estimer. Loïc ?
– Elle a plus d’un million de followers, mais une côte de popularité très faible, le public l’assimile à une tête à claque, parfaite, première de la classe… Ils ne voteront pas spontanément pour elle, même si les sites de pari en ligne la donne largement favorite.
Lena leva timidement la main
– Voltaire, tu as rendez-vous dans les locaux de BFGame à 18h00, de cette première interview découlera toutes les autres. On attaque le training à 10h00 si tu es ok et la styliste viendra t’apporter une sélection de vêtements.
– Super, merci !
Léo arriva à ce moment là. Voltaire avait rarement été aussi content de le voir. Une présence amicale n’était pas de trop dans cette maison. Le timide garçon scannait de son regard perçant les lieux et surtout les personnes. Il n’accordait pas beaucoup de crédits aux employés de Neo Famicom et se méfiait d’autant plus d’Alice, trop souriante, trop affable et qui sentait la fourberie à plein nez.
– Bonjour Léo, nous sommes ravis de t’intégrer dans la team, je ne te les présente pas, j’imagine que tu as fait ton travail de recherches et que tu as déjà quelques idées pour préparer au mieux ce premier round ?
Léo ne voulait surtout pas abattre toutes ses cartes, mais il devait quand même apporter la preuve de son utilité.
– Oui effectivement. Ca tombe bien en plus, j’avais quelques jours de congés à solder, je vais pouvoir être présent durant toute la compétition. En ce qui concerne Melissa, elle sera une redoutable adversaire parce qu’elle calcule vite et a l’avantage de faire du e-sport sur tous types de consoles ou d’ordinateurs. Du coup, elle maitrisera le simulateur en un rien de temps. D’un autre côté, sa plus grande faille sera justement son esprit logique et formaté. Elle va raisonner comme si c’était un jeu et choisir systématiquement la solution la plus pragmatique, mais qui ne sera pas forcément la plus humaine. Ca pourrait se retourner contre elle. Au fait Voltaire, avant que j’oublie, C. te souhaite bonne chance !
L’analyse de Léo était très pertinente et l’équipe commençait à le prendre au sérieux. Voltaire pour sa part était passablement troublé, C. était en quelque sorte l’élu de son coeur, il l’avait baptisée C. pour celle dont on ne doit prononcer le nom, parce que dans ses nombreux moments éthyliques il le répétait en boucle comme un mantra. Il devait rester focus sur son objectif, après tout, il était là pour une bonne raison. Il pouvait gagner, sa nouvelle philosophie était « winner takes all » et il comptait bien la mettre en pratique.
Le training de Lena se passait en conditions de plateau télé. Elle lui posait et reposait les mêmes questions et il devait y répondre le plus naturellement possible, sans fioritures, même si au final c’était du par coeur. Les questions allaient de : ton jeu préféré, à quelle sera ta stratégie, est-ce que tu te rends compte de la chance que tu as, qu’est ce que tu ferais si tu faisais partie des vainqueurs… bref, pas de quoi être trop déstabilisé à priori. La styliste pour sa part préconisait un style streetwear sobre. Baskets Veja, pantalon chino Uniqlo, pull gris off white avec inscriptions, no pain – no gain, barbe taillée 2 jours. Là aussi Voltaire pourrais sans problème s’adapter. La journée passa en un clin d’oeil, entre training, coaching, revue de presse…
– Bonsoir à toutes et à tous, ravis de vous retrouver pour BFGame, l’émission entièrement consacrée au gaming. Avec moi, Pedro le Geek, Anastasia, Cousin Hub et Remy. Nous avons le plaisir d’accueillir sur le plateau Voltaire Legland pour sa première apparition à la télé.
– Ca va Voltaire, pas trop stressé ?
– Non, non ça va
– Ok, à part ta passion pour les uniformes de majorettes, tu peux te présenter en quelques mots ?
– Voltaire, 44 ans, je travaille dans le secteur du btp au service support, j’en profite pour saluer mes collègues et maintenant que je fais partie de cette aventure, je compte bien défendre toutes mes chances avec le soutien du public !
– Voltaire, c’est pas banal comme prénom
– Hub c’est pas fréquent non plus, mais ça va t’as l’air de gérer quand même
Voltaire ne comptait se laisser faire, la clé pour augmenter sa côte de popularité était justement de rendre coup pour coup avec un peu de rabe si nécessaire.
– T’as quand même 3% de chances de battre Melissa, ça te fait flipper ?
– Rémy, les statistiques ne sont pas toujours fiables et d’après ce que j’ai pu voir sur les réseaux, Melissa, qui bien sûr est la favorite, déclare partout qu’elle a gagné avant même de m’avoir affronté. Perso, je trouve qu’elle manque un peu d’humilité et puis on est français, l’épreuve finale se passe en France, j’espère qu’on va tous être un peu chauvin et montrer qui on est !
– Ah oui oui, c’est vrai ça, d’ailleurs puisque tu en parles, le président a adressé un message de soutien aux concurrents français sur Linkedin.
– Anastasia, c’est cool de sa part. Je ne fais pas de politique. Les autres sont des stars, super connues, qui vivent pour la plupart à Dubaï ou à Miami, moi je suis juste un gars de la street et je vais me battre pour moi mais aussi pour tous les joueurs, au sud, à l’est, à l’ouest, au nord du pays. On est la grande famille des anonymes.
Léo lui avait soufflé en aparté de se positionner en prolo, en Poulidor, cette fois prêt à faire une échappée victorieuse.
– J’avoue, c’est un beau message pour tous nos spectateurs ! On te souhaite bonne chance Voltaire et crois moi toute l’équipe sera derrière toi Jeudi soir à 21h00 pour la retransmission en direct de la première épreuve !
– Merci à toutes et à tous, merci également à Alice et sa team, Léo pour ses précieux conseils, Zaza et la bande, Fred au bar, et C. que j’embrasse très fort.
– Super Voltaire, c’était top !
Générique de fin.
Sur le plateau, Voltaire sentait que l’ambiance était différente à son égard. Plus respectueuse. Il avait réussit à la fois à s’imposer auprès des médias et à faire passer un message de ralliement. Il commençait enfin à croire en ses chances. De retour au QG, Alice et les autres ne tarissaient pas d’éloges sur sa prestation. Seul Léo faisait le job, lui rappelant constamment que le public était versatile et surtout que rien n’était jamais acquis…
Enfin le grand jour.
Tout était prêt. Il était prêt. Voltaire n’aurait pas de regrets. Il avait choisi de se rendre dans le Highstore du centre-ville. Les caméras de BFGame le suivaient depuis le début de la matinée, de même que Unigame, diffuseur officiel de la compétition et propriété de Neo Famicom. Il en était d’ailleurs de même pour l’enseigne, qui appartenait désormais à la puissante multinationale. Voltaire précédé de Leo et Alice, pénétra les lieux. Une estrade trônait au centre du magasin, surplombée par un écran télé de 80 pouces. Des caméras tout autour.
Faire le vide. Se concentrer et tout donner.
Voltaire s’installa. L’interface BESI pour (Behavior simulator) se chargea en moins de 5 secondes sur la XT5 Alpha +, la manette était vraiment agréable en main. L’environnement ressemblait à GTA, l’écran n’était pas partagé ce qui signifiait qu’il croiserait probablement Melissa au cours du jeu. Son avatar était parfaitement reproduit à la différence qu’il courrait beaucoup plus vite que lui ! Le temps s’écoulait en haut à droite de l’écran. Sa jauge de popularité était pour l’instant à 15%. Il avançait dans une reproduction de la ville de Bordeaux, mais il n’avait aucune idée de ce qu’il devait faire. Voltaire étudiait les lieux, mais continuait d’avancer. Il ouvrit son inventaire pour checker les éventuelles ressources mises à sa disposition. Il y avait notamment une carte créditée de 100 euros, une canette de redbull, un sandwich Subway, une matraque, un pistolet + 50 cartouches, un téléphone portable… Il se saisit du smartphone qui pouvait, selon lui, contenir des informations. La jauge passa à 20%.
3 SMS :
» Voltaire, j’ai besoin d’aide ! je me suis réfugiée dans le HighStore, une horde de zombies est à l’extérieur et j’ai vidé mon chargeur ! Help. » Melissa
Tips 1 : Bonjour Voltaire, n’oubliez pas, si vous mourrez, votre jauge de popularité repartira à 0% Bonne chance ! 🙂
Tips 2 : Besoin d’aide ? RDV Place des Quinconces
Les options étaient claires : Soit il laissait Melissa crever, le public ne serait pas forcément hostile mais il passerait pour un lâche. Soit il allait aux Quinconces chercher de l’aide mais dans ce cas, il passerait pour un faible, incapable de se débrouiller seul.
– OK Melissa j’arrive !
Côte de popularité 35%
Voltaire réfléchissait à la meilleure tactique possible. Le magasin était situé dans une rue piétonne et il ne savait pas si enfreindre des règles comme utiliser une voiture dans cette zone n’occasionnerait pas de pénalités. Le mieux était de faire au plus simple. Il posa la carte de crédits sur une borne pour prendre une trottinette électrique. Il voulait d’abord repérer les abords avant de jouer les héros.
Cote de popularité 43%
Melissa avait parlé d’une horde… c’était bien pire que ça ! ils étaient au moins 2500 morts-vivants agglutinés contre la façade du store. Un énorme grognement retentit derrière Voltaire. On aurait dit le chien de Stephen King, Cujo, monstrueux et particulièrement agressif. Voltaire hésitait. Le molosse ne bougeait pas. Sortir son flingue était le meilleur moyen de se mettre à dos les défenseurs des animaux. Le simulateur vocal s’activa, il avait choisit de s’adresser directement à la bête. Elle continuait de grogner et de montrer ses larges crocs. Prête à bondir. Il savait qu’il était risqué de courir ou d’utiliser la trottinette. Il ne fallait surtout pas lui tourner le dos. Il avançait doucement vers elle, essayant d’être le plus calme possible, la main tendue, paume en l’air et il se souvint du sandwich dans l’inventaire. Voltaire le fit apparaître et le tendis délicatement à l’animal qui s’en saisit et se transforma instantanément en un charmant toutou, imposant mais docile. Il avait le sentiment d’avoir réussi une première mission et se sentait un peu plus confiant, mais rien n’était gagné pour l’instant.
Côte de popularité 75%
Voltaire souffla, il réalisait que dans ce jeu, il n’y aurait pas de deuxième chance. Le public n’avait plus de patience ou d’empathie. Il fallait s’adapter. Ne pas agir ni penser comme il le ferait naturellement, mais choisir l’option qui plaira le plus à la majorité, combien même cette majorité serait ignorante et bornée. Il se rappela que dans les films de zombies les animaux étaient épargnés, une question de cerveau. Il connaissait pour sa part bon nombre de chats et de chiens plus intelligents que des humains, mais telle n’était pas la question.
Il arracha une page du carnet de notes présent dans son inventaire et rédigea un message à l’attention de ceux qui étaient censés apporter de l’aide et qui se situaient sur la grande place de la capitale girondine.
– Allez mon chien, vas-y !
Comme espéré, l’animal s’exécuta sans manifester le moindre doute sur ce qu’il devait accomplir.
Côte de popularité 80%
Il ne savait pas où en était Melissa. Peut-être que tout ceci n’était qu’un piège, mais il vivait l’aventure à fond et ne regrettait pas ses décisions, pour l’instant. Son idée était assez simple mais réalisable, escalader les toits pour parvenir jusqu’au magasin. Il avait juste surestimé les capacités physiques de son avatar, supérieures aux siennes mais pas non plus exceptionnelles. Il glissa et manqua de tomber. L’immeuble faisait 3 étages. Il arriva tout de même jusqu’au premier balcon, mais le personnage avait perdu beaucoup de santé. Il n’avait plus à manger. Que pouvait-il faire ? La boisson énergétique ! Il bu jusqu’à la dernière goutte de la canette, qu’il jeta dans la poubelle située en bas de l’immeuble et sur son écran s’afficha en énormes caractères clignotants : Bonus Stamina 50 secondes. Toutes ses forces étaient revenues et bien plus encore ! Il pouvait faire des sauts gigantesques, son personnage était beaucoup plus puissant et rapide. Il fallait tout de même rester prudent. La chute au lieu d’être douloureuse pouvait s’avérer mortelle. Sans réfléchir, le Voltaire digital et boosté reprit son ascension. Il bondissait à travers les immeubles à la vitesse de l’éclair. Plus que quelques mètres encore et 10 secondes de power up. Il y était presque.
Côte de popularité 87%
Il arriva enfin sur le toit du Highstore. Melissa l’attendait, calme, placide, le pistolet dans la main, prête à lui tirer dessus.
– Tu en as mis du temps ! J’en ai profité pour faire quelques quêtes annexes plutôt amusantes.
– Tout va bien ?
– Pour moi oui, mais malheureusement je crois que ton aventure s’achève maintenant.
Elle tira. Il restait une seconde de bonus d’énergie, Voltaire effectua une glissade pour éviter le tir et se cacha derrière une conduite d’évacuation.
– Il me reste 5 balles et tu ne vas pas pouvoir rester caché bien longtemps, allez dépêche-toi, je dois préparer mes interviews et réfléchir à la prochaine épreuve !
Soudain un énorme vacarme se fit entendre. L’aide promise arriva et massacrait les zombies. Ils étaient tous là, les personnages les plus emblématiques du jeu vidéo : le plombier, le hérisson, le karatéka, le smiley jaune et toutes les nouvelles idoles des geeks, surarmées et bien décidés à ne faire aucun prisonniers.
Côte de popularité 100%
Il était à découvert, Melissa tira une nouvelle balle.
5, 4, 3, 2, 1
Son avatar s’effondra. Elle avait tiré dans le ventre, il trouva dans son inventaire une trousse de soin.
Melissa s’approcha du Voltaire pixelisé pour l’achever, à bout portant.
Sa côte de popularité affichait toujours 100%
Il ferma les yeux. Elle pressa la détente. Clic. Clic. Clic. Elle vidait son chargeur mais aucune balle ne s’en échappait, c’était trop tard. La partie était finie. Voltaire avait gagné.
A l’écran on pouvait lire, WINNER : VOLTAIRE LEGLAND
Il lâcha la manette. Ses mains tremblaient encore. Le silence emplit la pièce et très rapidement des salves d’applaudissements et de cris de joie. Il était tellement concentré qu’il n’avait pas vu le magasin se remplir. Il n’avait jamais ressenti une telle sensation. Il l’avait fait. Gagner. Il se laissa submerger par l’émotion.
A la frénésie de l’instant, succédait désormais l’attente de la prochaine épreuve. Tous les favoris, à l’exception de Mélissa s’étaient qualifiés. Voltaire s’efforçait de ne pas succomber aux charmes de la gloriole. L’équipe d’Alice lui accordait dorénavant une attention constante et des regards énamourés. A leurs côtés, Léo faisait figure d’empêcheur de kiffer en rond. Il avait raison. Grâce à ses contacts dans les milieux interlopes de la grande toile, il avait appris que la deuxième épreuve serait, selon toutes vraisemblances, une baston en réalité virtuelle. Il n’y aurait, a priori, pas de votes du public, ce qui l’inquiétait beaucoup plus maintenant qu’il était considéré comme un outsider sérieux. Alice, dans un excès de zèle, s’était procuré le nec plus ultra du matériel de VR. Léo s’était cependant montré intransigeant sur ce sujet, Voltaire devait s’entraîner avec un équipement tout public et une connexion internet médiocre. C’était le meilleur moyen de ne pas être pris au dépourvu en cas de défaillance technique, ce qui d’après ses calculs avait, a minima, 48% de chances d’arriver. Critère d’autant plus critique que Voltaire souffrait du mal des transports équipé du casque VR et qu’il détestait être confiné dans cet ersatz de réalité. Selon les projections des statisticiens maison, Voltaire pourrait tenir 2:00 max avant de faire une syncope, ou moindre mal, d’avoir un voile blanc devant les yeux. Il n’était clairement pas en position favorable…
7h59 et 58 secondes
Pour la plupart de nos protagonistes, le ciel était bleu azur. Kendo auréolé de ses derniers succès ne touchait plus le sol, le comité exécutif de Neo Famicom le conviait lors des réunions stratégiques, il déjeunait avec eux dans le restaurant réservé aux grands dirigeants de l’entreprise. Ashley se satisfaisait de la vente de Highstore, et même si sa mission n’était pas encore achevée, elle contrôlait la situation. Les médias se régalaient et faisaient monter la pression. Le public était aux anges, comme lors d’une coupe du monde de football. Seul Voltaire se désespérait de ne pas maitriser correctement la technologie VR, malgré les encouragements de sa team et même de C. qui se rapprochait de plus en plus. Comme l’avait prédit Alice, il changeait de statut, sa vision de la vie évoluait, des opportunités insoupçonnées jusqu’alors insoupçonnées s’ouvraient à lui, aussi bien professionnelles que personnelles. Il nourrissait de nouvelles ambitions. Léo le tira violemment de sa rêverie. BFGame allait révéler en exclusivité les informations sur la deuxième manche. Voltaire ferma les yeux et récita une prière improvisée dans sa tête. Générique.
Dans le cadre de sa réinterprétation artistique intitulée Unconventional Bubbles / Bulles Singulières, l’artiste britannique David Shrigley conçoit une œuvre en édition limitée pour servir d’écrin à un jéroboam de Blanc de Blancs, l’emblème du goût Ruinart. 30 exemplaires signés numérotés sont mis en vente au prix de 3 500 €. Chacun des 30 coffrets est numéroté et signé par l’artiste. Il s’orne d’un damier reprenant l’un des dessins créés par l’artiste pour la Maison.
Objet de collection, ce coffret en édition limitée contient un jéroboam dont le décor a également été réinterprétée par David Shrigley. C’est la première fois qu’un artiste intervient directement sur l’emblématique flacon Ruinart, dont la forme est héritée du 18ème siècle. Objet fonctionnel, le coffret se métamorphose en seau à champagne au moment de la dégustation : sa base peut accueillir de la glace pour rafraîchir les cuvées de la Maison.
Jéroboam Blanc de Blancs David Shrigley Edition limitée, 30 exemplaires, disponible à la Maison Ruinart 4 rue des Crayères – 51100 Reims +33 3 26 77 51 5
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Quatre amis décident de mettre en pratique la théorie d’un psychologue norvégien selon laquelle l’homme aurait dès la naissance un déficit d’alcool dans le sang. Avec une rigueur scientifique, chacun relève le défi en espérant tous que leur vie n’en sera que meilleure ! Si dans un premier temps les résultats sont encourageants, la situation devient rapidement hors de contrôle…
À l’occasion du 150ème anniversaire de Hennessy X.O, le célèbre architecte Frank Gehry réinterprète la carafe emblématique de la Maison Hennessy. À travers deux créations : une pièce exclusive, mêlant les matériaux du bronze, de l’or et du verre et un coffret en édition limitée, l’architecte reconnu mêle sa vision et l’histoire de la Maison, pour illustrer l’héritage de Hennessy X.O.
« C’est un honneur pour moi d’avoir été invité par la Maison Hennessy pour célébrer cet anniversaire. Même si j’étais bien évidemment très enthousiaste, j’étais aussi intimidé. En effet, une bouteille de cognac est déjà une création en soi car on peut la sentir, la goûter et la toucher. Il y a derrière cette bouteille une histoire puissante mais aussi tout l’engagement des personnes qui produisent ce cognac. » Frank Gehry
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Pour un cocktail :
45 ml Diplomático Mantuano
45 ml de jus d’orange sanguine
20 ml de jus de citron frais
5 ml de sirop de sucre
Ajouter tous les ingrédients dans un shaker
Mélanger et verser sur de la glace pilée
Servir dans un verre à coupe
Décorer d’une brochette de petits chamallows
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
Ultra-fraîche et haute en saveurs, la cuisine de La Muña associe fondant et croquant, cru et mariné, acidité et douceur avec des ingrédients soigneusement sourcés, parfois rares en Europe, dans des préparations minute raffinées conçues pour être partagées en toute convivialité. Chaque table peut ainsi sélectionner des plats Crudo ou Caliente, où les ceviches parfumés aux épices et herbes fraîches côtoient l’entrecôte de bœuf teriyaki sauce truffe, les sashimis voisinent avec la sériole wakame sauce ponzu pour un étonnant et savoureux voyage gourmand.
Plante magique du Pérou, la Muña est utilisée depuis toujours pour soulager les maux liés à l’altitude. Le nom du restaurant est un hommage aux inspirations culinaires de la cheffe et un clin d’œil à la hauteur du point de vue depuis les terrasses. Le spectacle est exceptionnel et unique, avec des vues d’abord sur la cuisine ouverte, mais aussi sur le lac et sur la ville de Zurich.
INGRÉDIENTS pour 2 portions :
Saumon Saku env. 200g
Sel, poivre
Base de Miso
Miso blanc 135g
Miel 50g
Sake 45ml (alcool à brûler)
Hon Mirin 45ml (alcool à brûler)
Base Miso 150 ml
Vinaigre de riz 43ml
Poudre de Karashi 30g
Garniture : caviar Ikura, Micro Greens, Bébé Betterave, Ito Togarashi
DÉROULÉ :
1. Saler et poivrer le saumon. Laisser 5 minutes au minimum. Préparer de l’eau glacée (assez grande pour le saumon). Faire chauffer une poêle à feu moyen. Sceller le saumon assaisonné 5 secondes de chaque côté (sans huile). Mettez-le dans de l’eau glacée pour arrêter la cuisson (max. 5min) et retirez-le, essuyez-le avec du papier.
2. Mélanger tous les ingrédients de la base Miso.
3. Dissoudre la moutarde de Karashi avec environ 1 cuillère à café d’eau tiède). Mélanger avec la base Miso, le vinaigre de riz et la pâte de moutarde de Karashi.
4. Trancher le saumon saisi.
Au fond de l’assiette, mettre la sauce Miso à la moutarde de Karashi au miel, puis déposer soigneusement les tranches de saumon sur la sauce. Garnir.
Crédit photo : La Réserve / G. Gardette.
https://www.lareserve-zurich.com/fr/restaurants/la-muna
Veuve Clicquot Rosé est l’une des cuvées les plus emblématiques de la Maison. Créé il y a plus de 200 ans par Madame Clicquot, ce rosé est le tout premier rosé d’assemblage connu. Ce champagne rosé aux notes gourmandes est le vin idéal pour partager de délicieux mets aux notes estivales. Ces repas colorés, ponctués par des salades de tomates fraîches et juteuses, de carpaccio de bœuf savoureux ou encore de fruits rouges bien mûrs, sont sublimés par les arômes fruités du Veuve Clicquot Rosé. Le tout pour un moment savoureux où le partage d’un bon repas marque les meilleurs moments de l’été…
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
Cocktail à la tequila, au pamplemousse, au citron vert et à la citronnelle
Per 4 amici
Préparation : 5 minutes
INGREDIENTI
sel, pour la déco
12 glaçons
4 cl de sirop de citronnelle
6 cl de jus de citron vert
30 cl de jus de pamplemousse rose
16 cl de tequila
4 demi-tranches de pamplemousse, pour la déco
COME FARE
Mettre le sel dans un bol. Mouiller légèrement les bords de 4 verres collins, puis les tremper un à un, ouverture vers le bas, dans le bol de sel, jusqu’à en recouvrir les bords. Répartir les glaçons, puis verser le sirop de citronnelle, le jus de citron vert, le jus de pamplemousse, puis la tequila dans les verres. Bien mélanger à l’aide d’une cuillère. Décorer chaque verre avec 1 tranche de pamplemousse.
COOL TO KNOW
La croûte de sel crée une petite surprise lorsqu’on pose ses lèvres dessus pour la première fois. Pour un effet hot, hot, hot, on peut y ajouter un peu de paprika ou de piment en poudre qui, en plus, colore le sel en rose.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération 🙂
Édition limitée à 150 exemplaires, imaginée par Stepheen McDowell, brand manager D.U.C WHISKY, créé par le street artiste français INTOX, distribué en exclusivité dans le concept store NOUS PARIS Chaque bouteille est réalisée à la main par l’artiste INTOX. Un certificat d’authenticité est remit en mains propres pour chaque achat de cet exemplaire unique et numéroté. Gary INTOX est un graffiti artiste parisien. En 1998, Il fait ses armes sur les murs et supports urbains de la capitale. Artiste reconnu, il revient du ART BASEL MIAMI 2019 pour sublimer chaque flacon D.U.C WHISKY et créer uniquement 150 exemplaires. www.instagram.com/intoxart/
www.ducwhisky.art et chez NOUS PARIS 49, rue Cambon Paris 01
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La terrasse du bar 8 au Mandarin Oriental, Paris revêt les couleurs de Glenfiddich et propose jusqu’au début du printemps une carte de cocktails inédits en collaboration avec la prestigieuse marque de Single Malt whisky. Véritable cocon abrité des caprices de la météo grâce à la tente chauffée qui la recouvre, la terrasse Glenfiddich au Mandarin Oriental, Paris est le lieu idéal pour profiter des longues soirées d’hiver et se laisser aller au cocooning. Pour l’occasion, Judicaël Noël, chef barman du Mandarin Oriental, Paris, a créé une sélection de cocktails exclusifs dont le Gourmet Twist, un cocktail fin et rafraichissant associant l’amertume du Whisky Glenfiddich Project XX à la douceur du Cointreau aux notes de chocolat à l’orange. Le cocktail chaud, Enchanted Blend sera quant à lui composé du Single Malt Glenfiddich 12 ans, d’une réduction de vin chaud Toscana Massa, d’Aperol et de Bitter whisky. Le bar 8 est ouvert tous les jours de midi à 02h00.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTE. A CONSOMMER AVEC MODERATION
C’est la cinquième collaboration Maison SASSY signée par un artiste. Après Jean André, Craig & Karl, Jean Julien et Tiffany Cooper. Sur ce nouveau coffret signé Quentin MONGE, on retrouve les 3 recettes incontournable Maison SASSY habillée de 3 nouvelles couleurs : de l’orange pour le Cidre brut, un rose poudré pour le Cidre rosé et un bleu ciel pour le poiré. Les illustrations de Quentin MONGE montrent 4 silhouettes de femmes bleues et roses accompagnées de pommes et poires orangées. Pour l’artiste, célébrer les fêtes de fin d’année avec SASSY était une évidence : « accompagner une marque comme SASSY me ravit. Plonger ces 3 petites bouteilles de cidre que j’adore, dans mon univers coloré et courbé m’a vraiment inspiré. J’espère voir plein de petits coffrets sous le sapin de Noël de chacun ».
http://www.maison-sassy.com
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À l’occasion du lancement des éditions limitées créées par Lenny Kravitz, un espace éphémère de vente et de dégustation imaginé par Dom Pérignon, s’installe au 1e étage des Galeries Lafayette Paris Haussmann, jusqu’au dimanche 5 janvier 2020. Au cœur de ce pop-up, les éditions limitées imaginées par le studio Kravitz Design seront disponibles en avant-première, ainsi que trois coffrets magnums Dom Pérignon Vintage 2008 signés de la main du designer, une exclusivité en France.
Dom Pérignon Vintage 2008 et Rosé 2006 seront proposés en bouteille ou en magnum et une personnalisation sera offerte pour l’acquisition d’une bouteille de Vintage 2008. Des initiales pourront alors être apposées sur le blason, icône de la maison. Un amateur pourra passer commande d’une collection complète rassemblant 180 flacons rares de différents formats retraçant vingt années de millésimes Dom Pérignon entre 1988 et 2008.
L’espace offrira la possibilité de déguster les millésimes Vintage 2008 et Rosé 2006 en présence d’un sommelier, ou d’enrichir ses connaissances grâce à une dégustation connectée, pour une expérience immersive et autonome. Cette dégustation pourra être accompagnée d’accords mets et champagne conçus par la Maison de Caviar Kaspia.
Des ateliers découvertes culinaires, olfactifs et œnologiques se dérouleront chaque jeudi de 19h15 à 20h. Ils permettront à un groupe de 8 personnes de vivre une expérience de dégustation en compagnie d’un expert qui les initiera à l’art des correspondances sensorielles. Réservation sur le site www.domperignon.com/fr-fr
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GREY GOOSE propose cet hiver un nouveau cocktail original et simple, à réaliser chez soi, à base de chocolat chaud et de guimauves.
Ingrédients :
3 cl de vodka GREY GOOSE original 10 cl de lait
15 g de chocolat noir
2 cl d’Espresso
1 cl de sirop Monin pain d’épice
Faites chauffer le lait à 65-70 degrés, ajoutez le chocolat et remuez jusqu’à ce qu’il soit fondu (sa texture doit être uniforme). Si le chocolat ne se dissout pas complètement, utilisez un fouet. Ajoutez le reste des ingrédients et mélangez. Pour pimper son cocktail, ajoutez des petites guimauves. Cocktail à déguster dans un mug de préférence.
www.greygoose.com
#INSTANTGREYGOOSE #SANSCOMPROMIS @GreyGoose
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération
Artiste Ruinart de l’année, le travail de Vik Muniz s’exprime sur un coffret d’exception proposé en édition limitée de 30 exemplaires dissimulant un jéroboam de Blanc de Blancs, l’emblème du goût Ruinart. Sur ce coffret, on reconnait une image conçue dans le cadre de sa réinterprétation artistique de la Maison Ruinart pour laquelle il a reproduit des ceps de vignes à partir de bouts de bois noircis et de fusains. Cette figure prend forme sur les quatre faces de cet imposant coffret en bois. Vik Muniz a voulu donner à cet objet singulier une seconde vie, en lui permettant de devenir un élément de mobilier artistique et décoratif unique, tel un guéridon contemporain.
Edition Limitée Vik Muniz disponible à la Maison Ruinart, 4, rue des Crayères, 51100 Reims ou par téléphone au +33 3 26 77 51 16, au prix de 5 000 euros.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
C’est en s’inspirant de ses origines suédoises et en s’appuyant sur son ADN avant-gardiste, qu’Absolut Vodka repousse les frontières de la vodka avec sa nouvelle innovation : Absolut Extrakt. Une réinterprétation créative et moderne des traditions locales d’infusions d’extraits naturels d’herbes et de plantes. Ce spiritueux premium, 100% d’origine naturelle en arômes et en sucre, se distingue des liqueurs par sa faible teneur en sucre. Son goût unique est naturellement rond, avec une puissance aromatique délivrée dès la 1ère gorgée…
« Absolut Extrakt » est un concentré d’extraits naturels et de saveurs, plus léger en alcool que la vodka (35°) et qui se consomme en shot très frais (10°C). Cette innovation réinvente la bouteille iconique de la marque, en la teintant d’un vert chlorophylle et en y apposant une étiquette craft en papier. Une expression créative et moderne qui rappelle les flacons des herboristes et apothicaires.
Pour rappel, 100% des bouteilles d’Absolut Vodka consommées dans le monde sont distillées et embouteillées par The Absolut Company à Ähus, petite ville de 10 000 habitants au sud du pays. Au-delà de la production, tous les ingrédients entrant dans l’élaboration d’Absolut Vodka proviennent de l’environnement immédiat de la distillerie. Le blé d’hiver cultivé, dans un rayon de 200km autour de la distillerie d’Ähus, et l’eau de source puisée directement à 140m sous la distillerie, sont des ingrédients essentiels à la qualité d’Absolut Vodka. Ils témoignent de l’engagement de l’entreprise en matière de respect de la nature, par la sélection exclusive d’ingrédients locaux suédois.
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La Maison Ruinart place l’expérience et l’innovation au cœur de ses caves historiques avec l’installation de l’œuvre permanente Flow Bottles (Flux de Bouteilles) de l’artiste brésilien Vik Muniz, artiste 2019 de la Maison. Elle est à découvrir au sein de ses Crayères classées au Patrimoine mondial de l’UNESCO. L’idée de cette œuvre est née lors de la visite de la Maison Ruinart par l’artiste, un « lieu unique » associant la tradition d’un site millénaire et la technologie la plus innovante
Cette installation dans le parcours de visite des Crayères est composée de 2800 bouteilles de Dom Ruinart entreillées à la main selon un savoir-faire ancestral et équipées individuellement d’un système perfectionné de LED, formant un mur interactif de 5 mètres de long. Les ombres des visiteurs se projettent sur ce mur de bouteilles et deviennent lumière grâce au système de LED. Dans le travail de Vik Muniz, la frontière entre le réel et l’imaginaire devient floue et déclenche ainsi le questionnement.
La réinterprétation artistique 2019 de la Maison Ruinart avec l’artiste Vik Muniz intitulée Shared Roots (Racines Communes) a été inspirée par l’adversité du climat et du sol face à laquelle la vigne se surpasse pour offrir le meilleur d’elle-même. Et c’est de cette tension que naît la création. Au total, Vik Muniz aura réalisé 7 œuvres pour la Maison Ruinart : 6 photographies (dont un diptyque, un polyptyque et un time-lapse) montrées actuellement dans les foires d’art du monde entier et l’œuvre permanente Flow Bottles, visible seulement dans la Maison Ruinart à Reims.
Visite de la Maison Ruinart
4, rue des Crayères – 51 100 Reims
Uniquement sur réservation du mardi au samedi
Ouvert de mars à novembre.
Réservation : www.ruinart.com/fr-FR/visite
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION
Du 1er juin au 4 octobre 2019, la Cour Gabriel du Palace se met à l’heure d’été et devient « le Yacht Club de l’Hôtel de Crillon » sous la direction artistique d’Alexandre Benjamin Navet qui signe une scénographie théâtrale vivante de polychromie. En collaboration avec Campari, le mythique établissement célèbre les 100 ans du Negroni, l’incontournable cocktail florentin, dans un esprit de Dolce Vita à l’italienne.
Durant l’été, les équipes des cuisines de l’Hôtel de Crillon proposeront une carte dédiée avec un florilège du meilleur de la gastronomie italienne : des pâtes à la serviette, des tresses de mozzarella, un chariot à glaces maison, une découpe en direct de culatello… le tout accompagné d’un Negroni* !
Le Yacht Club de l’Hôtel de Crillon
célèbre les 100 ans du Negroni
Du 1er juin au 4 octobre, de 12h à 22h
6 rue Boissy d’Anglas, 75008 Paris
01 44 71 15 17
- L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
En ce début d’année, la célèbre terrasse parisienne du Royal Monceau – Raffles Paris propose une expérience spectaculaire au cœur d’un majestueux décor de verre et de miroirs célébrant avec élégance MCIII, la plus inédite des cuvées de la maison Moët & Chandon.
Le bassin central, revêtant une teinte carbone pour l’occasion, est paré d’icebergs facettés en miroirs tels des sculptures de glace, reflétant deux igloos futuristes. Ces bulles de dégustation transparentes, cerclées d’acier et meublées de bois brut accueillent dans leur halo de lumière jusqu’à six hôtes pour une exploration œnologique unique, celle de la prestigieuse cuvée MCIII. Expression ultime du savoir-faire de Moët & Chandon, MCIII est la version la plus exclusive de la Maison. Benoit Gouez, Chef de cave de Moët & Chandon le décrit comme « un vin éminemment complexe et harmonieux associant fruité puissant, palais élégant et maturité remarquable ».
MCIII est pour l’occasion proposé en accord avec les créations des Chefs des restaurants du palace parisien. D’influence italienne pour Il Carpaccio avec notamment un cannelloni à la seiche avec caviar et crème de citron et aux saveurs peruvo-japonaises pour Matsuhisa Paris avec des Saint-Jacques sauce Jalapeno, morue noire Saikyo Yaki et foie gras Harumaki.
Sur la terrasse Royal Arctic, les nouveaux millésimes Moët & Chandon Grand Vintage 2012 et Grand Vintage Rosé 2012 sont également proposés à la coupe avec la carte thématique de tapas d’hiver, dont les créations gourmandes à la truffe ou encore au caviar sublimeront les vins. À déguster en admirant les impressionnantes créations futuristes, lové entre les épais coussins ébènes.
Royal Arctic au Royal Monceau – Raffles Paris
37 Avenue Hoche – Paris 8e
Jusqu’au 14 février 2019 – De 12 heures à 23 heures.
Le verre de MCIII accompagné des créations de l’un des Chefs des restaurants et servi exclusivement dans les bulles de dégustation
La coupe de Moët & Chandon Grand Vintage 2012, servie sur la terrasse Royal Arctic
Réservation conseillée des bulles de dégustation MCIII :
01.42.99.98.50 / barlong.paris@raffles.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
LE SPEAKEASY DE LA SQUADRA, BIEN PLANQUÉ DANS LES SOUS-SOLS DE PINK MAMMA BALANCE 16 COCKTAILS COQUINS DANS UNE NOUVELLE CARTE AU THÈME EROTICOOL.
Après avoir dévalé les escaliers pour traverser le couloir de la chambre froide, on transgresse les règles en poussant la porte malgré le panneau criant “No Entry”.
La team des bartenders au shaker habile y dégaine ses plus beaux atouts, cocktails grivois, créations suggestives et ambiance suave.
On se laisse guider de bon gré, par la carte bouquin, Il Manuele segreto del piacere all’italiana, qui décline les secrets du plaisir à l’italienne à travers des twists de classics cocktails. Get ready to be horny ! On tombe sous le charme d’un Vieux Carré nouvellement nommé Sexy Pappone, un grand classique des nuits secrètes dynamisé avec un vintage whisky.
On se fait un kiff avec l’incontro piccante, moscow mule pimpé au pastis, plus hot que jamais. On raffole aussi du très (très) bien maîtrisé Bacio Alla Francese, qui n’est autre qu’un French(kiss)75 stimulé à la lavande, miel et myrtille. La voluptueuse Ragazza alla Panna, la version drinkporn du White Russian, et sa mousse de coco fraîche, sera LA nouvelle fille de Pigalle. Pour déguster ses sexy drinks on se pose dans les grosses banquettes feutrées. La final touch de cette atmosphère polissonne est envoyée par les Dame-Jeanne aux courbes voluptueuses qui décorent les murs. En fond, une bande son funky ou un DJ set, qui dérape easy en grosse teuf italienne. À retenir en poussant la porte : ce qui se passe au No Entry reste au No Entry…
NO ENTRY
20 bis rue de Douai
75009 Paris
Ouvert dès 19h tous les jours
Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi et Dimanche : 19h – 1h
Vendredi et Samedi : 19h – 2h
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Le nom de Lucille Bogan est longtemps resté absent des études consacrées au blues ou à la culture afro-américaine, et la chanteuses reste encore grandement sous-estimée. Cela tient, sans doute, à trois facteurs. D’abord la biographie de Lucille Bogan reste extrêmement lacunaire, son propre fils semble peu au fait de la vie de sa mère ; ensuite, contrairement à ses consoeurs, nous n’avons pas de traces matérielles concernant ses éventuelles prestations publiques, manifestement la chanteuse n’appréciait guère la scène ; enfin la crudité sans équivoque de ses blues a longtemps effarouché l’industrie culturelle : jusqu’à la fin des années 1990, seule une poignée d’initiés avait accès à son oeuvre.
Les choses ont changé depuis qu’avec les rappeurs les « explicit lyrics » sont devenus à la mode, à ce titre l’oeuvre de Lucille Bogan constitue un chaînon manquant entre le blues et le rap. En effet, les paroles de ses blues dévoilent une obscénité souterraine à l’oeuvre dans la culture afro-américaine que le rap a désormais placée sur le devant de la scène. Mais, dans leur style formulaire qui puise aux racines de la tradition, et par-delà le côté salace de leurs propos, les blues de Lucille Bogan, toujours finement observés, proposent un témoignage saisissant sur la vie quotidienne des afro-américain(e)s (en particulier à Birmingham, véritable poumon industriel de l’Alabama), sur la grande dépression de 1929, sur les chemins de fer américains ou sur le trafic et la consommation d’alcool à l’heure de la prohibition etc. Mais c’est sans doute sur la condition et sur les aspirations des femmes issues du prolétariat Noir que Lucille Bogan se montre la plus percutante. Ses revendications féministes diffèrent sensiblement des mots d’ordre des très bourgeoises et très moralisantes ligues féministes Noires comme la NACW.
L’oeuvre de Lucille Bogan nous fait découvrir un féminisme sans concession à l’idéologie dominante. Du fait d’une documentation biographique quasi inexistante, seule une étude minutieuse des quelque 67 morceaux enregistrés qui subsistent (Lucille Bogan en a sans doute gravé plus d’une centaine) aura permis de cerner l’art de la chanteuse. Ce n’est donc pas la vie de l’artiste qui éclaire son oeuvre, mais l’oeuvre qui s’élucide par elle-même. Cette démarche semble d’autant plus appropriée que, contrairement aux divas du blues classique, Lucille Bogan est l’auteure de quasiment tous les titres qu’elle a enregistrés, passant, aux dires de son fils, beaucoup de temps à les peaufiner, chez elle, à Birmingham, avant chaque séance dans les studios des compagnies du Nord.
En découvrir plus: Editions www.camionblanc.com
La maison de champagne Besserat de Bellefon présente sa Cuvée BB 1843, en hommage à son année de naissance au pays d’Aÿ. Du minéral au végétal, sous quelques notes de bois, elle transporte le secret et capture l’esprit des sens de celui qui la contemple, en bouche, à l’œil ou au nez. La simplicité de son élégance conduit à la pureté de son essence, et libère l’immensité de sa puissance.
Ses maitres mots de dégustation : Or pâle, Reflets ambrés, Bulles très fines, Brillance, Pureté, Subtil, Vaporeux, Boisé fondu, Pain en cuisson, Agrumes confits, Minéral, Ciselé, Zesté, Tension, Vibration, Authenticité, Puissance, élégance, Longueur épicée, Résonance…
A découvrir : http://boutique.besserat.com
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A l’occasion des fêtes de fin d’année, Moët & Chandon rend hommage à l’art de vivre à la française . Un hommage qui s’exprime à travers le dessin de monuments emblématique du patrimoine français champenois : L’Orangerie de la Maison Moët & Chandon à Epernay, symbole de l’héritage et du rayonnement de Moët & Chandon tout au long de son histoire; l’Arc de Triomphe, construit par Napoléon qui fut l’un des premiers célèbres amateurs de la Maison et à qui le nom « Impérial » de la cuvée emblématique rend hommage; la Tour Eiffel, joyau de l’architecture française et fleuron de l’Exposition Universelle de 1889, clin d’œil à la conquête des nouveaux marchés entreprise par la Maison au XIXème siècle.
Disponible dans trois points de vente exclusifs : Galeries Lafayette Gourmet, Publicis Drugstore et La Grande Epicerie de Paris
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
Cet hiver, la marque de whiskey américain Bulleit Bourbon s’associe à l’artiste et tatoueur Jean André. A cette occasion il réinterprète la bouteille iconique, à travers un étui en cuir en édition limitée, en vente dans le concept store Archive 18-20.
Le style instinctif et minimaliste de Jean André s’est rapidement imposé comme une évidence pour Bulleit. A l’image de cet artiste singulier, Bulleit Bourbon est un spiritueux atypique et indépendant. Le design unique de sa bouteille s’inspire des flacons médicinaux qui transportaient le whiskey à travers l’Amérique des années 1850. Le flacon, embossé et tout en transparence, donne la part belle au liquide et à ses reflets acajou caractéristiques.
« J’ai tout de suite été séduit par l’idée de personnaliser ces bouteilles venues des Etats-Unis, en les travaillant à Paris. Chaque étui est marqué d’un numéro qui le rend unique, à l’image d’un tatouage. On a fait pas mal d’expérimentations, et je suis fier du rendu, juste et original.» Jean André.
Bouteille en vente -chez Archives 18-20, 20 rue des Archives 75004 Paris
https://www.bulleit.com
Edition limitée à 80 bouteilles numérotées
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Le coffret en édition limitée de Hennessy X.O & Ice se transforme en seau à glace pour accompagner les nouvelles expériences de dégustation de cet assemblage sophistiqué.
Hennessy X.O on Three Rocks : Un mode de dégustation à la fois très contemporain et ancré dans la tradition familiale Hennessy. Versez le cognac dans un verre droit sur trois cubes de glace de bonne taille. La glace fond alors progressivement, libérant les arômes de fruits confits et d’épices de Hennessy X.O. Une façon idéale d’apprécier Hennessy X.O.
Hennessy X.O on a Rock : Une révélation surprenante des nombreuses eaux-de-vie qui composent X.O. Versez le cognac sur un seul grand cube de glace. Son froid souligne le caractère et les arômes du cognac et met en valeur le savoir-faire Hennessy.
Hennessy X.O Over Ice : Une boisson qui peut s’apprécier autour d’un brunch, lors un cocktail ou après le dîner. Placez plusieurs glaçons dans un grand verre à vin. Versez le cognac X.O, ajoutez une goutte d’eau froide et mélangez. La glace refroidit rapidement le cognac, révélant l’équilibre de l’assemblage et ses notes épicées subtiles et toniques.
Les conseils du mixologue de la Maison Hennessy pour créer des glaçons parfaits
1. Les glaçons de grande taille fondent moins rapidement.
2. N’utilisez que de l’eau minérale ou filtrée.
3. Passez les glaçons sous l’eau avant de les servir pour éliminer la couche de gel qui a pu se former à la surface.
Coffret en édition limitée disponible à la boutique des Visites Hennessy à Cognac et chez les cavistes partenaires.
En découvrir plus: www.hennessy.com
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La MAISON DAUCOURT, distillerie familiale depuis trois générations en Charente et pionnière dans l’élaboration de whisky français depuis 20 ans, s’est associée à l’inévitable BOOBA, pour imaginer le whisky D.U.C Triple Cask produit en France. Ce whisky bénéficie d’une triple maturation simultanée dans trois fûts indépendants : fûts de Bourbon, fûts de Sauternes et fûts de Cognac, au cœur de la célèbre « Spirit Valley » charentaise. A découvrir au Drugstore Publicis : publicisdrugstore.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
La tequila PATRÓN lance un écrin en édition limitée pour l’hiver, contenant son emblématique Tequila Silver avec Joeartz Berrelini, artiste mexicain qui associe le streetstyle aux couleurs vives. Ce coffret rend hommage au patrimoine mexicain et met à l’honneur la fabrication de la tequila. On pourra y reconnaitre l’arche des haciendas typiques de ce pays. La présence d’abeilles fait référence à la culture des agaves tandis que l’Aigle, le Loup, le Soleil ou encore les Papillons dessinés sont symboles du Mexique… En découvrir plus: patrontequila.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
Institutions parisiennes récemment reprises par le Groupe Caviar Kaspia, les bars à vins Écluse célèbrent le mois de décembre avec la complicité des Champagnes Billecart-Salmon, invité à sublimer le Caviar Impérial Baeri ainsi que le Brie de Meaux à la Truffe Noire Melanosporum, autre perle rare.
Champagne Billecart Extra Brut & Caviar Impérial Baeri :
Un verre de Champagne Billecart-Salmon Extra Brut & 10g de Caviar Impérial Baeri
*à déguster à Écluse Saint-Honoré, Écluse Madeleine et Écluse François 1er
Champagne Billecart Brut Sous Bois & Brie de Meaux à la Truffe Noire :
Un verre de Champagne Billecart-Salmon Sous-Bois & une assiette de Brie de Meaux à la Truffe Noire Melanosporum
**à déguster à Écluse Saint-Honoré et à Écluse Madeleine
Écluse Madeleine
15, Place de la Madeleine
75008 Paris
Téléphone : 01 42 65 34 69
Écluse Saint-Honoré
34, Place du Marché Saint-Honoré
75001 Paris
Téléphone : 01 42 96 10 18
Écluse François 1er
64, rue François 1er
75008 Paris
Téléphone : 01 47 20 77 09
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Chienlit. Captation record. Classe politique éparpillée façon puzzle. Médias fragiles. Penseurs embrigadés. Prêcheurs pour royalties. Lanceurs d’alerte planqués. Marionnettistes contrariés ou au contraire satisfaits ? Insoumis à fort pouvoir d’achat. Grande machine broyeuse de rêves tués à coup de psychotropes. Argent. Classe moyenne amnésique. Argent. Référentiel à géométrie variable. Argent. Juste choix ou choix du juste, de la guerre ou de la paix ? France aux multiples fractures. Jeunesse inculte ou pas dupe. Egos enivrés. Corps glorifiés. France qui ne jure que par son élite aristocratique déchue, choisie, expérimentée, qui s’enflamme pour les beautiful loosers, les numéros deux, les derniers à la peine mais qui ont du panache, du french flair, qui twistent les pronostics… honnissent les leaders, les font succomber à la soumission exigée. « En politique une absurdité n’est pas un obstacle. » Napoléon Bonaparte
Les réseaux sociaux ont achevé leur mutation, agoras populistes et anxiogènes, instruments d’informations non vérifiées à forte résonance dramatique, de revendications globalisées, de peurs ancestrales, de sarcasmes et de cynisme, de jugements primaires et de farouches joutes, d’échanges, café du commerce sans alcools ni olives, où la sourde colère des incompris « matche » avec les fulgurances de ceux qui ont tout compris. Est-ce une régression sociétale ? Faut-il s’en inquiéter ? ou se féliciter d’avoir de tels moyens de propagation, aussi perfectionnés, qui nous éloignent ou nous rapprochent de l’ignorance ? A moins, là encore, que ce ne soit une auto manoeuvre pour nous enfoncer toujours plus loin au fond de la grotte, effrayés que nous sommes par la lumière de la Vérité. « Le dialogue, relation des personnes, a été remplacé par la propagande ou la polémique, qui sont deux sortes de monologue. » Albert Camus
Lire, découvrir, voyager, penser par soi-même, écouter, aimer, cultiver, parler à bon escient, s’émerveiller devant la nature et les réalisations de l’homme, s’occuper de son microcosme, faire preuve de compassion, d’humilité, accepter l’autre, croire en soi, vivre… Ecrivez votre propre citation. Anonyme
Illustration :
Roberto Matta et Victor Brauner
1911 – 2001 ET 1903 – 1966
INNERVISION
huile sur toile
145 x 196 cm ; 57 x 77 1/8 in.
Peint en 1956.
Rare Champagne offre aux amateurs de champagnes confidentiels Rare Le Secret, une cuvée éditée en série ultra-limitée, embellie par Mellerio. Deux designs ultra-précieux consacrent la même cuvée véritablement unique, originale et non-dosée: une collection Haute Joaillerie, et une collection Orfèvrerie (édition gravée et numérotée de 1000 magnums)
À l’intérieur du flacon, le vin délivre une expérience sensorielle inoubliable. Les lignes du cartouche doré et leur typographie rendent hommage aussi bien au métier d’orfèvre de Mellerio qu’à la plaque d’identité, posée devant les casiers dans la bibliothèque des millésimes de Rare Champagne. Chaque exemplaire a reposé pendant plus de 20 ans, en parfaite confidentialité dans la cave personnelle de Régis Camus, Chef des caves de Rare Champagne.
Disponible chez Harrod’s et depuis mi-novembre en France aux Galeries Lafayette.
En découvrir plus: mellerio.fr/ rare-champagne.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
2007 est une année rare en Champagne avec ses vendanges qui débutent en août. Composé exclusivement de chardonnays issus de grands crus, dont 75% provenant de la Côte des Blancs et 25% du versant nord de la Montagne de Reims, le Dom Ruinart 2007 présente une robe lumineuse, d’un doré intense, avec de chatoyants reflets verts.
Le premier nez décrit une trajectoire directe à la craie, où les notes de pierre à fusil, de coquille d’huître se mêlent aux arômes fumés de tabac blond. Le second nez révèle un registre printanier porté par des notes légères de sève, de tilleul, d’acacia, d’agrumes jaunes à verts extra frais (citron vert, yuzu) ou encore de fruits verts (prune). Se mêlent à la complexité du bouquet aromatique de subtiles notes de feuille de figuier, de réglisse et de grand thé de Chine.
La bouche de prime abord onctueuse laisse rapidement place à une tension vibrante, caillouteuse et d’une intensité profonde marquée par des notes d’agrumes verts et de pamplemousse. La finale sapide et crayeuse est soutenue par une élégante amertume. Dom Ruinart 2007 est un vin dynamique, ciselé, dévoilant toute la pureté des grands Chardonnays.
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JE ME SOUVIENS D’UN JOUR SANS SOLEIL. Le ciel était bas et lourd. Le brouillard mélangé à la fumée tenace et épaisse qui émanait des ruines fumantes ne se dissipait pas, malgré le vent, malgré la pluie, malgré les prières.
L’équipe du capitaine Lemaître, la première qui fut chargée d’intervenir sur les lieux de la catastrophe, venait d’être relevée. Les gars étaient épuisés, à bout de force. Leurs mines étaient sombres. L’humeur au delà du drame était sinistre. Insupportable sentiment d’inutilité, de n’être là que pour constater, sans aucune possibilité d’obtenir la maigre récompense des immenses efforts déployés. Toutes ces heures passées sous la pluie à chercher dans les décombres, des traces, des survivants, des corps. Pour rien. Toutes ces existences réduites en fumée, annihilées de la surface de la terre. La chapelle ardente, dressée à la hâte s’étendait désormais sur une surface effrayante, apocalyptique. L’indispensable périmètre de sécurité avait rapidement été établi afin de filtrer le plus sévèrement possible les allées et venues. La meute des gratte-papiers confinée à quelques mètres de l’épicentre commençait à piaffer d’impatience. L’odeur du sang et de la chair calcinée l’excitait au plus haut point.
Pour ma part, je n’étais même pas encore au courant du drame. Je dormais profondément, rêvant d’une grande histoire qui serait mon sésame pour la postérité… J’avais lu avec délectation la plupart des attentats littéraires des X-Men (Hommes de la génération X) Bret Easton Ellis, Douglas Coupland, et leurs avatars français : Beigbeder, Liberati, Dantec, Houellebecq… Dignes représentants d’un style d’écriture efficace, name droppée et qui me fascinait totalement. Ma solution pour sortir de l’anonymat ? Une œuvre hallucinatoire et post-genre composée de bribes de rêves et de notices de produits chimiques. Une sorte de Twin Peaks revisité par Procter et Gamble et William Burroughs. Évidemment, tout cela n’avait aucun sens.
La sonnerie old school et stridente de mon téléphone brisa le silence de la nuit et mon embryon de réflexion disparu en fumée. Je regardais incrédule et comateux l’horloge digitale LCD retro éclairée de chez Urban Outfitters : 04:36. Qui était assez fou pour m’appeler à une heure pareille ? Inquiet, curieux, groggy, je finis tout de même par décrocher.
— Allo ?
— Hummm ?
— Kadmon ? Enfin ! J’ai commencé à flipper… Écoute moi bien: Je t’offre une chance inouïe de refaire surface. J’ai un très gros sujet, un truc vraiment énorme et je t’ai choisi pour le couvrir !
— Hein ? … Vous vous foutez de ma gueule ?
— Kadmon ! Christophe Tomassin à l’appareil. « Nouvelles du monde ».
— Tomassin ?
— Le château Bereshit est en flammes. Des morts. Je n’en sais pas plus pour l’instant. J’ai déjà une équipe sur place, mais je veux que tu ailles là bas. Tu connais le contexte mieux que personne. Rassure-moi, tu n’as pas eu d’autres propositions ?
J’émis un bâillement et me frottais les tempes de ma main libre : « Oui, non… en flammes, le château Bereshit ? »
— Je veux un papier avant midi au plus tard, on boucle à 14h00.
— Pour les frais ?
— T’occupes pas de ça. Le journal prend tout à sa charge.
Le rédacteur en chef raccrocha. Je restai complètement interdit. Putain, c’était quoi ce délire ?
J’allumais mécaniquement la télévision sur une chaine d’informations en continu. A l’écran, une rediffusion d’un débat stérile entre deux éditorialistes trop appliqués pour être honnêtes. En bas, le traditionnel bandeau des horreurs défilait. En caractères blancs sur fond rouge : Drame en Gironde, la communauté Bereshit durement touchée. Plusieurs centaines de morts après l’explosion du château de Lott.
Tomassin ne m’avait pas tiré du lit pour rien. Un mélange contradictoire d’émotions me submergeaient. Compassion pour les victimes. Haine féroce à l’égard de leur maitre à penser. Un gourou de la pire espèce. Une ordure manipulatrice et vicieuse. J’avais failli le coincer. Je m’étais retrouvé sur la touche. Il n’avait pas apprécié mon enquête sur son business aussi opaque qu’une nuit sans lune en pleine campagne.
La présentatrice de l’édition spéciale fit son apparition, entourée d’une flopée de spécialistes de l’enfumage. Personne pour s’interroger sur la véritable nature du drame. Mes réflexes paranoïaques reprenaient vite le dessus. Si Eloïm n’était pas mort avec ses fidèles, alors il y était forcément pour quelque chose… J’en avais la certitude. En l’espace d’un instant mes munitions étaient prêtes : Valise remplie à la hâte. Carte de presse. 4 canettes de Red Bull. 2 paquets de cigarettes (pour la route). Clés de la voiture. Le domaine de Lott était à quatre bonnes heures. J’avais le temps de réfléchir. Une vision fugace me ralentit un instant, mon reflet dans le miroir. Un loup émacié, yeux rouges et babines retroussées. Je compris alors qu’il n’y aurait pas d’échappatoire. Lui ou moi. Mort ou vif. Je n’avais plus rien à perdre. J’avais déjà tout perdu.
Sur la route, j’écoutai la radio qui s’embrasait, littéralement. Toutes les stations d’informations s’étaient évidemment focalisées sur le sujet. Elles enchainaient avec une maestria robotisée les interviews sans valeur ajoutée : « Madame X vous habitez à 500 km du lieu de l’accident, avez-vous entendu la déflagration ? » « Pas moi, mais mon chat Bibendum était excité comme une puce, alors que ce n’est pas son habitude, ça montre qu’il à l’ouïe fine ! hein mon pépère. C’est horrible cette catastrophe quand même… ». Les clichés surannés sur les victimes. Les interventions sans âme des professionnels du macabre. Les bilans actualisés toutes les 50 secondes… Enfin le climax arrivait avec le pseudo rappel des circonstances de l’accident : « Léo Admonakis dit DJ Hod, (1.5 milliard de vues sur YouTube) se trouvait aux manettes d’une soirée caritative qui se déroulait au château. 1000 à 1300 « fidèles », étaient rassemblés sur les lieux au moment de l’explosion. À cinq heures et demi du matin, un premier bilan provisoire faisait état de quatre cent trente trois morts et des centaines de blessés graves… » et la rumeur qui enflait, Elohim, le gourou était sorti des décombres, tout de blanc vécu, immaculé et bien vivant. Accident ou attentat ? Personne n’avait encore émis de revendication. Pendant les cinq prochains jours, sauf en cas de guerre nucléaire, on ne parlerait que de ça. Pour moi cela ne faisait aucun doute, le seul commanditaire s’appelait Elohim. Je devais le prouver. Ce ne serait pas une mince affaire.
La petite route sinueuse qui menait au domaine était plus bondée qu’une rame de métro à heure de pointe. Camions de pompiers. Police. Cars régies. Badauds. Curieux. Voisins. Tous essayaient de voir quelque chose. Ils se régalaient du ballet incessant des hélicoptères qui manoeuvraient autour de l’épicentre. Je fis une savante marche arrière et décidai d’abandonner mon véhicule dans un champs transformé en parking de fortune. Marcher me permettrait de réfléchir, j’étais convaincu que mon raisonnement était le bon, mais la grande émotion populaire générée par ce drame risquait de figer une version totalement fausse des faits qui ne serait jamais remise en question. Je serai traité de complotiste, d’aigri, de revanchard, le monde s’acharnerait sur moi, dans l’éventualité où on me laisserai produire mes conclusions, ce qui n’était absolument pas certain.
Je tendis ma carte de presse à un premier barrage, composé de policiers et de membres du service d’ordre de la communauté. Un grand baraqué, chauve comme un bonze, tatoué sur la main du logo – symbole de la secte, s’en empara vivement. Il fit une moue de surprise en scrutant mon identité. Les fidèles me détestaient, à juste titre d’ailleurs. En d’autres circonstances et surtout sans la présence des flics, j’aurai sans doute subi une correction, mais ce n’était ni possible, ni dans son intérêt. Il me rendit la carte, opina à contre coeur du chef pour signifier que c’était bon et . Il osa tout de même m’apostropher avec une parole de la bible : » Un juste qui se laisse ébranler devant le méchant est comme une source aux eaux troubles ou une fontaine polluée. ». Je lui souris tout en lui adressant un discret doigt d’honneur.
A peine quelques mètres me séparaient encore du domaine. Plus j’avançais, plus je me sentais oppressé, je m’efforçais de respirer le moins possible, l’odeur de la mort emplissait mes narines et cela me révulsait. Enfin, l’immense portail se dressa devant moi. Il était comme dans mes brumeux souvenirs, encadré par deux colonnes de pierre surmontées de herses. A moitié ouvert, abandonné, je trouvais cela presque obscène. Je n’aimais pas ce sentiment, violer cette espace auquel je n’appartenais pas. Comme un impression de franchir la porte de l’enfer de Dante. Un point de non retour.
La propriété, en temps normal, était totalement close, bien protégée, hermétique, à l’abri des regards indiscrets et du « vrai » monde. La pluie redoubla d’intensité. A ce propos, un fidèle de la secte dirait dans la presse : « le grand tout » nous a témoigné son infinie tristesse par ses larmes …. J’ y voyais surtout la preuve de son fanatisme absurde.
Archétype du journaliste moderne et high-tech, j’utilisais l’application Notes de l’Iphone pour consigner les éléments observés: A droite du portail, une guérite. Fermée. Stores baissés. Un chenil. Vide. Une grande fontaine ornée de sculptures romaines ou grecques, rien à foutre, jamais trop apprécié ces trucs crypto gays. Un jardin anglais. Un practice de golf. Des bâtiments, modernes, lumineux, à droite à gauche. Des maisonnettes comme des chalets au loin. Je n’apercevais pas encore le château, mais avec un casino et une boite de nuit cet endroit n’aurait rien eu à envier à un palace 5 étoiles.
Eloïm était un génie. « Secte, quelle secte ? » Regardez mes installations: Un havre de paix pour nantis sur-stressés qui ont juste besoin de repos et de spiritualité.». Salaud ! Nous verrons bien à qui le crime profite. Combien de défuntes victimes auront versé jusqu’à leur dernier sou et sang pour Bereshit ?
Lors de mes précédentes investigations j’avais découvert et partiellement révélé une partie des procédés mafieux et illégaux qui avaient permis à « l’association » de prospérer en toute impunité. Le magazine coupable de la parution s’en était tiré avec 5000 euros d’amende et moi je m’étais fait viré de la publication. Je ruminais ce vieux contentieux tête baissée. Soudain, face à moi, un véritable champs de ruine. Le spectacle qui s’offrait à mes yeux hagards était absolument effroyable. Sans expérience des catastrophes, je devais humblement reconnaître mon manque de préparation psychologique. Pourtant le site était presque clean, hormis les gigantesques et funestes décombres. Les blessés et les morts évacués au long de la nuit et du petit jour, il ne restait que des pierres ensanglantées, témoins impassibles du drame. Seuls les médias enfin lâchés et leur encadrement policier arpentaient sans relâche les lieux, à la recherche d’indices ou d’images sensationnelles à partager. Malgré tout, le silence prévalait et les quelques voix qu’on entendait se faisaient murmures.
Comme foudroyé par le syndrome de la page blanche, il me semblait impossible d’écrire quelque chose de potable et je débutais laborieusement mon article ainsi: « Le château de Lott, fleuron du XVIIIème siècle et propriété de la secte (à effacer), du mouvement (c’est nul mais à défaut d’autre chose) «Bereshit: Au commencement» s’est mystérieusement volatilisé (putain soit factuel) »… Impossible de faire mieux. Cela faisait des mois que je ne rédigeais que des billets de blogs sportifs, le plus souvent à l’arrache. Sans sommeil et épuisé par le trajet, je me retrouvais en plein milieu d’une réplique miniature et française du World Trade Center, de surcroit liée à la secte à l’origine de ma déchéance… Je remis tristement le portable dans la poche avant droite de mon pantalon. Trempé et usé. Tout allait se terminer maintenant. Incapable d’aller plus loin. Incapable de changer. Incapable de saisir ma chance. Incapable de ressentir autre chose que de la haine et du désarroi. Tout ici respirait normalement le luxe, l’opulence, l’endoctrinement des nantis. Pas la chair humaine grillée. Énième cigarette. Concentration. Inhalation de la fumée proscrite. Le portable vibrait. Probablement un hurlement textoïque du redac’chef…
Je scrutais le smartphone jusqu’à l’icône sms. Il s’agissait d’un message laconique et sibyllin: « Bientôt… ». L’adrénaline me monta aussi rapidement qu’un shot de Tequila au crâne. Quel crédit donner à ce message ? Qui en était l’auteur ? Pas de nom, pas de numéro de téléphone… Tout cela devenait de plus en plus étrange et je ressentais une pointe de peur mélangée à l’excitation. Après des années de placard, il se passait enfin quelque chose de fort dans mon existence. L’affaire Bereshit me redonnait le souffle de vie perdue.
Lucas Bonvallet se figea devant moi.
— Louis Kadmon ? Qu’est-ce que tu fais là ? Mais j’y pense, dit-il l’air faussement inquiet, t’as pas un reportage à préparer sur Tourcoing – Bayonne en Volley-Ball junior ? Une sonorité grasse sortit de sa bouche épaisse.
— Lucas, toujours aussi… jovial et épanoui ! Je me doutais en venant ici que j’allais recroiser de vieilles connaissances, mais commencer par toi ça me touche beaucoup. Une petite voix mesquine dans ma tête chantonnait l’inverse: « Putain, faut quand même une sacré dose de maz’ra pour se retrouver nez à nez avec l’empereur des connards. Reste calme, ce n’est pas la peine de se braquer. Autant en apprendre le plus possible, surtout d’un moulin à paroles comme Bonvallet. En tout cas l’air du coin lui donne bonne mine… on dirait un pochard de bistrot. Et son costume élimé et sa bedaine. Triste de vieillir comme ça.
Lucas, pour sa part, se délectait de la situation. Torturer Kadmon était un véritable plaisir. Dans leurs jeunes années à l’école de journalisme, il l’avait pourtant jalousé. Plus brillant, plus efficace, plus beau, mais Louis avait sabordé sa carrière en s’acharnant sur une estimable institution. Une folie pure ; que pouvait-on reprocher à Eloïm et à ses fidèles ? Les attaques de Kadmon n’étaient ni fondées ni tangibles. D’ailleurs le drame du château n’était sans doute que la conséquence d’un regrettable et tragique concours de circonstances. Le monde entier était ému par cet effroyable accident. La tendance était à la sensiblerie. Son article irait d’ailleurs dans cette direction. Il allait faire chialer dans les chaumières. Grâce à son brillant papier, Eloïm le remarquerait enfin et lui proposerait sans doute de rejoindre les hautes instances de la communauté…
Lucas continuait son petit manège pour faire sortir Kadmon de ses gonds. Bonvallet bien que chef de rubrique d’un quotidien régional, n’était en réalité qu’un pauvre mec adipeux au visage rongé par l’alcool. Sans scrupules. Un rat qui avait écrasé, profité des pigistes et stagiaires passés par son service pour gravir les échelons. Mais le fait était assez rare pour être souligné, il était là en personne et n’avait pas comme à son habitude délégué un de ses sbires… Les rapaces se délectaient toujours de l’odeur du sang.
» Ton avis sur la situation ? » Lucas me jaugeait orgueilleusement du regard. « Tu as vraisemblablement accès aux mêmes informations que moi. Tu peux en tirer les conclusions que tu veux. » Le chef de rubrique, rouge cramoisi, fit mine de chercher un autre interlocuteur plus digne d’intérêt et prit congé sans autre forme de cérémonie. J’exhalais un soupir de soulagement. Derrière l’écran à rédiger des billets sportifs, je n’étais plus soumis aux pressions de ces êtres exécrables, se frotter de nouveaux à eux était finalement bien plus difficile qu’escompté. Lassé des incessantes intempéries, je m’abritais un moment sous l’auvent d’une maisonnette située à une vingtaine de mètres derrière le château. De discrètes petites caméras étaient disséminées un peu partout. « Pas de stress, je suis libre de circuler où je veux. La guérite qui sert certainement de poste de contrôle est fermée. Les flics ne s’intéressent pas à moi. Ils ont l’habitude d’avoir des fouineurs auprès d’eux et n’y font pas attention. C’est bon, vas-y fonce ! » Les « fouineurs » étaient des journalistes dûment accrédités, parfois utiles à l’enquête. Capables de remarquer des détails futiles mais qui pouvaient se révéler finalement importants voire essentiels. La seule contrainte était de donner prioritairement l’information aux forces de l’ordre avant publication, avec en corollaire le risque de censure. Je n’avais bien évidemment jamais respecté ce principe.
Le rédacteur en chef de « nouvelles du monde » n’avait pas fait les choses à moitié pour lui obtenir ce blanc seing, songea Kadmon.
Il reprit son monologue intérieur: « Au premier abord la thèse de l’accident s’impose d’elle même, mais je ne peux pas y souscrire. Pas après tout ce que j’ai vécu avec Bereshit… »
Louis aperçu au loin un énorme Hummer noir franchir le cordon de sécurité et s’approcher des décombres. La voiture freina. Majestueusement Eloïm sortit de l’arrière du véhicule, précédé de deux armoires à glace. Lunettes noires. Costume noir cintré et chemise blanche. Une vraie Rock Star.
Un court instant le journaliste eu la nette impression d’être observé. Il s’agaça: « Cet enfoiré de gourou est toujours en vie. Eloïm n’était sans doute même pas présent à la soirée. Comme par hasard…»
Louis tira d’une de ses poches, un paquet de cigarettes à moitié plein, enfonça nerveusement la tige dans sa bouche, se servit de son zippo, dernier vestige de son adolescence et massacra la première bouffée. Après un moment de réflexion tabacologique, il écrasa la cigarette sous sa bottine Weston vieille de 10 ans et parcouru son téléphone à la recherche de l’icône verte messages. Cinq sms en attente.
Au premier texto: « Bientôt vous allez tout savoir » succédait un chiffre: « 7 », puis « porte ouverte. caméra nord ». Ca se précisait de plus en plus… D’autre part, le listing avait bien été expédié. Louis le parcouru rapidement. Il reconnu certains noms, personnalités du show-biz, des dignitaires de l’ordre, mais quel était leur point commun ? Pourquoi étaient-ils morts ? Enfin comme prévu, at last, une missive de Tomassin pour savoir où en était la rédaction de son papier. D’abord, il lui fallait résoudre l’énigmatique jeu de piste, c’était prioritaire. Il compta sept pas, regarda les emplacements des caméras, s’impatienta, traversa le domaine en long en large, en travers, attendit un nouveau texto… Le temps passait, son article n’avançait pas…
Quel idiot se dit-il ! Un détail venait enfin de lui sauter aux yeux. En inspectant pour la énième fois une des maisonnettes. Au dessus de la porte d’entrée était gravé un chiffre romain doré… « Donc, si je continue logiquement jusqu’à la VIIeme demeure, la porte d’entrée doit être ouverte… mais avant je dois neutraliser la caméra située au nord. Mes réponses sont peut être à l’intérieur, à moins que ce ne soit un piège… Qu’est ce que je risque de toute façon ? » Tout content d’avoir résolu l’énigme après deux heures de tentatives infructueuses, Louis se félicita d’avoir bouffé des tonnes de thrillers américains. Il était du reste persuadé que fort de cette expérience empirique aucune énigme ne pouvait lui résister très longtemps.
Sans avoir un sens de l’orientation surdéveloppé, il ne manqua pas de voir au nord, effectivement pointée face à la bicoque, une caméra de sécurité dont la petite lumière rouge scintillait. Pourquoi celle-ci était toujours en activité alors que les autres ne fonctionnaient plus ? La secte devait probablement disposer de plusieurs groupes électrogènes.
Louis ne brillait malheureusement pas par ses qualités athlétiques. L’exact opposé d’un journaliste « tout terrain ». Il mesurait à peine un mètre quatre vingt, présentait un surpoids de cinq ou six kilos, fumait un paquet de cigarettes par jour et buvait le plus souvent jusqu’à plus soif dès que l’occasion se présentait. Tout ça ne lui disait rien qui vaille. Cela prenait même une tournure délirante. Il réfléchit: « Admettons… Comment contourner l’obstacle de la caméra ? Il y a bien dans le coin quelque chose qui peut m’être utile. Personne dans les parages ? Alors à quoi bon se prendre la tête à échafauder des plans compliqués. Je retourne sur mes pas à la recherche d’une barre de fer ou d’un objet équivalent et après tout pourquoi pas une branche ou même mon parapluie ? » Louis se résolu à conserver son pébroque, trouva un arbre pas trop grand à côté de la maison V. Le néo Sherlock Holmes s’y reprit à deux fois en se suspendant au rameau qui rompit mais ne se cassa pas immédiatement. Il s’épuisait: « Putain et l’heure qui tourne et j’ai envie de pisser et je commence à être saoulé au plus haut point. » La troisième tentative fut la bonne. Le coup de fouet qu’il lui fallait.
A pas de loup, il se glissa sous la caméra et tenta de la détruire à coups de branche d’arbre. La technique semblait foireuse mais s’avèra au bout du compte payante. Louis gloussa intérieurement: « Le redbull doit encore faire effet. Caméra neutralisée ! » Tout heureux de son forfait, Kadmon s’esclaffa sans retenue en voyant l’objet pendouiller le long du mur.
Il reprit rapidement sa contenance initiale, conscient des risques encourus, s’approcha prudemment de la poignée de la porte, la manipula… celle-ci s’ouvrit sans efforts. Louis pénétra dans un genre de chalet cosy et chaleureux. Il n’eut pas besoin d’allumer la lumière. Il faisait plein jour. Son coeur battait la chamade, il s’attendait à une embuscade, certain d’entrer tout droit dans la gueule du loup.
Que pouvait bien faire Eloïm s’interrogea Louis. « Il doit préparer son communiqué de presse.» Sa montre affichait, 12h05. « Je suis définitivement à la bourre et sans doute hors jeu pour l’article. » Un escalier. A contre coeur, la tête baissée et résigné, il monta les marches vers son destin…
Eloïm se faisait maquiller dans une petite pièce attenante au studio d’enregistrement, dans un bâtiment annexe au château. Ses assistants avaient décoré la pièce selon ses désirs, miroirs en bois sculptés du XVII ème siècle, un chandelier en or, des plantes exotiques, un écran video de 165 cm qui diffusait en boucle un condensé de ses meilleurs prestations scéniques. Une bouteille de Krug dans un seau à glace en cristal de Baccarat et des macarons de chez Ladurée, Eloïm raffolait de ces petites attentions.
— Où est Kadmon ?
— Il est enfin entré dans la VII. Cet abruti a défoncé la caméra avec une branche d’arbre !
— Bien, bien, bien. Toujours aussi rustre dans ses manières. J’espère qu’il trouvera le cadeau que nous lui avons laissé.
— Ne vous inquiétez pas monsieur, nous avons respecté votre plan.
— Je le veux !
— Et vous l’aurez. Si vous me permettez, il me semble que vous n’avez jamais eu à vous plaindre de mes services jusqu’à présent… Monsieur ?
— Jamais ! Tout à l’air parfait. Mon discours s’il vous plait ?
— Voilà monsieur.
Il jeta un rapide coup d’oeil au texte.
— Hum… oui, c’est pas mal. Intéressant. Allons livrer au monde notre profonde tristesses d’avoir perdu ces êtres si cher et surtout renforcer chez nos fidèles leur foi en notre belle cause.
Un sourire carnassier déformait son visage impassible…
Alix pose le manuscrit, passe sa main dans ses cheveux bouclés, signe de nervosité:
— Ne le prends pas mal, mais ce n’est pas de la grande littérature. Ca vaut à peine un épisode des experts Miami ton bouquin.
— Pourquoi tu cherches toujours à critiquer ce que je fais ?
— C’est pour toi que je dis ça. De toute façon qu’est-ce que ça t’apporte ce livre ? Tu crois quoi ? Que tu vas avoir le prix Goncourt ?
— Merci !
— Et voilà tu te fermes, ! Tu ne comprends pas ce que je veux te dire.
— Je comprends très bien. Comme d’habitude dès que je commence quelque chose, ça ne va pas.
— Le problème, c’est que tu commences plein de trucs, mais tu ne finis jamais rien !
— Mais laisse moi avancer au lieu de critiquer. Sincèrement j’accepte les critiques lorsqu’elles sont justifiées et là je trouve que tu es dure.
— Bon. Je te laisse, faut que j’aille bosser… tu sais ramener de l’argent pour manger. Je n’ai pas la chance de rester toute la journée à la maison…
— Excuse moi, mais ce n’est pas une chance d’être en arrêt maladie pour dépression.
— La dépression ! Ce joli mal du siècle. Pour ma part cela fait quinze ans que je travaille dans la même société. Aujourd’hui je suis la première assistante du directeur et tout le monde m’adore. Il n’y a pas de mystère, si je n’étais pas là cette boîte aurait certainement déjà mis la clé sous la porte. Ce soir j’ai Zumba. J’y vais avec Zaza et Lilou et tu videras le lave vaisselle. Pour le déjeuner c’est dans le frigo: Les restes d’hier soir si tu veux. Par contre tu ne me laisses pas des miettes sur la table comme toujours. Tu sais très bien que je déteste ça. Et ne le prends pas mal, mais tu devrais te raser et quand est-ce que tu vas aller chez le coiffeur ? Tu as bientôt 40 ans et j’ai toujours l’impression d’être avec un ado attardé. Zaza, tu sais ma copine dont le mari est ingénieur, il l’emmène à Punta Cana, en république dominicaine pour Noël… ben c’est pas prêt de m’arriver ! Pourquoi tu ne fais pas un fongecif, ou les concours administratifs ? C’est bien fonctionnaire, tu as la sécurité de l’emploi et une bonne retraite et on peut emprunter pour acheter une maison. Enfin. Fais ce que tu veux. Comme toujours. À ce soir !
La porte claque.
Enfin seul.
Mes mains forment des poings. La jointure blanchit tellement je serre fort. Je rêve d’écrire mon roman depuis des mois, des années ? Un beau projet, une manière d’exorciser la sordide existence qui est la mienne.
Je me lève, regarde par la fenêtre. Il pleut encore. Alix était cool au début, un peu ronde physiquement, un peu psychorigide mentalement, mais au moins elle me foutait la paix.
Je vais dans la cuisine et je me sers un verre de vin, du blanc pas cher, qui défonce le crâne autant que les entrailles. Tous les grands auteurs boivent, alors moi aussi.
Je m’installe, pas très confortablement, sur le canapé Fly de notre petit salon. Dans 45 mètres carrés tout est petit, enfin il parait que je ne dois pas m’en plaindre, parce qu’il y a moins chanceux.
J’allume la télé, la Playstation et je lance une partie de Call of Duty.
« Un super jeu de guerre, dans lequel tu tues tout le monde » comme me l’a dit le branleur du magasin de jeux-vidéos au bout de la rue qui me l’a vendu. « Vous allez voir c’est génial, votre fils va adorer ! » Un fils ? mais j’ai pas de fils, pauvre con de geek. Ma carte de fidélité tamponnée, un petit bonhomme ressemblant vaguement à Mario qui fait le V de Victoire en souriant. J’étais rentré à mon domicile, puis j’avais méticuleusement rangé le jeu dans une autre boite pour éviter qu’Alix ne crise et ne me sermonne sur le fait que je dilapide n’importe comment notre argent.
Je m’évade un instant. Le temps passe. Je ne franchis même pas le premier niveau, ça m’énerve. J’arrête. Je retourne à l’ordinateur. J’ai le cafard. Une vraie bonne crise d’angoisse. Je sais les détecter maintenant. Mon verre est vide. Je me resserre d’abord. Je vais sur un site porno le temps d’une petite branlette décevante face à ces actrices factices. Je regarde mes mails, rien à part des spams, des publicités non désirées, mais qui désire vraiment la pub ? Mon verre est vide. Je me resserre, la bouteille est presque vide. Il faudra que je sorte pour la jeter sinon je vais me faire engueuler. Je vais inscrire ça sur ma to do list. Je consulte mon agenda: Demain, rendez-vous avec le psy. Je vais encore chialer en repensant à mon chef, à ma femme, à mon passé, à mon avenir, à cette vie absurde. Mais si je ne veux pas reprendre le boulot, c’est la moindre des choses.
«Un sourire carnassier déforme son visage». Elle n’est pas mal cette phrase quand même. Je fais des efforts. Allez cette fois je m’y mets.
Le téléphone fixe sonne. Numéro inconnu. Je ne réponds pas.
Avant de lancer Word, je vais sur Facebook, espionner la vie des autres. Copains. Collègues. Famille. A les voir ainsi se vanter, ils me révulsent parce que je les envie. Machin qui publie ses photos de Tahiti, l’autre a un concert ou dans tel restaurant huppé. Je suis las de ce monde à deux visages. Mon esprit divague:
« Il est des matins où l’angoisse étreint: Une sensation physique qui démarre dans le creux du ventre pour finir dans la gorge. Il est des matins où la nuit semble avoir duré des jours. Une nuit sans lune, noire comme les ténèbres qui recouvrent et aspirent. Il est des matins de tristesse incommensurable. Des larmes de sang perlent sur les joues. Il est des matins où le sol s’effondre à chaque pas. Il est des matins où l’on se demande pourquoi ? Aujourd’hui n’est pas plus redoutable qu’hier et demain est encore à façonner. Il est des matins sans espoir, il est des matins sans soirs. Il est des matins d’absence, des matins de conscience, des matins sans lendemains .»
En un instant les mots s’affichent à l’écran. J’ai envie d’envoyer le texte à Grand Corps Malade, il pourrait peut être en faire un slam ?
J’efface tout ça. Je me frotte les tempes et j’essaie, bien que pas mal éméché, de poursuivre l’écriture de mon oeuvre littéraire.
Louis est à l’étage: Scénario 1 Une bombe anatomique l’attend dans la chambre, 2 Un tueur sanguinaire, 3 Un Ipad qui contient toutes les données utiles pour l’enquête, 4 Une grande trace de sang au mur… genre Kadmon m’a tuer… Ces différents scénarios sont tous séduisants mais il manque un détonateur, du peps, un truc qui fait décoller le lecteur…
Conscient qu’une petite stimulation externe peut s’avérer nécessaire en pareil cas (ce n’est pas le coup de fil à un ami, mais celui qui ouvre les portes de la perception), je vais piocher dans la petite boîte en bois sur la deuxième étagère de la bibliothèque (Billy de chez Ikea) une bonne petite pincée de beuh que fume usuellement Alix avant nos rapports sexuels. (Dire qu’elle a besoin de ça pour baiser !)
Je prépare mon bédo et m’installe à la fenêtre en espérant que le vent ne rentre pas dans la pièce ce qui m’occasionnerait une sérieuse engueulade. Le mélange vin et herbe commence à faire son effet. Je me réinstalle sur le fauteuil en cuir du bureau (qu’on a eu en promo grâce au fournisseur de la société d’Alix) et je tente un exercice d’écriture automatique:
«Nous dirigeons-nous inconsciemment vers un Sims humain version Orwell ? Aujourd’hui insidieusement et parfois même à notre insu, nous nous substituons totalement à l’autre. Ce n’est plus un simple avis : « A ta place j’aurais fait ça » mais plutôt « Donne-moi le commandement de ton être que je te pilote. » A force de télé – réalité, d’abandon de responsabilités, d’infantilisation globalisée, nous n’avons plus conscience de notre propre existence, seul l’autre est vrai, vivant, tangible. Fantômes en quête de corps à occuper, nous « switchons » de l’un à l’autre jusqu’à expulsion ou rejet. Nous savons exactement ce qui est bon pour l’autre, ce qu’il doit dire, ce qu’il doit faire, où et comment il doit agir, sa seule marge de manœuvre est le seuil de notre intolérance, avise-toi de reprendre les rênes et tu seras bon pour le bannissement pur et simple. Et moi dans tout ça qui suis-je, que fais-je, où vais-je ?»
Le résultat n’est pas probant. J’efface. Je vais faire une sieste.
Je m’allonge sur le dessus de lit en prenant soin de ne pas trop le froisser. Je m’assoupis. Mauvais rêves. Plongée dans le maelström du passé. Vision vitriolesque de l’inaptitude à ne pas avoir confiance en moi. Stress. Oppression. Sentiment de lourdeur et peur du regard, de ce que peut penser l’autre (le pire ?). Interprétation. Fantasme inassouvi. Mais comment me placer ? Comment agir ? Comment me libérer pour forcer l’étau qui me contient. Désir de tout ce que je ne serai jamais. Plaire. Être adulé. Chimères de l’égo et de l’image. Mon univers est construit sur un si fragile édifice de verre. A tout moment tout va exploser, correspondre à ma vision cauchemardesque, à cet enfer qui revient encore et toujours annihiler mes tentatives, mes efforts en direction de la lumière, du bonheur, de l’harmonie. C’est si facile à dire, à formuler, mais les alternatives, dérision, cynisme, humour n’ont pas réussies à me guérir. Incurable.
Alors quoi ? être choyé, aimé, adulé, bercé, rassuré ? Mais je suis comme le scorpion, prêt à piquer la main tendue qui m’aidera, me sortira du puits sans fond dans lequel je vis depuis si longtemps.
Réveil brutal. Je suis désorienté. Alix rentre dans une heure ? Non, elle a Zumba, je suis sauvé. A l’extérieur la pluie ne cesse pas de tomber. Flip démentiel pour rien, en fait il n’est qu’onze heures du matin… En réalité mon mal et moi sommes d’authentiques amis, nous nous suffisons l’un à l’autre.
J’aperçois mon reflet dans le miroir de la chambre. Poils blancs dans la barbe et sentiment de lassitude. Réveil gueule de bois. Le poids des ans dans le corps et dans l’âme. Mais quelle est donc cette affliction si difficile à conjurer ? Oh mais c’est le syndrome du vieux con ! Les leçons de la vie apprises dans la chair sont sacrifiées à l’autel de la vanité. Amertume des efforts engagés sous les auspices de la sincérité et le monde qui tourne mieux quand chacun est à sa place. Mais comment l’être dans une partie de jeu vidéo en split-screen perdue d’avance ? Je tue Il comme dirait l’Autre, cet autre méprisé à longueur de mauvaise prose. Tolérante intolérance, complice des vautours qui se repaissent des faibles. Fatuité et sûreté de soi. A quand le tout pour le tout de la Vie en harmonie ? Ok, j’ai compris, encore un cri dans le désert… Alors promis, demain j’arrête.
moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi toi: Cherchez l’intrus.
Mon crâne est en ébullition: médicaments, drogue, alcool. J’ai faim. Je cherche une recette sur Internet, je refuse de manger les restes dégueulasses d’une pintade aux choux aqueuse et sans saveur. Celle-ci me plait:
Boeuf coco au curry Thai. Je note la liste des ingrédients sur une petite feuille de papier: 250 g de pulpe de noix de coco. Env. 600 ml de lait chaud. 400 g de boeuf maigre 1 oignon de taille moyenne en fines rondelles 1/2 c.c. de sel 1 c.s. de sambal oelek ? Qu’est ce que c’est que ce truc ??? (Le sambal oelek est une pâte de piment frais à laquelle il a été ajouté du sel et du vinaigre). On verra si j’arrive à trouver, sinon je le ferais maison. Le zeste râpé d’un citron non traité 1 c.s. de sauce de poisson (nuoc mam). 1 poivron rouge en lamelles 1 c.s. de feuilles de menthe poivrée hachées. 1 c.s. de coriandre. Mixer la pulpe de coco et le lait. Presser le mélange dans une passoire. Récupérer le liquide obtenu. Couper la viande en lanières de 5 cm de large. Porter a ébullition le lait de coco dans une casserole puis ajouter la viande, l’oignon, le sel, la pâte de sambal, le zeste de citron et la sauce de poisson. Couvrir a moitié et laisser mijoter a feu doux pendant 40 minutes tout en remuant régulièrement. Ajouter les lamelles de poivron et laisser cuire a découvert jusqu’à ce que la sauce soit évaporée. Parsemer le plat de feuilles de menthe et de coriandre. J’espère simplement ne pas salir la cuisine, sinon ça va barder pour mon matricule.
Je vais dans la salle de bain pour prendre une douche. Je me regarde dans le miroir, elle a raison. Ma barbe remonte, n’est pas égalisée, cela fait sale. On dirait un SDF. Avec mes pupilles dilatées et le blanc des yeux rouge en plus, il y a de quoi donner envie aux rombières de changer de trottoir.
«Un sourire carnassier déforme mon visage impassible ».
Bien sûr que je vais rester ainsi, une ombre au visage rongé par une mauvaise barbe et aux yeux fous.
Je suis ce que vous avez fait de moi.
Je m’habille sobrement: Un jean et un sweat shirt informe. Une paire de baskets fatiguée. Il fait froid, je mets mon cuir.
Dans le couloir sans lumière, j’attends l’ascenseur qui tarde à venir. Une voisine en sort. Elle est grasse. Laide. Ses yeux ne reflètent rien. Nous échangeons un bonjour de méfiance. Je sens qu’elle n’est pas rassurée en ma présence, que croit-elle ? Moi non plus je ne suis pas rassuré ! Respirer le même air qu’elle c’est m’exposer à la contamination de sa médiocrité. Enfin elle me laisse la place. L’ascenseur descend. Mes mains sont moites et mon cœur palpite. J’appréhende l’extérieur, le regard inquisiteur des uns, le dégoût des autres, l’indifférence de tous.
«Aujourd’hui est encore pour moi un jour de pré-fin du monde. Je crois que les hommes sont devenus fous (ne l’ont-ils pas toujours été ?). Ils passent leur temps à soutenir l’insoutenable, à se retrancher derrière le « c’est comme ça » pour justifier l’injustifiable, à refuser d’aimer pour dénigrer et s’enferrer toujours plus loin dans l’agressivité. À quoi bon s’entêter à croire que l’alternative est possible, que demain est un autre jour fait de rêve, de beau et de bon ? Que puis-je faire pour que le tout succède au rien, le jour à la nuit, la lumière aux ténèbres ? J’ai faim de vie et partout ça pue la charogne, les zombies du système haïssent toujours plus les libres penseurs. Ce que je ressens est de la pornographie pour ceux qui s’enorgueillissent du matérialisme et du consumérisme. Esclaves et bonimenteurs, moribonds et fuyards.»
Alix en bonne fidèle du prêt à penser ne s’est même pas demandée pourquoi j’avais appelé mon personnage principal Kadmon.
Je fais une rapide recherche sur le net avec mon téléphone portable, parce que même moi je ne sais plus pourquoi !
L’Adam kadmon est un terme cabalistique issu du symbolisme du Zohar, exprimant la conception anthropomorphique du royaume divin. Les sefirot, sont décrites symboliquement comme composant une immense forme d’apparence humaine: Les trois supérieures, Keter (Couronne), Hokhmah (Sagesse) et Binah (Intelligence) correspondent à la tête ; Hessed (Bonté) à la main droite, Din (Jugement) à la main gauche, Tiferet (Splendeur) est le corps ou le cœur, Netsah (Eternité) la jambe droite, Hod (Majesté) la gauche et Yessod (Fondement) l’organe mâle. L’élément féminin dans le royaume divin, Malkhout (Royauté) ou Chekhinah (Présence divine), est décrite comme un corps féminin parallèle.
Le concept d’Adam Kadmon correspond à l’interprétation mystique par la cabale de l’imago dei − la création de l’homme à la ressemblance de Dieu (Genèse, 1, 26). Ce symbolisme mystique est fondé sur l’interprétation anthropomorphique des versets du Cantique des cantiques 5, 10-16, où le « bien-aimé » est compris comme étant Dieu lui- même. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, le Cerf 1993
Le Cantique des cantiques ? J’ouvre une autre page, il s’agit de la traduction de la bible par André Chouraqui:
10. Mon amant transparent et rouge, éminent au-dessus des myriades,
11. Sa tête est d’or vermeil; ses boucles ondulent, noires comme le corbeau.
12. Ses yeux, telle des palombes sur des ruisseaux d’eaux,
baignent dans du lait, habitent en plénitude.
13. Ses joues, telles une terrasse d’aromates, sont des tours d’épices;
ses lèvres, des lotus, dégoulinent de myrrhe ruisselante.
14. Ses mains, des sphères d’or remplies d’émeraudes;
son ventre, un bloc d’ivoire évanoui dans des saphirs.
15. Ses jarrets, des colonnes d’albâtre fondées sur des socles de vermeil.
Sa vue comme le Lebanôn, il est élu comme les cèdres.
16. Son sein est douceurs, son tout désirable. Voilà mon amant,
voilà mon compagnon, filles de Ieroushalaîm.
J’arrive à Auchan heureux et déconfit, heureux parce que ce texte m’a empli de joie, même si je l’ai lu en diagonale, mais déconfit parce que je ne serai sans doute jamais capable d’en faire autant.
Je passe de rayon en rayon avec mon caddie. Le supermarché est comme le métro, un condensé d’humanité, toutes les couches et les strates de la population y sont rassemblées.
J’ai trouvé presque tous mes ingrédients, je vais pouvoir faire ma recette.
Je scanne les articles, les dépose dans mon petit sac en toile, remet le chariot à son emplacement et m’en retourne au nid, presque satisfait d’avoir survécu à cette terrible épreuve.
En marchant je repense à mon histoire personnelle. Tout a commencé un Lundi 26 Janvier à 17:05. C’est intéressant de le savoir parce que mes parents se sont toujours enorgueillis de ma naissance. (Que sont-ils devenus ? Je n’en sais rien, nous ne nous connaissons plus). Ni joie ni amour ni partage, juste le plaisir de se vanter de ce qu’ils représentaient alors, persuadés qu’on en a quelque chose à foutre. Ce n’est absolument pas le cas. Il n’y a pourtant aucune gloire à priver un enfant de sa légende personnelle. Attention, je ne prétends pas que ce soit la Vérité. Il s’agit d’un ressenti, d’un vécu. Éprouvé dans la chair et dans l’âme.
Comme dit le soufi: « La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve ».
Père absent et égocentrique. Mère castratrice, caractérielle. Les deux dotés d’un penchant prononcé pour l’alcoolisme dit mondain. Beaucoup de séparations, déménagements, cris, disputes, rancœur, pleurs, abandons, humiliations.
Maurice Dantec dans les racines du mal explique de façon romancée que la privation des racines génère des tueurs en série. Cela ne semble pas s’appliquer à moi. Pour l’instant.
Impression d’avoir été privé d’enfance. Sacrifiée à l’autel de l’hystérie et de la jalousie. Morts, drames, conflits. Si j’en suis là aujourd’hui, je le dois à moi même bien sûr, mais ils ont leur part de responsabilité. Je suis aujourd’hui seul.
Seul avec Alix, mon juge, jury et bourreau depuis notre rencontre.
Âgé de 20 ans je démarrai à peine dans la vie professionnelle et à cette époque j’étais un sacré aficionados des barathons (enchainement de plusieurs bars en une soirée) avec Olivier, Adrien, Benjamin et un autre mec dont je ne me rappelle plus le nom.
Notre QG d’alors, le Caméléon était une authentique taverne à poivrots. Les minets et surtout les minettes adoraient s’encanailler là bas.
Nous surnommions le barman Tom Cruise en hommage au film Cocktail, alors qu’il ressemblait plus au type du film la mouche après mutation. Complètement barré ! il kiffait au premier degré, persuadé de sa beauté et nous offrait un nombre incalculable de tournées.
A fond dans ma période métal, je me voyais roadie pour les plus grandes stars du genre et même si en semaine j’arborai le costume cravate de rigueur, (j’étais commercial en alternance dans une boite d’informatique), le week-end j’optais plutôt pour le futal en cuir moulax avec des santiags le perfecto et les poignets de force (la classe). Je portais le bouc et les cheveux longs ramenés en queue de cheval.
J’ai conservé quelques uns de mes superbes t-shirts à l’effigie de mes groupes favoris, Guns n’ Roses, Metallica, Nirvana etc. que je porte encore aujourd’hui… mais la plupart du temps pour dormir.
Ce soir là Benji nous lança un défi. « Celui qui reste bredouille ramène les autres en bagnole» avec tous les risques que cela comportait bien entendu.
Le défi me semblait pour une fois à ma portée. Soir de la saint Valentin, une bonne aubaine.
Mes potes plus en jambe que moi avaient rapidement jeté leur dévolu sur de la «pas trop farouche» sensible aux tatouages de Benji, tchatche d’Olive et compte en banque d’Adrien. Il ne restait plus que machin et moi à départager. Impossible de me souvenir de son prénom. Usuellement on l’affublait du qualificatif de «porte-manteau». Taiseux au possible, on a jamais trop compris pourquoi il traînait avec nous, mais tant qu’il raquait sa tournée, il était libre de nous accompagner.
Je ne me souviens pas de tout mais globalement mes potes galochaient ou se faisaient sucer dans les chiottes, tandis que je m’attaquai à un sacré morcif.
Ma proie participait à un enterrement de vie de jeune fille. Maquillée en Gene Simon de Kiss, la taille assez fine (à l’époque) l’air froide de «celle qui n’aime pas ça, mais du coup on voudrait bien lui faire goûter pour qu’elle comprenne que c’est bon», aux prises avec machin qui n’arrivait même pas à lui faire décrocher un sourire.
J’y suis allé aussi serein qu’on peut l’être après 15 bières et une bouteille de whisky. Sorti deux, trois conneries à l’oreille (des trucs humiliants sur mon pseudo pote) qui eurent le mérite de la dérider un peu. Puis je l’ai invitée sur la piste de danse. Le morceau idéal pour moi: Sweet Child O’ Mine des Guns. Exécutai ma célèbre imitation d’Axl Rose et embarquai la demoiselle pour un tour galant sur une banquette pas trop crade, un peu à l’écart au fond du bar, pas loin des toilettes, mais pas trop près non plus.
On a parlé de nos vies. De son désir de devenir secrétaire comptable et du nombre de lourds qu’elle avait rembarré ce soir là. Je l’écoutai la queue dure en me demandant à quel moment nous passerions enfin aux choses sérieuses.
Machin un peu vexé tenta de revenir vers nous. Affolée elle n’eut pas d’autre recours pour s’en débarrasser, que d’attraper mon visage et de le coller contre le sien pour un baiser fougueux. Fier comme un coq de basse court, je jetais un regard dédaigneux à l’autre baltringue de «Porte Manteau» du genre: « Tiens les clés de bagnole connard ! ». Battu, il rejoignit Guillaume sur la piste de danse et tous deux se mirent à rire, sans doute de moi. D’accord ce n’était pas la plus canon du bastringue, mais elle avait son charme quand même.
Royal au bar j’attaquais direct baby et bières. Coupe de champagne pour la demoiselle qui répondait au nom d’Alix.
La suite respecta un scénario on ne peut plus classique: Echanges de numéros de téléphones. Thune claquée à faire le beau. Perte naturelle de mes potes due au «maquage». Installation. Vie de couple. Emmerdements. Prises de tête et de poids, pour finir aujourd’hui avec une dépression. Logique ?
Le temps passe si vite. Un jour on se réveille dans un corps en décrépitude, tandis que l’esprit n’a pas évolué au même rythme. Syndrome de Peter «Michael Jackson» Pan, mais comment réussir à faire coïncider les deux horloges ? Aucune idée.
Je rentre et prépare mon gueuleton. De toute façon Alix est réfractaire à la nourriture étrangère. Elle ne veut pas essayer, ni même goûter. Je ne la prive donc de rien.
Ça sent bon. La pression descend. J’apprécie ce moment à sa juste mesure.
Louis Kadmon revient peupler mes pensées. Craint-il que je ne l’abandonne au profit d’un récit sur ma propre existence. Mais qu’aurai-je donc à dire sur moi d’intéressant ? «Bonjour je suis commercial, en arrêt maladie pour dépression, en couple avec un troll qui fait de la Zumba avec une tartine de Nutella dans la bouche !»
Autant c’est valable pour une émission de télévision de deuxième partie de soirée, mais à lire, il est probable que l’ennui prédomine.
J’attaque ma deuxième bouteille de vin. Surtout ne pas se laisser abattre ! mon repas à l’air exquis. J’ai vraiment l’impression qu’un poids s’exile de mon corps.
Mon téléphone sonne. Alix.
— Allo ?
— Ah non mais tu sais pas quoi ? ce gros con de Letendre, il a choisi Isabelle pour l’accompagner à Paris au salon de l’emballage ! Je vais te dire, je suis sûre qu’ils fricotent ensemble… fallait voir leurs regards complices et que je te complimente par ci et que je te serve la soupe par là. De toute façon elle m’a dit qu’avec son mari il y avait de l’eau dans le gaz et que leur voyage était un moyen de raviver la flamme dans leur couple. Pff, il a pris un crédit sur 36 mois pour le payer. Ils sont endettés jusqu’au cou. Non mais tu te rends comptes ? Qu’est-ce que tu manges ?
— Je me suis fait une recette.
— Ouais ben n’en fous pas partout.
— Tu vas pas à la Zumba alors ?
— Évidemment que j’y vais ! Je vais tirer cette affaire au clair et lui faire cracher le morceau.
Elle raccroche. Je n’ai plus faim. Mon plat est nickel, mais j’en jette les trois-quarts.. Ecoeuré. La charge est de nouveau revenue, au creux de mon ventre. Je me resserre un verre de vin.
Nous ne sommes pas un couple, mais l’association d’une frustration avec une plaie.
Je nettoie et range de mon mieux les ustensiles et je fais en sorte que la cuisine ne devienne pas un prétexte d’engueulade.
Pourquoi je ne réagis pas ? Pourquoi je ne quitte pas Alix, sorte d’extrapolation monstrueuse de ma mère ?
Je ne ressemble à rien. Je n’ai pas de situation, en tout cas plus vraiment depuis que j’ai décidé de profiter de ma dépression. Pas de vie sociale, mais elle non plus, c’est pour ça qu’elle est autant aigrie et rigide. Elle déteste le monde mais le monde la déteste et la rejette. A part les rebuts et les mecs bourrés personne ne pose un regard sur elle. Ce n’est pas une question binaire de beauté ou de laideur, c’est une question de charme, d’attitude, de dégager un «je ne sais quoi». Mal fagotée, elle n’a pas de goût et prétexte le manque de temps pour se laisser aller.
Bien sûr que nous pourrions être mieux acceptés par la société en faisant des sacrifices. Moi en renonçant au mal qui me ronge et en me conformant au système, Alix en travaillant son image. Elle est déjà hypocrite, il ne manque plus que le physique.
Je retourne à l’ordinateur, j’ai besoin de légèreté. J’opte pour le premier scénario.
Kadmon partiellement rassuré, fait le tour de l’étage, ne découvre rien de particulier, mais l’ensemble est trop immaculé pour être honnête. La seule pièce qui restait à vérifier était la chambre. Il fit ses prières ou quelque chose d’approchant, puis entra.
Louis croyait rêver. Sur le lit, une jeune femme nue l’attendait. Elle avait l’air douce, candide, mais déterminée. Le journaliste percevait dans ses yeux, l’origine du désir. Il se dit que s’il fallait mourir aujourd’hui autant que cela soit ainsi. Elle dépassait le cadre figé du physique ou de l’esprit. Absolument parfaite. Juste à son goût. L’incarnation sans fards de la beauté réelle hors des standards et des stéréotypes, telle qu’il l’avait imaginée, sans jamais l’avoir rencontrée. Faite pour lui, comme lui était fait pour elle, cela ne faisait aucun doute.
Elle s’approcha de Louis, le guida vers elle, ses cuisses s’ouvrirent délicatement. Il accepta sa demande. Kadmon ensorcelé, la dévora à pleine bouche. Sa main caressa ses cheveux puis il serra un peu plus fort, elle rejeta sa tête en arrière, lui offrit son cou qu’il baisa tendrement. Il glissa un doigt puis deux à l’intérieur de son puits d’amour. Elle gémit de plaisir. Louis s’allongea, se déshabilla, elle l’aida. Il embrassa toutes les parties de son corps, introduisit sa langue en elle, lui pinça délicatement les tétons. Totalement à l’écoute de cette si belle femme, il s’efforça d’être le plus tendre et ferme possible, de comprendre ses soupirs, ses gestes, ses regards. La mystérieuse inconnue l’attira dans sa bouche. Louis manqua de défaillir. A genoux, il la pénétra d’un coup et s’enfonça de plus en plus loin, de plus en plus profondément, lentement, puis rapidement, elle hurla de plaisir. Louis la repris par les hanches et accéléra son mouvement, l’issue était proche mais il s’arrêta. Il reprit le rythme, frénétiquement, varièrent les positions, les caresses. Ils jouirent intensément à l’unisson. Louis s’allongea sur le dos, ferma les yeux.
Je dois avouer que la scène de la chambre m’a beaucoup stimulé. Il ne faut pas que je sois timide dans mon écriture. Kadmon doit être capable de tout ce que je ne suis pas.
La bouteille de vin est vide. Je suis à la fenêtre avec une cigarette. Je ressens le manque, le vide, mais comment font les autres ?
À quel moment de ma vie tout à basculé ? Mon chef me harcelait mais sans doute autant qu’un autre. Je n’ai jamais été un foudre de guerre, mes résultats ont toujours oscillé entre le médiocre et le presque bon, trop limite dans une activité commerciale, même si j’ai, d’après les tests, des capacités hors du commun. Mais je m’emmerde tellement, ce n’est pas mon rêve ni ma vie, je suis totalement et définitivement à contre emploi et puis je déteste forcer la main, les gens doivent être libres de leurs choix bien qu’ils soient de plus en plus cons et vindicatifs.
En ce sens, Eloïm est un personnage fascinant. Son parcours est celui d’un Rastignac des temps modernes. Sans scrupules, précis, manipulateur, doté d’un formidable aplomb. Des personnalités réelles comme David Koresh de la secte des Davidiens, Christophe Rocancourt, Mesrine, Jim Jones du temple solaire m’inspirent. J’ai une réelle fascination pour ces êtres supra humains. Des ordures certes, mais au combien intéressants. Patrick Bateman l’anti héros psychopathe d’American Psycho m’influence aussi, il incarnerait un formidable gourou. J’aimerais parfois avoir leur force de caractère et de conviction.
Eloïm se présente face à la caméra. Ses yeux bleus embués transpercent l’objectif. Il ne déclame pas son texte, il l’incarne:
«Bonsoir. C’est avec une profonde peine que je dois vous faire part d’une terrible information.Vous le savez sans doute déjà, mais la communauté Bereshit: Au commencement, a vécue au cours de la nuit dernière une véritable tragédie.
Nous devons malheureusement déplorer la disparition de 1253 fidèles et prier pour les 65 blessés qui luttent avec force et courage pour préserver leur flamme de vie.
Nous sommes tous mobilisés, ici en France mais également dans le monde entier pour aider celles et ceux qui souffrent dans leur chair et dans leur âme.
Amis, famille, proches, les portes des centres de la communauté Bereshit vous sont grandes ouvertes 24/24 7/7 en France, au Japon, aux États-Unis, au Canada, en Thaïlande et en Colombie.
À tous les fidèles, j’adresse un message de paix et d’amour.
Sachez aussi que l’enquête se poursuit.
Nous espérons que toute la lumière sera faite le plus rapidement possible sur les causes de cette catastrophe sans précédents.
Merci à tous et à toutes pour vos témoignages d’amitié et de soutien.
Ne vivez pas dans l’affliction car la mort, c’est le commencement de quelque chose.»
— Coupez ! Equipe 2: C’est dans la boîte, prêt à diffuser ! Merci monsieur, une intervention fantastique qui va galvaniser les fidèles.
Eloïm approuve d’un signe de tête le technicien plateau et retourne sans un mot dans sa loge pour le démaquillage.
Il se regarde dans le miroir, s’admire, se félicite intérieurement de sa prestation, mais il ne laissait rien transparaître. Montrer ses émotions c’était s’exposer et il ne voulait prendre aucun risque.
Faire sauter le château n’était que la première étape. Avec les fonds hérités, il ambitionnait de faire franchir à Bereshit un nouveau cap. Il s’agissait maintenant de pérenniser l’oeuvre. Kadmon représentait la deuxième étape.
— Vespale ?
— Oui monsieur ?
— Alors ?
— Comme vous le verrez sur l’enregistrement, je me suis donnée avec dévotion et passion. Je lui ai également transmis le papier comme vous me l’avez demandé.
— Je n’en doute pas Vespale.
— Est-ce moi qui poursuivrai les opérations ?
— Tu le sauras en temps voulu. Pars m’attendre dans la IV, je t’ai prêtée ce jour, mais n’oublie jamais que tu m’appartiens, corps et âme !
— Oui monsieur.
Eloïm se connecte au réseau local via son Mac Book Air et télécharge le flux vidéo de la caméra VII. Il regarde leurs ébats, fasciné.
-— J’ai faim, la table est mise j’espère ? Je prends ma douche. Allez au boulot, mon roi des fourneaux !
Putain, j’ai perdu le fil. Ca me gonfle, je sentais bien cette séquence. Génétique, c’est gé-né-tique. Je ne vois pas d’autre explication pour réussir à systématiquement me casser les couilles au moment le plus important. Elle ne pourrait pas arriver, discrètement, aimablement, je sais pas, un truc du genre sitcom, « chéri, tu m’as tellement manqué » avec un bisou et un moins gros cul… De toute façon, il faut que j’aille à la cuisine… j’ai un truc à faire… Merde ça me revient, les bouteilles !
Alix fredonne un air basique, celui qu’on entend en boucle un million de fois par jour à la radio. Elle est persuadé de savoir aussi bien chanter que les stars de la téléréalité. Son rêve secret serait d’ailleurs d’y participer. Faut pas que je m’acharne mais on dirait plus le cri du baleineau en train d’appeler sa mère que Rihanna.
Je fonce dans la cuisine, dissimule les deux bouteilles sous mon sweat (de l’extérieur ça peut paraitre inutile mais sur l’instant c’est toujours la meilleure idée), je ne vois qu’une place, sous le bureau, derrière la boite de documents administratifs. Cachette de fortune soit, mais pour l’instant suffisante.
Je mets la table à l’arrache, comme un enfant en faute, j’attends l’éventuelle sanction, qui miraculeusement n’arrive pas.
— Y a quoi à manger ?
— Les restes de pintade, sinon du riz ?
— J’ai été hyper forte à la Zumba. Le prof m’a même complimentée ! Je vais prendre du riz mais tu vas me faire rissoler des lardons et tu ajouteras de la crème fraîche. J’ai besoin de reprendre des forces. Au fait, nous sommes invités mardi soir à diner chez Zaza et Jean-Paul.
— (Incrédulité totale, trémolos dans la voix) Mais je croyais que tu ne lui parlais plus ?
Elle me regarde comme si j’avais sorti la pire des insanité.
— Je me suis un peu emportée, mais finalement le salon devrait se dérouler au même moment que son voyage en République Dominicaine. Elle m’a dit qu’elle a vu avec Letendre, qui aurait dit que bien évidemment si elle n’est pas là ce serait moi qui l’accompagnerais.
— Tu es sûre qu’elle a dit ça ?
— Ne t’en mêle pas ! Zaza est plus que mon amie et ne mentirait pas là dessus. Je compte sur toi pour être présentable. Ne me fait pas honte.
NON, le putain de traquenard !
— C’est prêt ?
Je mélange la crème fraîche avec les lardons, je sers à la vachette la bombe calorique qui compensera les 30 grammes qu’elle a perdu au sport. Elle dévore son auge.
— J’ai encore réussi à tirer la boîte d’un mauvais pas aujourd’hui. Une petite stagiaire un peu trop dilettante. Je l’ai pistée et surprise en train de glander au lieu de faire les photocopies. Je peux te dire que j’ai immédiatement prévenue Véronique des RH qui l’a virée manu militari !
Pauvre gamine, ça devait être un sacré canon pour subir ce traitement digne de la pire période de l’humanité. Alix me débectait de plus en plus.
— Alors tu as fait quoi aujourd’hui ?
Calme, zen, go:
— J’ai fait comme tu m’as dit, j’ai regardé pour des formations, dans l’informatique c’est très porteur.
Elle relève la tête de son assiette, de la crème au coin de la bouche, m’observe attentivement pour être sûre que je ne me moque pas d’elle. Je fais tout pour rester sérieux.
— Et bien écoute, tu me fais très plaisir, je sens que tu vas très vite sortir de la spirale négative dans laquelle tu t’es plongée. Voilà une bonne nouvelle. Tiens, pour te récompenser de tes efforts, ce soir nous aurons notre petit moment tendre…
Mais non, mais l’enfer total ! Le dîner chez les connards et l’autre qui veut un coït. Pendant ce temps là mon roman, il va s’écrire tout seul ? Avec tout ce que j’ai bu et fumé, je vais jamais réussir à bander en plus.
Alix se lève de table tout guillerette.
-— Chéri, je n’ai presque plus d’herbe il faudra en redemander à ton pote.
Elle n’a même pas remarqué mon petit prélèvement ? Je crains le pire…
Alix s’enferme dans la salle de bain, tandis que je débarrasse la table, las de cette existence.
Je prends une cigarette, ouvre la fenêtre du salon. Il disait quoi déjà Epictete ?
«Donc, rappelle-toi que si tu tiens pour libre ce qui est naturellement esclave et pour un bien propre ce qui t’est étranger, tu vivras contrarié, chagriné, tourmenté ; tu en voudras aux hommes comme aux dieux ; mais si tu ne juges tien que ce qui l’est vraiment – et tout le reste étranger, jamais personne ne saura te contraindre ni te barrer la route ; tu ne t’en prendras à personne, n’accuseras personne, ne feras jamais rien contre ton gré, personne ne pourra te faire de mal et tu n’auras pas d’ennemi puisqu’on ne t’obligera jamais à rien qui pour toi soit mauvais.»
On ne peut pas dire que cela soit très utile en pareilles circonstances.
Assis sur le lit, les yeux mi clos et la bouche crispée, ses jambes tremblaient nerveusement et ses mains moites, caressaient ses tempes, l’arrête de son nez, frappaient ses cuisses, comme pour se maintenir éveillé. Kadmon doutait de plus en plus de sa santé mentale. N’était-il pas victime d’une hallucination ou d’un rêve éveillé ? Rien n’avait de sens… d’abord une jeune fille nue l’attendait sur un lit… ils avaient fait l’amour… Il ne s’expliquait évidemment pas ni comment ni où elle était partie. Une femme nue ça ne courrait pas les rues, même dans un domaine appartenant à une secte. Il aurait bien aimé recevoir un sms d’indice pour l’éclairer sur cette étrange affaire, malheureusement le smartphone restait désespérément muet. Finalement, après un laps de temps suffisamment long à son goût, il remit en cause son raisonnement sur l’élucidation des énigmes et constata dépité, son inaptitude à saisir l’irrationnel. Il essayait tant bien que mal de se remémorer la chronologie des derniers événements. Après s’être éclipsé à peine cinq minutes pour se rendre dans la salle de bain afin de prendre une douche bien méritée (comme à l’hôtel, savon shampooing et serviettes propres à disposition semblait l’attendre), il était revenu dans la chambre décidé à faire parler l’inconnue, elle avait donné son corps, maintenant il voulait sa voix, mais elle n’était plus là. Volatilisée, sans un mot, sans un bruit, n’avait laissé aucune trace de son passage. «Je fais un burn out», pensa-t-il, d’autant plus épuisé qu’il avait passé l’heure d’après à chercher dans les murs un mécanisme, un dispositif, quelque chose qui aurait pu permettre à la fille fantôme de s’échapper.
« Que faire ? », Louis sombrait dans le désarroi le plus total. Comme un prestidigitateur qui voudrait faire réapparaître le lapin, il secoua les draps froissés, un morceau de papier vola, puis s’échoua près de son pied droit, sur le parquet flottant. Il le ramassa. Le déplia. Lu le texte manuscrit inscrit dessus. Une date, une heure, un lieu. Son cerveau gorgé d’adrénaline et rassuré se remit en branle: « Sans doute ne pouvait-elle pas parler Trop risqué. Elle avait dû profiter de mon absence pour griffonner ce message. Peut être est-elle prête à m’en dire plus, mais dans un lieu neutre en dehors de la communauté ? Eloïm l’avait sans doute chargée d’une mission, me séduire, ou pire encore mais elle avait succombé à mon charme… pourvu qu’il ne lui arrive rien. » Louis ne cherchait pas les complications, se contentait pour l’heure de cette explication oiseuse et abracadabrantesque mais qui avait le mérite de regonfler son égo torturé. En réalité, il exultait littéralement de joie, non seulement il n’allait pas finir à Sainte-Anne mais en plus il avait trouvé la femme de sa vie. Il ne lui restait plus qu’à l’arracher des griffes de Bereshit… détail d’importance soit dit en passant !
Louis sort aussi discrètement que possible. Il venait d’entendre des échanges de voix à proximité de la maison et la dernière chose dont il avait envie était de devoir se justifier auprès de flics ou pire de collègues. La pluie avait enfin cessée, il inspecte les alentours. La voie est libre. Il reprend son chemin initial vers l’entrée du domaine, en essayant d’arborer une mine concentrée et concernée, qu’on ne le dérange pas.
Des centaines de personnes étaient morte et lui ne pensait trivialement qu’à remettre un coup de bite à la délicieuse inconnue de la maison VII, mais comme le disait si bien André Comte-Sponville « Nous n’avons besoin de morale que faute d’amour. »
Une vibration dans la poche, ce n’était pas son sexe, mais le téléphone. Thomassin le félicitait pour son article. Kadmon s’arrête net, ses pensées positives se figent également. « De quoi il me félicite, ce con ?»
Le texte défila alors sous ses yeux: «Je demande pardon à la communauté Bereshit, par Louis Kadmon.
Un journaliste, déontologiquement, s’engage à être objectif et impartial, à toujours faire jaillir la vérité et à ne jamais dissimuler d’informations.
Pendant plusieurs années je me suis totalement fourvoyé dans la pire des directions, peut être par jalousie ou par méconnaissance.
J’ai écrit des mots très durs à l’encontre de la communauté Bereshit et de son fondateur, la comparant notamment à une secte ou à une organisation mafieuse. J’ai été condamné de nombreuses fois pour cela, mais malgré tout je m’enferrais dans la haine et je continuais à répandre mon fiel par voie de presse interposée.
Peut être avais-je inconsciemment besoin de la communauté pour m’épanouir ? Ma vie sombrait alors dans le désarroi le plus complet. Mon divorce, mes soucis financiers (ma fraude fiscale) tout cela me minait terriblement et aurait pu se conclure par un suicide.
Lorsque je me suis rendu sur les lieux du drame à la demande de Christophe Tomassin, rédacteur en chef de Nouvelles du monde, j’ai pris conscience de mon erreur.
Face à cet océan de douleur causé par un malencontreux dysfonctionnement électrique je n’ai constaté de la part des fidèles qu’amour, compassion et dévouement. Ni endoctrinement, ni sectarisme.
Toutes mes pensées vont aux victimes de cet effroyable accident. Je demande pardon à Eloïm, ainsi qu’aux membres de sa communauté pour tout le mal que j’ai pu causer et aujourd’hui je demande pardon.»
Thomassin devait être complice de cette mascarade. « A quoi bon se battre contre des moulins ? » Kadmon était pris dans la nasse. Rien ne semblait tangible. L’étau se resserrait inéluctablement sur lui. Il tentait vainement de rationaliser: Admettons qu’Eloïm veuille se venger de lui, soit, mais pourquoi maintenant ? Personne ne lui accordait plus de crédit. Il ne représentait plus une menace à proprement parler, mais il avait tout de même la profonde conviction que l’explosion n’était pas accidentelle et que d’une manière ou d’une autre, cela ne lui aurait pas échappé. Tôt ou tard, il aurait forcément enquêté, serait retourné au front. Eloïm aurait donc orchestré son retour ? « Il joue avec moi comme le chat avec une souris depuis notre première confrontation, mais maintenant qu’il a franchi la ligne jaune, il veut m’avoir au plus prêt de lui, surveiller mes actes, me discréditer définitivement. »
Le domaine faisait penser à une ville fantôme, déserté, vide, abandonné, mais pour un temps seulement à n’en pas douter, car une fois les traces de morts évacuées des mémoires, l’endoctrinement et le business reprendrait ici à plein régime. Louis ne pouvait s’empêcher d’être malgré tout subjugué. Des années passées à diaboliser ce lieu, à faire des recoupements, des supputations, pour en définitive s’y sentir bien, serein, libre, à l’abri de la haine de l’extérieur… s’il n’était pas si seul et perdu, à la merci d’ennemis invisibles.
Quant à la mystérieuse inconnue, c’était folie que de lui faire confiance, mais pourtant au fond de lui, un doute subsistait… peut être n’était-elle que la victime instrumentalisée d’un sociopathe pervers ?
«Quoi qu’il en soit, le gourou a de la chance d’être tombé sur un con naïf comme moi pour némésis.»
Le journaliste se remémora la première conférence publique d’Eloïm, c’était en province. Kadmon alors stagiaire pour un quotidien aujourd’hui disparu, couvrait une banale affaire de fraude à la sécu, il avait trouvé par hasard un tract sous l’essuie glace de sa 205 GTI. Intrigué par le sujet, «Faire briller l’Homme solaire qui est en vous», le futur journaliste s’était rendu dans la petite salle mise à disposition par la municipalité au futur leader de l’association «Bereshit: Au commencement» et assisté au road show destiné à rameuter de nouveaux fidèles.
A l’époque, jeune esprit en fleur, ni connu ni influent, Eloïm s’était rodé dans son activité de leader spirituel avec un discours pour le moins ésotérique:
« Le jour où tout a changé s’est déroulé ainsi. Je me promenais sans but, désœuvrée et fâché avec la vie, le long d’une plage de sable blanc. Il faisait un temps extraordinaire, la mer était bleue turquoise et d’un calme absolu, je m’en souviens si clairement. Comme si c’était hier. J’étais nu. Seul. Le soleil irriguait ma peau et nourrissait d’une merveilleuse énergie cosmique mes membres alors faiblement développés.
Pourtant je n’étais pas heureux, il me manquait quelque chose, j’avais beau avoir beaucoup, il me fallait toujours plus. Et là, d’un coup, Il m’est apparu, comme surgit de nulle part. Beau. Fort. Souriant. Sûr de lui. Je sentais la présence rassurante que seule peut apporter, un être de lumière.
Il s’est approché de moi et m’a dit d’un ton clair et posé : « Fils, tu es là aujourd’hui pour une seule et unique raison. » Je restais interloqué. Attentif. Il reprit : « Tu vas recevoir mon enseignement et ce que tu vas découvrir tu devras à ton retour le transmettre et le partager. Mais uniquement avec des élus. Des être méritants choisis et reconnus comme tels. Ils devront passer les épreuves et se montrer dignes.»
Le gourou en herbe avait au fur et à mesure affiné sa stratégie. Les sectes millénaristes ou trop empreintes de bondieuseries affolaient les médias. Le créneau était bon, pas de doute là dessus, mais l’époque ne réclamait plus de religiosité, alors il s’attacha à «soigner» l’égo de ses ouailles plutôt que leurs âmes. Son idée pure et simple: Les beaux attirent les beaux, les riches attirent les riches. Il suffisait d’entretenir leur amour propre, leur propension à l’égotisme pour les contrôler. Mais en premier lieu il fallait travailler le discours, le rendre efficace, imparable.
Au cours de ses innombrables investigations, Kadmon avait réussi à dégoter dans une poubelle, à l’issue d’une réunion publique, une note manuscrite rédigée par Eloïm. Mehdi Trabelsi de son vrai nom. Des bribes de phrases tirées du prologue du roman l’Alchimiste de Paulo Coelho:
« L’Alchimiste connaissait la légende de Narcisse, ce beau jeune homme qui allait tous les jours contempler sa propre beauté dans l’eau du lac. Il était si fasciné par son image qu’un jour il tomba dans le lac et s’y noya. À l’endroit où il était tombé, naquit une fleur qui fut appelée narcisse. Pourquoi pleures-tu ? demandèrent les Oréades. Je pleure pour Narcisse, mais je ne m’étais jamais aperçu que Narcisse était beau. Je pleure pour Narcisse parce que, chaque fois qu’il se penchait sur mes rives, je pouvais voir, au fond de ses yeux, le reflet de ma propre beauté. «Voilà une bien belle histoire», dit l’Alchimiste. »
Le reflet de leur propre narcissisme, voilà ce que les adeptes de Bereshit recherchaient fondamentalement et Mehdi leur procurait de quoi satisfaire leur vice en toute impunité…
Une évidence sauta alors, comme un eurêka grec, à l’esprit de Kadmon: Aucun média n’avait jamais dévoilé la véritable identité d’Eloïm !
Il semblait encore aujourd’hui être le seul journaliste à s’être réellement intéressé au leader de la «communauté» des nantis. A avoir investigué son passé. Ses origines.
Lui seul l’avait suivi depuis le début. Lui seul avait vécu au plus près l’ascension du gourou et pourtant malgré tous les ennuis que la secte lui avaient causés, Kadmon n’avait jamais rien publié hors du cadre légal, pas même sur Internet.
Il s’était simplement résigné, persuadé que cela ne l’aurait mené à rien de bon, s’était contenté de stocker des tonnes d’informations pour lui ou pour un ouvrage futur, compilé le tout dans un carnet moleskine qu’il planquait derrière un tableau dans le salon de son appartement, une piètre précaution d’usage, juste au cas où la communauté aurait voulu mettre la main dessus.
Cela étant, sa vie n’avait jamais été menacée directement. Jusqu’à présent.
— Chéri, je suis prête !
Fait chier. Je n’ai rien écrit. J’espère que je me rappellerai de tout. Je ferme la fenêtre de la cuisine, traine les pieds comme un condamné à l’échafaud jusqu’à la chambre. « Une chute sans fin dans une nuit sans fond, Voilà l’enfer. » disait Victor Hugo.
Oh mon dieu ! Le spectacle est infernal… Alix porte un bustier rose pétard qui laisse apparaitre la moitié de ses seins. Ses grosses cuisses celluliteuses sont comprimées dans des bas résilles, qui menacent d’exploser, rattachés à un porte-jarretelles rouge sang. Son absence de culotte révèle une épilation totale de son intimité. Elle porte également des talons aiguilles ce qui ne semble pas illogique au regard du reste de l’accoutrement.
— Alors mon gros dégueulasse… Je t’excite hein… Regarde ! j’ai pris quelques accessoires. Tu peux faire ce que tu veux de moi. Je suis ta chose…
Sur la table de nuit: Un Sex Toy. De l’huile de massage. Un bandeau. Des menottes… Miracle… j’ai une idée. Je me concentre sur la scène de sexe décrite dans mon bouquin pour me donner du coeur à l’ouvrage. Je ferme les yeux. J’embrasse ma compagne à pleine bouche. Palpe son corps mou et gras. J’arrive à avoir une érection (réflexe ?), elle le sent et se trémousse un peu plus. J’exerce une légère pression de mes mains sur ses épaules afin qu’elle se baisse au niveau de ma braguette et qu’elle me prodigue une fellation. Alix comprend mon message et s’exécute. Je lui passe le bandeau sur les yeux. Elle ne voit plus rien. Je l’installe à quatre pattes sur le lit, enduis le godemichet d’huile de massage. Je m’assois à côté d’elle et lui enfourne mécaniquement le jouet dans son vagin. Je baille sans faire de bruit. Elle hurle de plaisir. J’accélère le rythme de mes va et vient pour la pousser au paroxysme. Je sens qu’elle va jouir, de mon autre main je me masturbe. Elle est presque au bout. J’enlève le gode et j’arrive pile au bon moment pour éjaculer en elle. Mission accomplie. Alix halète. Je lui retire le bandeau.
— Tu m’as jamais aussi bien baisée mon salaud. Elle te plait ma chatte comme ça ? j’en étais sûre. Tu sais quoi, j’ai une idée: Si tu es bien sage pendant le diner des Leroy et que tu es assez large d’esprit pour tolérer une situation un peu particulière… tu seras récompensé: Nous irons samedi soir dans un club libertin dont on m’a dit beaucoup de bien. Crois moi tu vas adorer…
Je suis interloqué.
— Tu parles de ce genre de chose avec des gens ?
— Evidemment, le sujet est très à la mode et je suis une fille hyper ouverte, beaucoup plus que tu ne le crois. D’ailleurs, à ce sujet, je te réserve une petite surprise. En tout cas on peut parler de tout avec moi. On dirait que tu le découvres !
— Non, non, ça ne m’étonne pas du tout…
J’espère que mon ton était convaincant. Pas de réaction. Ca semble bon.
Alix se couche rassasiée. S’endort. Ronfle. Je suis allongé de mon côté. Mes yeux ne se ferment pas. J’attends qu’elle soit profondément endormie pour retourner dans le salon, avancer l’écriture de mon roman.
Qui entend bien, comprend bien… Mais qui discerne le sens caché derrière les mots est en mesure de découvrir les pensées secrète de son auteur, parfois au dépend même de celui-ci.
Tant pis, je prends le risque de mettre mon esprit à nu, de toute façon l’important est le chemin pas l’arrivée. Je me suis engagé dans une voie, j’espère ainsi me (re)trouver, avoir la force de vivre librement en âme et conscience, sans stress ni pression. Apprécier chaque moment sans crainte ni retenue. Transcender le « Je suis comme je suis et c’est ainsi ».
Mais « qui » est le con à l’origine de cette phrase stupide, sclérosée et malheureusement communément acceptée ?
Tout instant de la vie doit me permettre d’être différent des déterminismes sociaux, familiaux, éducatifs. Il me suffit d’agir conformément à ce que je veux et non pas tel qu’on me l’a inculqué. Quel bonheur, j’imagine, d’arriver à transcender sa simple condition. Devenir non pas une autre personne mais réellement soi. Je suis comme je suis ? Je suis ce que je veux être. Je suis tout simplement.
« Alors laisse-toi aller, laisse couler tes larmes. Il n’y a pas de honte à avoir, cela restera entre nous. Tu n’as pas à faire semblant d’être fort, la vie n’impose pas ce combat. C’est l’homme qui veut qu’il en soit ainsi, mais toi qui est abattu, craque. Les sanglots et les cris font partie de l’existence depuis l’origine, alors va au bout de ta peine. Exprime ta détresse, ne refoule rien au contraire. Les autres sont des lâches, ceux qui te plaignent ou te méprisent. Tu seras libre quand ton cœur sera vidé de la tristesse comprimée, refoulée et eux resteront secs incapables de ressentir. »
Mais est-ce vraiment possible d’agir selon sa propre volonté ici-bas, alors que depuis l’origine de l’humanité tout a été mis en place pour que cela n’arrive pas ?
Nos grands penseurs, en particulier ceux que nous abreuvons de louanges, ont été le plus souvent conspués, haïs, massacrés pour avoir tenté de nous libérer de ce joug grégaire, animal.
Comment tendre honnêtement et consciemment vers cet objectif ?
Ce que nous considérons comme des sentiments nobles comme l’amour ou l’amitié ne sont le plus souvent que des chaines invisibles destinées à enfermer l’autre dans un rôle déterminé et que par réciprocité, ils nous assignent également, mais dont aucun ne doit se départir sous peine de manquer à cet hypocrite engagement.
Avoir la faculté de percevoir cela n’est qu’une étape infinitésimale sur une route pleine de drames, de morts, de frustrations, d’espoir, d’envie, de désirs, de joies, de peines…
De toute façon cela vaut la peine d’être vécu… sinon je dois retourner au plus vite à la poussière céleste d’où je suis issu.
« Tu sais ce que je veux, alors fais en sorte que… » Malgré mes pensées digressives j’arrive à reprendre le fil de mon récit…
Lundi 23h00. Louis entre dans le café. Celui qui fait l’angle. Juste à côté de l’hôpital. C’était là que l’inconnue de la chambre VII lui avait fixé cet étrange rendez-vous. Il angoissait depuis quelques jours, prêt à subir le pire, si c’était ainsi que cela devait finir. Glauque… Autant dehors que dedans… Le froid lui glaçait les os et ce n’était pas le minable petit brasero qu’il apercevait au fond du bastringue qui allait atténuer cette sensation. La torpeur parisienne lui collait, si c’était possible, un peu plus le bourdon. Il se sentait las et fatigué. La lumière tamisée du lieu éprouvait ses yeux rougis.
Il s’installe dans une sorte de box près du chauffage. Le café était presque vide. Deux tables occupées. L’une par un petit couple de jeunes qui se pelotonnaient sur la banquette à l’arrière, l’autre à l’opposé près de la fenêtre par un homme seul, barbe de trois jours, lunettes de vue, qui tripotait nerveusement son téléphone portable, buvait sa bière à grandes gorgées, tirait la gueule, l’air triste et désabusé. Avec le Barman moustachu à tête de facho et le serveur «titi parisien», ils étaient six à peupler le «Balto».
Trois jours s’étaient écoulés depuis son retour du château Bereshit. Dans sa boîte aux lettres, un chèque de «Nouvelles du Monde» l’attendait ainsi que plusieurs factures pour une fois honorées à temps. Son appartement ne semblait pas avoir été visité durant son absence.
Il éprouvait une sensation étrange à l’idée de retrouver la mystérieuse apparition de la chambre VII. Louis pensait si souvent à leur étreinte… une émotion l’étreint en la voyant pousser la porte du bar. Sans hésiter ni un regard pour les autres clients, elle vient s’asseoir en face de lui… Magnifique. Ses cheveux châtains clair, son manteau trois quart avec un col en fourrure qui lui va à ravir.
— Bonsoir Louis.
— Bonsoir …
— Natasha.
— Bonsoir, Natasha …
Elle est encore plus belle que dans mes souvenirs.
— Louis, je prends des risques en venant te parler mais il le faut. Natasha se saisit de sa main. Le serveur arrive aimable (sic).
— Vous voulez quoi ?
— Je ne sais pas, un thé ?
— Citron, darjeeling, vert, jasmin.
— Jasmin.
— Monsieur ?
— Un verre de vin blanc s’il vous plait.
— Sec, moelleux ?
— Sec !
— Chardonnay ? Bourgogne aligoté ?
— Chardonnay
— Ca marche. 11, 50. J’encaisse maintenant !
Kadmon tend au garçon un billet de 20 euros, empoche la monnaie, laisse une pièce de 1 euros en évidence sur la table qu’il comptait bien récupérer lors de leur départ du bar. « Le prix du sourire connard ».
— Louis… Ecoute-moi attentivement. Je te présente mes excuses… Je suis partie sans prévenir. Je n’avais pas le choix, mais je savais que je pouvais compter sur ta perspicacité pour me retrouver. Ce n’est pas facile à dire, mais sois très prudent. Jusqu’à présent tu as été préservé. Tu dois t’en douter, la communauté aurait pu t’anéantir, t’éliminer et certains en ont exprimé clairement l’envie, mais il se trouve qu’Eloïm éprouve une sorte d’affection pour toi…
— Je suis touché !
— Ce n’est pas une plaisanterie. Au départ tu n’étais qu’une mission.
— Ah…
— Mais tu es différent des autres ! Avec toi il s’est passé quelque chose d’indéfinissable, que je ressens profondément, une connexion intime peut être ?
Je devrais être sur mes gardes, me dire qu’elle sert ce baratin à tous les hommes perdus croisés sur son chemin et pourtant je me laisse embarquer.
Qu’ai-je à perdre ? Il est toujours plus facile de sacrifier sa solitude lorsqu’elle pèse, que sa compagnie lorsqu’elle est appréciée.
— Moi aussi Natasha j’éprouve ce sentiment… depuis notre rencontre je n’arrête pas de penser à toi… tu occupes mon quotidien, de jour comme de nuit, rien d’autre n’a d’importance… le monde est fade sans toi.
— C’est pour cela Louis que tu dois être vigilant… tu ne gagneras rien à t’attaquer à la communauté Bereshit. Au mieux tu survivras chichement au pire… je me refuse d’y penser.
Etait-ce une menace, un avertissement, l’expression de ses sentiments sincères. Ai-je le pouvoir de les détruire ? S’ils n’avaient pas peur de moi, ils ne prendraient pas le soin de m’avertir surtout par l’intermédiaire d’une si jolie médiatrice.
— Comment sais-tu ce qui peux m’arriver ?
— Nous savons tout de toi !
— Alors pourquoi ce rendez-vous ? Je ne suis pas une grenade prête à exploser… mais totalement désamorcée ! je ne sais même pas si j’ai été en mesure d’exploser à un moment d’ailleurs !
— Je te l’ai déjà dis Louis, cela peut te sembler incongru ou absurde, mais tu me plais et je veux te garder… J’ai envie d’être avec toi, partager un avenir peut être.
Après une seule rencontre ? J’ai peut être mésestimé mon charme durant toutes ces années qui ont succédées mon divorce…
— Crois-tu que cela soit compatible avec ta fonction au sein de la communauté ?
— J’y ai réfléchi, je vais demander à Eloïm de m’affranchir.
— Affranchir ? Tu es une esclave ?
Natasha recule instinctivement, tourne sa cuillère dans sa tasse, boit une gorgée.
— Les mots n’ont pas le même sens dans le monde profane.
Je n’ai pas envie de la provoquer à nouveau, je change de sujet.
— Pourquoi m’avoir donné rendez-vous ici ?
— Il y a un être qui a une place importante dans ma vie. Mon frère Yevgnie. Plongé dans un coma artificiel depuis 3 ans. Je viens le voir aussi souvent que mon emploi du temps me le permet. La visite d’aujourd’hui était planifiée. En revanche personne ne sait pour notre rencontre. J’en ai profité. Malgré les risques que cela comporte. Pour toi comme pour moi.
Je tolère son explication même si certains détails me semblent cousus de fil blanc et sont facilement démontables. Peu importe je saute à pieds joints dans le maelström. Comprendre, savoir, découvrir ? Tant pis, je ne vérifierais pas son histoire, mais je m’intéresse tout de même à sa vie.
— Qu’est-il arrivé à ton frère pour qu’il se retrouve dans le coma ?
Natasha me regarde droit dans les yeux.
— Il a organisé une sorte de raid pour me faire sortir de la communauté… Il a échoué.
«Si la curiosité t’a conduit ici, va t’en» et pourtant je reste.
— Peux-tu préciser s’il te plait ?
— Je n’aime pas raconter cette histoire mais je vais faire l’effort pour toi. En résumé: J’ai vécu mon enfance en Russie, ensuite j’ai voyagé en Italie, puis en France où j’ai rencontré Eloïm. La Communauté est devenue ma famille. Mon frère a fini, après des années de recherches, par me retrouver. J’étais heureuse. Je voulais qu’ils nous rejoignent, mais il n’avait qu’une idée en tête me faire retourner en Russie car selon lui j’appartenais à un chef de la Bratva. Avec plusieurs comparses ils ont essayé de me kidnapper, malheureusement pour lui, heureusement pour moi, son entreprise s’est soldée par un échec, sans rentrer dans les détails les acolytes de Yevgnie sont mort et lui a survécu, parfois je me dis qu’il aurait mieux fait d’y rester lui aussi. Je ne crois pas qu’il sorte un jour du coma. C’est ainsi. Mais il reste mon frère quoi qu’il ait fait.
Natasha est calme, sûre d’elle. Si je n’étais pas aussi épris de cette femme, je penserai froide et impitoyable, mais je ne peux m’y résoudre.
— Natasha, connais-tu la fable de l’arbre et de l’enfant ?
— Non.
— Il était une fois… ou plutôt un jour: Un enfant découvrit par hasard que lorsqu’il apposait les paumes de ses mains autour du tronc d’un grand chêne de la foret qui jouxtait sa maison, celui-ci absorbait son chagrin, son amertume, ses craintes, son ressentiment. Libéré de ses entraves émotionnelles, il était alors en mesure d’accomplir ce qui d’ordinaire l’effrayait ou lui posait le plus problème: Vivre. Ainsi à chaque fois qu’il était sujet à la mélancolie, au désespoir ou à l’isolement, il allait se ressourcer auprès de l’arbre qui lui apportait, sans réserve, le soutien nécessaire pour dépasser cette souffrance. L’enfant grandit et continua son rituel à chaque fois que nécessaire, il vieillit, continua son ascension sociale, devint de plus en plus important socialement car il réussissait toujours ce qu’il entreprenait, sûr d’avoir la force nécessaire pour cela grâce à son arbre. Riche, célèbre, beau et sans soucis d’aucune sorte, il se surprenait néanmoins à éprouver une angoisse que l’arbre ne parvenait pas à contenir, il était seul. Il se rendit auprès de l’arbre pour se libérer de cette douleur et fit ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’à présent: Il regarda l’arbre avec les yeux du coeur. Il s’attendit à contempler un solide chêne majestueux, grand et fort comme lui, mais au contraire l’arbre était rachitique, quasiment sans branches, abandonné de toute vie. Alors quel fut le comportement de l’homme ? Il prit une hache et terrassa l’arbre ? Il s’agenouilla devant et pleura ? Il apposa ses mains sur l’arbre pour lui retransmettre l’amour et la joie qu’il avait reçu grâce à lui tout au long de sa vie ? Il hurla et partit en courant ? Il fit comme si de rien n’était et tenta de se délivrer de son angoisse tout seul ? Il se suicida pour nourrir l’arbre de son sang ? Il s’installa au pied de l’arbre et s’endormit du sommeil éternel ? Il chercha un autre arbre persuadé que cela ne pouvait être celui-là ? Il pleura sur son sort ? Il promit à l’arbre de le venger ? Il comprit finalement que la force qu’il avait reçu ne provenait que de lui-même et qu’il avait espéré qu’il en fut autrement par crainte de devenir ce qu’il est ?
— Je n’en sais rien !
— Moi non plus… mais il a le choix. La seule chose importante pour moi dans cette histoire c’est sa prise de conscience.
— Fais moi l’amour.
La fin du chapitre n’est pas béton mais je vais la retravailler demain.
En ce qui concerne la suite et selon mon plan, Louis retournera sur les ruines du château persuadé d’y trouver la preuve irréfutable que l’explosion n’est pas accidentelle. Il s’entretiendra avec une victime qui lui racontera ce qui s’est passé la nuit du drame…
J’ai rendez-vous à onze heures et quart avec ma psy. Faudra aussi que je jette les bouteilles de vin. Dans l’ensemble je suis satisfait, j’ai un vrai rythme d’écriture et l’histoire semble cohérente. Morphée m’appelle. Je ne lui résiste pas. Sommeil sans rêves. Mes yeux se dessillent naturellement.
L’horloge numérique affiche d’implacables chiffres rouges 10:05. Merde. Alix ne m’a pas réveillé ce matin comme à l’accoutumé, mais a laissé sur le frigo (à mon attention je présume) un joli coeur dessiné sur un post-it. Par texto elle me demande (m’implore oui) de faire un minimum pour mon apparence, elle flippe vraiment que j’arrive comme un pouilleux chez Zaza et Jean-Paul (où est la corde ?). Elle me rappelle aussi pour la énième fois que si je me tiens bien, samedi soir, nous irons nous encanailler dans le fameux club libertin dont elle m’a parlé la dernière fois… Sincèrement, je ne suis pas aussi demandeur qu’elle semble le croire.
Je me prépare et j’enchaine la visite chez la psy qui s’avère au delà de mes attentes. Son remplaçant, Tristan de la Villecombière m’expédie en moins de 5 minutes:
— Monsieur ? Il pose à peine les yeux sur moi. Venez !
Je me lève de mon siège de la salle d’attente pour me rendre jusqu’à son bureau tout en me demandant à qui j’ai à faire. Ma thérapeute est une grande blonde sèche, au regard professionnel et aux mains manucurées. Rien à voir avec ce gars parfaitement antipathique au premier abord.
— Bon, j’ai parcouru votre dossier. L’employé qui se fait harceler par un chef d’équipe tyrannique de 10 ans son cadet. Je vous comprend. Jamais pu saquer le genre kapo qui fait de l’excès de zèle sans comprendre que tôt ou tard il sera dans la même situation que vous. Je prolonge votre arrêt de travail. Six mois supplémentaires ne seront pas de trop ! Ainsi vous aurez le temps de réfléchir à un autre métier… ou peut être se sera t-il fait virer d’ici là. Croyez-en mon expérience, les excités du résultat ne durent jamais bien longtemps. En terme de prescription, je vous renouvelle le seroplex ainsi que le lexomil. Un minimum pour supporter la vache qui vous sert de femme. Veuillez m’excuser, mais c’est ainsi noté dans votre dossier. Je compatis. Autre chose ?
— Non.
— 60 euros. En liquide. Si vous ne les avez pas sur vous, il y a un distributeur au coin de la rue. Je vous ai noté dans mon agenda. Le mois prochain, même jour, même heure. Au cas où vous souhaiteriez discuter, sachez que subir votre complainte ne m’intéresse pas et que je ne vous serez d’aucune aide. Vous êtes le seul à pouvoir changer la situation. Rien d’inexorable croyez-moi. Au revoir monsieur.
— Merci… Au revoir…
Sur le pallier sans avoir eu le temps de dire ouf, ordonnance et arrêt maladie en main. Une tête de con ce psy mais diablement efficace au demeurant !
Les rues sont calmes. Ils sont tous réfugiés dans les magasins en train de faire leurs achats de Noël. Les décorations sont soignées. J’apprécie l’effort qui est fait par la société de consommation pour tenter de nous distraire de la merde dans laquelle elle nous a plongé.
Lever les yeux au ciel et contempler les nuages qui errent.
D’où viennent-ils, où vont-ils ?
Peu importe… je continue d’interroger le ciel sans attendre de réponses.
Les pieds sur terre, encrés dans le concret, l’utile et le nécessaire.
Hier j’avais envie de me fabriquer un château intérieur pour y ranger mes pensées profondes et cesser une bonne fois pour toute de parler à tort et à travers.
Force est de constater que je suis incapable de conceptualiser un tel édifice. En conséquence de quoi je compte faire une prison, ça me semble être un bon compromis, mais je ne sais pas si ce sera un lieu très efficace pour canaliser mon inaptitude à tenir ma langue.
Une bonne mise au silence est parfois tellement nécessaire…
Miroir mon beau miroir… entre le reflet de la société déliquescente, des individualités toujours plus exacerbés, des peur et des crimes qu’on nous relate avec toujours plus d’appétit.
Comment trouver la clé du positivisme ?
Une attitude volontaire et acceptante, capable de laisser de côté les drames inhérents de l’existence et de privilégier ces impalpables moments de plénitude solitaires ou collectifs.
Suivre un guide qui nous indique le bon chemin vers le beau, le bien, le vrai. Laisser de côté la facilité pour choisir le rire plutôt que les larmes, le partage au lieu du tout pour soi.
L’amour comme fil d’Ariane et les sens satisfaits de la simplicité du goût de la vie sans amertume ni regrets.
Sans inquiétude ni faiblesse.
Réunion avec la nature, communion avec les êtres.
Amour.
Rien à voir avec la dernière console à la con ou la profusion de bouffe du réveillon.
Cette année, Alix veut un bijou comme cadeau, pour crâner devant ses copines. J’aime bien employer le mot « crâner » volontairement regressiste.
Un point positif tout de même malgré ma délicate situation professionnelle, je touche l’intégralité de mon salaire (moins les primes bien entendu), mais j’ai la chance d’avoir une bonne convention collective. Même si je ne roule pas sur l’or, j’ai de quoi subsister et faire plaisir à mes proches. Simple expression, je n’ai pas de proches… à part Alix bien entendu. Un peu trop proche d’ailleurs… Loin, très loin, si loin de la vie d’Eloïm…
Costume noir. Chemise blanche immaculée impeccablement repassée. Noeud papillon en soie noir. Le gourou se tient droit. Debout. Serein, au centre de la pièce. 20 m2. Faiblement éclairée, simplement équipée d’une table industrielle en acier sur laquelle trônait un iMac de 27 pouces.
Il balaie d’un regard circulaire, méprisant, les membres du conseil d’administration de l’organisation réunis en session extraordinaire. Eloïm ne forçait pas son talent, il imposait naturellement sans laisser place à la contestation, même induite, son statut de chef.
La réunion se déroulait dans la salle secrète du Centre de Thunder Bay, Ontario, au Canada. Un bunker au troisième sous-sol.
Les accès étaient verrouillés par des codes digitaux, vocaux, chiffrés.
Si le leader du mouvement tuait quelqu’un ici, personne ne le saurait jamais. Pas même un autre membre du conseil.
Chaque participant prit place dans une petite pièce fermée insonorisée.
Seule une baie vitrée teintée leur permettait de voir la pièce centrale dans laquelle Eloïm présidait (un simulacre de «démocratie» nécessaire).
Les administrateurs votaient par le biais d’un boîtier pourvu de deux boutons: vert et rouge. Ils pouvaient rédiger des messages à l’aide d’un clavier relié en wifi à l’unité centrale du chef. Eloïm était le seul à pouvoir lire, modérer ou diffuser leurs interventions.
La hiérarchie séphirotique s’avérait absolument cloisonnée. Bien que de simples fantoches, chacun d’eux avait son utilité. Eloïm s’assurait de leur probité par des enquêtes, des écoutes, des filatures régulières, cela lui permettait de mesurer leur indéfectible attachement à l’ordre en général et à lui en particulier. Les noms des différents participants s’affichèrent sur leurs écrans de contrôle dès insertion du jeton de présence dans le monnayeur situé devant eux. Le gourou n’appréciait pas les surprises. Il avait mis au point un système complexe de leurres pour «protéger» l’identité des membres du conseil, mais il connaissait leur profond égotisme et savaient qu’ils se targuaient dès que l’occasion se présentait de cette fonction.
Neufs pseudonymes sur les dix membres du conseil apparurent en vert sur les différents écrans.
Kether, Ḥokhma, Bina, Ḥessed, Guebhoura, Tiph’ereth,
Neṣaḥ, Hod, Malkhouth
Yessod avait la meilleure des excuses pour ne pas être présent à la réunion, il faisait partie des victimes de «l’accident». Son pseudonyme s’inscrivit en rouge et son identité en noir.
Léo Admonakis: Yessod
Un même frisson de peur parcouru les membres du conseil.
Eloïm savourait son effet. Ils devaient tous comprendre que personne, absolument personne, n’était à l’abris ou protégé, quel que fut son rang ou sa notoriété. Ils devraient de plus vivre avec ce nouveau secret, car s’ils ne respectaient pas la loi du silence, ils mouraient. Logique simpliste mais efficace. Il n’y avait ni alternative ni échappatoire.
— Chers membres de notre remarquable institution nous allons procéder à l’ouverture de la séance. Guebhoura assurez-vous que nous sommes bien en sécurité.
Guebhoura (Oliver Wellington, héritier d’une noble famille anglaise, informaticien présumé coupable à plusieurs reprises pour des faits de hacking, jamais condamné), grimaça. Il craignait de plus en plus cet être dangereux et habité qui pouvait d’un claquement de doigts décider de leur sort, mais il lance toutes les routines informatiques pour se prémunir d’une éventuelle intrusion dans le système et active les 94 caméras réparties dans et autour du bâtiment.
— Tiph’ereth (Marie Villemont, française, richissime veuve, adepte de la première heure et secrétaire contrariée). Vous consignerez les écrits de ce jour dans notre registre secret. Abordons l’unique point de l’ordre du jour. L’avenir de la communauté. L’opération « Maison Brûlée » est une réussite absolue. Nous avons éliminé la majorité de ceux qui menaçaient l’ordre à court terme et par la même occasion réalisé une formidable opération financière. Une nouvelle ère s’ouvre dorénavant pour notre communauté. Nous aurons bientôt un autre membre pour remplacer Yessod et assurer la pérennité du conseil. Mais avant cela je vous ai convoqué pour vous faire part de mon souhait d’ouvrir une nouvelle antenne aux Etats-Unis. Nous bénéficions là-bas d’une excellente presse, surtout après l’événement tragique qui nous afflige, 78% des sympathisants locaux l’imputent aux islamistes. Nous ne démentons pas. Le processus de victimisation nous place dans une position idéale. Nos centres regorgent de demandes d’adhésion. Les dons affluent. Nous organisons la semaine prochaine dans chaque établissement une soirée en l’honneur de nos martyrs. Sont confirmés pour l’instant soixante quatre stars mondiales de la musique, qui vont d’ailleurs faire une chanson commune en l’honneur des victimes, une centaine de célébrités de première catégorie, des sportifs, et notre tête de proue, top-models et personnalités du Gotha. Tous les médias sont acquis à notre cause. Vos feuilles de route vont s’afficher sur vos écrans. Mémorisez les et faites en sorte de respecter scrupuleusement les consignes.
Eloïm parcouru distraitement la flopée de messages qui émanait des membres du conseil, il ne répondit qu’à une seul.
— Le journaliste ? Je m’en occupe personnellement. Vous pouvez disposer.
Ils sortirent des box les uns après les autres, les yeux bandés, neuf voitures étaient prêtes et les disséminent aléatoirement aux quatre coins de la ville. Ils ne sauraient jamais où ils étaient allés, ni avec qui.
Eloïm quitte à son tour les lieux. Il envoie un texto on ne peut plus clair à sa Mata Hari : «Vespale où en es-tu ?» La réponse est quasi instantanée: «Je suis chez lui, tout se passe comme prévu». Le gourou appréciait beaucoup les talents de cette jeune recrue, il devait s’en méfier.
La sonnerie de son téléphone professionnel retentit dans l’habitacle. Johan le chauffeur – garde du corps, décroche dès qu’Eloïm lui en donne l’ordre.
— Monsieur le Président ? Nous sommes en route…
Cette version me plait. Il faut absolument que je l’écrive. J’ai de plus en plus envie de développer l’histoire autour d’Eloïm. Le raisonnement est sans doute simpliste mais les méchants sont malheureusement toujours plus profonds que les gentils.
J’entre au hasard dans un salon de coiffure qui fait également barbier. Je me sens quand même mal à l’aise. Vite penser à autre chose pour ne pas angoisser; que des perles froides de sueur ne coulent pas dans ma nuque.
Je patiente une demi-heure sans café ni revues, j’observe le comportement inepte et dérangeant des clients. Vieilles qui jouent les dames du monde, minaudent sur un bigoudi, s’enflamment pour une conversation sur les têtes couronnées, raffolent de la petite coiffeuse tatouée qui, cependant, si elle était leur petite fille, serait chassée de la famille à grands coups de balai en raison de son apparence trop licencieuse et de ses tatouages qui font mauvais genre. Les tireurs de gueule. Les bavardes. Les «en famille» qui démontrent à l’ensemble du salon leur incapacité à gérer leur progéniture.
Une stagiaire s’empare de moi, m’aide à enfiler le peignoir, m’invite à passer au bac. L’eau est tiède. Elle me demande si ça va je dis que oui mais j’aurai aimé que l’eau soit un peu plus chaude. En revanche j’apprécie la manière dont elle me masse le cuir chevelu. Cela ne dure qu’un trop bref instant. La petite jeune me frotte vigoureusement le crâne et m’installe sur un siège pivotant face à un énorme miroir. Je ne me regarde pas dedans, je zieute tous ces petits culs et paires de seins qui s’agitent en tout sens pour ratiboiser, couper, élaguer, sécher, teinturer, laver, ranger, encaisser.
Magalie, déduction basée sur le badge qu’elle porte à la commissure de son opulent sein droit, me demande quelle coupe je souhaite. Je n’en sais évidemment rien. J’opte pour un pas trop court pas trop long «cache misère». Pour la barbe elle me suggère un effet trois jours auquel je souscris avec enthousiasme, par un léger hochement de tête.
Ciseaux en main, elle m’entreprend dans une conversation sur le thème de la météorologie. J’arrive à donner le change même si je trouve cela d’un ennui profond. En vingt minutes mon aspect a considérablement changé. Je n’ai pas rajeuni mais je suis plus conforme à ce qui est attendu d’un quadragénaire français au XXI°ème siècle.
J’apprécie mon reflet même si l’angoisse me titille l’estomac, un physique de clochard n’amène aucune responsabilité, on peut se montrer désagréable ou apathique, l’homme de la rue ne vous en tient pas rigueur, au pire il vous plaint au mieux ils vous ignore. Mais dès que vous semblez appartenir à son monde, alors il attend de vous ce qu’il ne donne pas lui-même.
Seul moyen d’échapper à ce déterminisme capillaire, être snob. Accéder au prétendu cran supérieur social. Costume – cravate de chez le bon faiseur et air dédaigneux de rigueur. Incarnation pour le commun de la haute société qu’elle vénère et qu’elle redoute. L’homme soigné bénéficie au plus de traitements de faveur (sourires hypocrites, regards craintifs, attentions particulières), sinon de la même ignorance que le pouilleux.
Singulier par nature et par conviction, incapable de répondre à l’attente du simple quidam, je suis donc dans l’obligation de faire ces efforts vestimentaires. Je n’ai pas le choix. Y aura-t-il un impact sur mon écriture ? Mon apparence extérieure, raisonnera-t-elle dans mon intérieur ? Unique regret, Alix va a-do-rer !
Le reste de la journée se déroule devant l’ordinateur. Alix rentre du boulot super tendue, persuadée que je suis en jogging et t-shirt, un mince espoir que je sois tout de même allé chez le coiffeur. Sa surprise est de taille et sa mâchoire pratiquement décrochée lorsqu’elle me découvre barbe taillée et coupe fraiche, en costume croisé six boutons avec un col en piques. Le tout dans une flanelle en laine et cachemire, noeud papillon en flanelle assorti et chaussures derby. Sans omettre la chemise à boutons de manchettes. Sur le cul la grosse !
— Bon on y va ? Dis-je comme si tout cela était parfaitement normal.
— Euh, dans un petit quart d’heure le temps de me préparer. Tu ne crois pas que tu es peut-être un peu trop habillé ?
— Je ne trouve pas, c’est le syndrome «dépressionnaire»: un coup je me néglige, un coup je prends soin de moi. Tu préfères que je me change ?
— Non, non, non, non, tu es parfait, tout est très bien ! La coupe super, la barbe aussi. Je suis vraiment très heureuse.
Alix s’enferme dans la salle de bain: « décidément ce mec va me rendre folle moi aussi ! » Pantalon noir, chemisier en soie blanc, veste noire, collier de perles et talons hauts noirs. Chic et sexy. Un peu de rouge à lèvres, un soupçon de fond de teint. «J’espère que Zaza va apprécier.»
Nous arrivons chez les Leroy légèrement irrités… les explications erratiques d’Isabelle nous ont couté une putain de demi-heure pour trouver leur lotissement. Un cauchemar.
Alix a insisté pour s’encombrer les mains d’un bouquet Sensation de chez Interflora (Bouquet rond de fleurs variées à dominante rouge. Parce que les fleurs savent aussi exprimer votre message avec force et conviction.) 41 euros et d’une bouteille de vin rouge, un Pessac Leognan La Gaffelière 2009 à 75 euros. Même si je pense incongru et exorbitant, je me tais, d’autant plus qu’Alix me gratifie d’une amabilité rare depuis notre départ de la maison. J’avais un doute mais je n’en ai plus, la « cahute à Zaza et Jean-Paul » est comme je le présumais un pavillon de banlieue standard et sans charme.
Isabelle nous accueille avec la chaleur hypocrite des cons.
— Alix, ma chérie !!!! Je suis tellement contente de te recevoir, allez-y entrez. Ne restez pas devant vous allez attraper froid. Oh les belles fleurs, elles sont magnifiques. Elle beugle: Jean-Paul… viens voir ! ils ont amené du vin et une belle bouteille en plus.
Alix trépigne de joie comme une collégienne. Je reste derrière elle stoïque et interdit. J’attend qu’Isabelle daigne se bouger de l’entrée et me débarrasse de mon trench coat. Jean-Paul arrive en trainant le pied. L’air boeuf. 1m85. 110 kilos au bas mot. moins de 10% de muscles. Le reste composé de graisse et d’os. Chemise violette brillante ouverte jusqu’au nombril. Chainette en or autour du cou. Gourmette au poignet. Chevalière en or. Arrêtez tout… J’ai en face de moi le grand gagnant de l’aventure MasterPlouc. Convoquons la presse et les caméras, formons la haie d’honneur… Il s’empare de la bouteille. Le sosie de Mister T se donne le genre érudit:
— Hummm… Je connais pas… mais c’est un bordeaux !
Finalement je sens que je vais me régaler. Du très haut niveau. Si tous les ingénieurs sont comme lui, je comprends mieux pourquoi nous sommes dans la merde…. Ma chère et tendre pousse des ah et des oh tandis que Zaza nous fait faire le tour du propriétaire. 120 mètres carrés de mauvais goût. La chambre parentale (ils ont deux enfants de huit et onze ans expédiés pour la nuit chez pépé et mémé) est paroxysmique: Miroir au plafond et lithographies inspirées du Kamasutra. Il ne me faut pas dix secondes pour deviner qui a pu donner à Alix l’envie d’aller en club libertin.
Je n’ai d’ailleurs pas immédiatement remarqué, mais Zaza est habillée d’une jupe fendue ultra courte et d’un haut hyper décolletée. Grande et maigre. Rousse. Elle contraste avec Alix nettement plus petite et replète. Laurel et Hardy version féminine. Je suis pas très fan de son physique mais son air de bourgeoise pute me trouble quand même un peu.
Nous passons enfin au salon. Jean-Paul nous attend, assis sur le canapé en cuir blanc. Jambes écartées (du style je ne peux pas croiser les jambes j’en ai une trop grosse).
Isabelle nous prépare des kirs en apéritif. Impossible de ne pas voir son soutien-gorge lorsqu’elle se penche ou sa culotte quand elle s’assied, ou plutôt se love sur son mari.
Je jette un coup d’oeil à Alix qui semble apprécier la vue. Putain… mamour aurait un côté lesbiche ? C’est la meilleure !
Nous restons silencieux un petit moment, «dégustons» les fameuses bouchées au saumon d’Isabelle. Grasses et lourdes. Il faudrait du débouche canalisation pour les faire passer, je prie pour ne pas mourir étouffer. Tu m’étonnes, avec un tel «talent» culinaire à la maison, moi aussi j’aurai un physique de Samoan. Jean-Paul m’interpelle.
— Alors ? Zaza m’a tellement parlé d’Alix qu’elle n’a presque plus aucun secret pour moi… il le dit avec un ton désagréablement concupiscent qui fait glousser Alix. Mais toi, qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
Je répond du tac au tac:
— Je suis écrivain
Alix manque de s’étouffer, prend la parole presque en s’excusant,
— Il n’est pas écrivain. Il est commercial, mais il pense à se reconvertir dans l’administration ou l’informatique.
Jean-Paul ne relève pas… a l’air intrigué.
— Ecrivain ? Intéressant. Déjà publié, ou pas encore ?
— Je travaille sur mon premier livre.
— Ah et il parle de quoi ?
Il se sert un énorme verre de vin sans nous en proposer alors que nos verres sont vides.
— Pour résumer, c’est l’histoire d’un aviateur qui, à la suite d’une panne de moteur, a dû se poser en catastrophe dans le désert du Sahara et tente seul de réparer son avion. Le lendemain de son atterrissage forcé, il est réveillé par une petite voix qui lui demande : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! » …
Zaza semble déconcertée.
— Mais, ton histoire, on dirait le Petit Prince !
Je fais l’étonné.
— Comment ça, ne me dit pas que quelqu’un a déjà écrit mon roman ? Des mois que je travaille dessus. Ah non mais ça pue l’espionnage industriel ça !
Alix me jette un regard ak47. Je me reprends:
— En réalité, il s’agit d’un thriller horrifique sur des ingénieurs cannibales qui ont été contaminés par un gaz radioactif.
Pas question que je dévoile ma véritable histoire.
Jean-Paul s’esclaffe
— Je te prédis un carton ! Mais faut pas que t’oublies de mettre du cul dedans. Tout le monde aime le cul. N’est-ce pas ma chérie ? Isabelle lui rend un sourire gourmand.
Je rêve ? Il y a une caméra cachée ? C’est pour une émission sur les couples libertins ? Au début j’aimais bien le concept, mais progressivement je trouve leur attitude glauque et leurs manières déplacées. Alix pour sa part est extatique, dans l’espèce de petit couple qu’elle forme avec Zaza, c’est la grande maigre qui domine.
Les banalités d’usage s’enchainent, je somnole un peu, sollicite au max Jean-Paul qui finalement est ravi d’avoir trouvé un compagnon de beuverie et me resserre aussi souvent que possible, toujours après lui.
Isabelle s’enflamme sur son prochain voyage:
— Oui, parce que nous partons à la meilleure période de l’année… tu sais… il fait 24° en moyenne… mer des Caraïbes… 600 kilomètres de plages, de nombreux parcs nationaux, dont certains comme le parc national Armando Bermúdez permettent la randonnée ou d’autres comme le parc de Los Haïtises les excursions à travers la mangrove.
Ma parole, elle a appris par coeur wikipedia ! Je tente une offensive juste pour juger de la solidité des connaissances.
— La mangrove ?
Isabelle marque un temps d’arrêt et comme une enfant déclamant sa récitation.
— La mangrove est un écosystème de marais maritime incluant un groupement de végétaux principalement ligneux spécifique, ne se développant que dans la zone de balancement des marées appelée estran des côtes basses des régions tropicales. Elle sourit, satisfaite d’avoir réussi ce test.
Je ne suis pas sûr qu’elle sache vraiment de quoi elle parle, mais comme je n’en sais rien non plus et que je m’en contrefous, je n’essaie pas de la faire passer pour une conne, ce qu’elle est de toute façon. Mamour est admirative.
— Comme vous avez de la chance. Quinze jours au paradis. Tu m’enverras une carte postale ?
— Bien sûr ma chérie ! Même des mails. Jean-Paul prendra des photos de moi sur la plage. Là-bas on peut faire du naturisme quasiment partout.
Alix rougit. Bon, soit je suis complètement bourré, probable, soit il se passe un truc vraiment chelou entre elles.
Piqué au vif, je lance quand même une ogive.
— Finalement, vous ne partez plus au club à Punta Cana comme tous ces connards de touristes français ?
Silence gêné, Isabelle concède un léger:
— Nous partons avec un Tour Operator dans un club en «formule all inclusive» mais on fait ce qu’on veut quand même !
J’adore, je suis comme un gamin qui vient de commettre un bruit incongru pour se faire remarquer et qui attend qu’on le punisse. Manifestement tout le monde s’en branle. O tempora, o mores.
Après une interminable conversation professionnelle entre Zaza et Alix, florilège de commérages et de calomnies, Jean-Paul se lève.
— Je vais en cuisine, nous n’allons pas tarder à passer à table et il faut carafer votre piquette.
Je reste coi. Seul dans le salon pendant qu’Isabelle débarrasse la table et qu’Alix au garde à vous, s’empresse de l’aider. Ils peuvent prendre leur temps, j’ai encore une demi bouteille de blanc devant moi. Je me dis que ça fait quand même des mois que je n’ai pas pris de nouvelles de mes potes (ou assimilés comme tels), j’en profite pour passer un coup de fil à Olivier, histoire de bouger un peu… comme au bon vieux temps. Processus de re-socialisation amorcé.
— Olive, c’est moi, est-ce que tu es dispo la semaine prochaine pour un barathon ?
— Salut, écoute en ce moment je traverse une période difficile, Anne vient de perdre son emploi et le petit dernier a des problèmes respiratoires, le médecin m’a dit que je dois faire gaffe j’ai des problèmes de cholestérol et un risque de diabète. Et toi ça va ?
— Ouais… Olivier tu m’excuses mais je suis chez des amis, je peux pas trop parler, j’espère que tes ennuis vont vite s’arranger. Tu as mon numéro, tu n’hésites pas à me rappeler dès que tu veux sortir. À bientôt. Je raccroche.
Décidément j’ai la guigne, le sort s’acharne. J’hésite à contacter Abdel qui est un bon copain mais sera vraisemblablement réfractaire à un barathon, musulman pratiquant.
Je réalise que j’ai un cercle relationnel très limité, asséché. Les amis d’hier se sont mariés, ont des enfants, les autres ont pris le large et mon roman est devenu une entité à part entière qui m’accapare énormément. Un refuge ? Il n’est pas moi, ni un reflet. Il existe dans sa réalité inventée. Mais qui emportera l’autre ? Viendra-t-il avec moi dans mes ténèbres ou est-ce lui qui va m’élever, m’emmener vers la lumière ? L’écriture est une alchimie pâtissière. La justesse des ingrédients, le nappage. Chauffer l’alambic pour transformer le vil métal en or. Je ne connais rien de ces deux disciplines et pourtant la définition me semble juste. Mon esprit divague. Sortir à tout prix de cette prison existentielle. M’évader vers d’autres horizons. D’autres gens. D’autres saveurs… Je suis à bout.
Jean-Paul revient, rouge cramoisi. J’ai entendu, je ne sais plus où, une assertion particulièrement juste: l’homme est un produit grossier de la nature. La preuve par l’exemple.
— Où sont les filles ? Je demande, histoire de meubler la conversation.
— Parties faire des essayages. Il glousse libidineusement
— Ah ouais, excellente idée ! (Tu parles je m’en cogne total.)
— Bon, pour samedi soir on se retrouve à quelle heure ?
— J’en sais rien ? Pourquoi ?
— On va ensemble chez Irene, Alix te l’a pas dit ? Les essayages c’est pour la soirée, tu vois ce que je veux dire ? Il me fait des gros clins d’oeil grivois.
Je suis vraisemblablement en plein délire, les médicaments associés à l’alcool altèrent mes facultés cognitives. Pourtant tout à l’air réel: La table. La lampe. Le tableau. Le canapé. Le gros pervers rougeaud sur le canapé.
— Tu vas voir, l’ambiance est géniale. Les filles s’éclatent sur la piste de danse. Il y a des barres de lap dance. Des cages. Des glory holes. Croix de saint andré… Un coin sauna – hammam. Des espaces câlins. L’endroit est idéal pour des débutants comme vous. Mais rassures-toi, Zaza et moi on sera là pour vous encadrer !
— Y a un bar ?
— T’inquiètes, si tu veux te saouler tu peux. Les mecs n’approchent pas les nanas sans le consentement des maris. C’est la règle. Maintenant si les filles veulent s’amuser entre elles, elles peuvent ! On va rien dire alors qu’on se rince l’oeil gratos.
Mon corps est ici, dans le salon des Leroy mais mon esprit est définitivement ailleurs. Dans un lieu éthéré. Une alter réalité plus séduisante, moins crue et surtout exonérée de gens si tristes au fond qu’ils n’ont plus que les plaisirs charnels comme preuve de leur matérialité.
« Natasha est assise sur le canapé du salon. Elle semble très à l’aise, heureuse d’être là. Je ne sais plus trop à quoi m’en tenir. Je suis tombé amoureux d’elle, c’est un fait. Si c’est une manoeuvre d’Eloïm pour m’attirer dans ses griffes ? Peu importe ; Finalement, est-ce un drame ? Je joue les pères la morale, mais après tout, n’est-ce pas lui qui a raison ? Il utilise et endoctrine les riches, les nantis, les privilégiés du système; tandis que les médias et la machine économique asservissent et ponctionnent sans vergogne chaque jour qui passe les plus démunis, les simples, ceux que je crois défendre et informer. Sour dreams (rêves amers) pour un cœur saignant, une âme torturée, un corps usé.
Natasha m’attire contre elle. Je m’abandonne totalement. Nous faisons l’amour, non pas comme des bêtes sauvages privées de discernement, mais au contraire avec calme, volupté, passion, dévouement, chaleureusement. Notre part de divinité s’exprime dans cet acte essentiel, fécondateur.
L’amour a maintenant un sens pour moi. J’ai envie d’un enfant avec elle. Unis et Ré-unis. Mon destin est désormais entre ses mains… »
Chrysalide en attente de mutation s’ennuie ferme dans son cocon.
Le temps change, le temps passe, les déceptions d’hier reviennent en bourrasques éparses remplir les méandres de la mémoire.
Le corps répond par l’affirmative à cette déliquescence et rien ne compense le spleen, la mélancolie.
Misanthropie passagère ?
Quel baume pour panser les plaies de l’âme, pour dépasser le cadre convenu des habitudes et du mal être ?
— Eh oh, y a quelqu’un ? Houston ici la terre ! Tu commences déjà à fantasmer mon gars ? Attends d’être là bas ! Qu’est-ce qu’elle font… même si j’ai une petite idée ! Jean-Paul s’impatiente, Alors les filles, on a faim nous !
— On arrive, ah les garçons, c’est pas croyable, vous êtes tous les mêmes !
On dirait qu’Alix et Isabelle ont pris une douche. Normalement je devrais être comme Jean-Paul, manifester de l’intérêt pour leurs aventures scabreuses, mais je n’arrive pas à m’y intéresser. Seule mon histoire me préoccupe. La relation entre Natasha, Louis, Eloïm et tous les autres.
— Sinon, tu as vu le dernier match du PSG ? L’arbitrage en France est nul et puis le penalty… comment il a fait pour ne pas le voir ? N’importe quoi, enfin moi je suis l’entraineur je sors Zlatan. Dis donc ton pinard il a la classe internationale à propos.
— Alix est très calée en vin, elle prend toujours d’excellentes bouteilles.
Enfin, lorsqu’on est invités…
— J’ai l’impression qu’Alix est calée dans pas mal de domaines !
Jean-Paul me donne un grand coup de coude qui manque de me faire tomber. Mais quand est-ce que cette soirée se termine ?
Elle glousse, minaude, se goinfre de ces compliments lourds de sous entendus…
— Dis donc Zaza, surveille un peu ton mari… je le trouve bien entreprenant.
— Alors ma chérie, comment tu trouves le rôti de porc ?
Lequel celui qui est à ma droite ?
— Un délice, il faut absolument que tu me donnes la recette, mon homme cuisine très bien, mais il s’entête à faire des trucs asiatiques ou étrangers, je suis pas fan, je digère mal. Mais sinon rien à dire un cordon bleu, hein chéri ?
J’ai envie de lui dire qu’elle n’y connait rien, le rôti est bien trop cuit, même les pommes de terres sont ratées et que dire de la vinaigrette ? Infâme. Jean – Paul bâfre, se sert trois ou quatre fois, Zaza le regarde avec fierté, l’air de dire, il est pas beau mon petit pourceau ? Enfin le dessert, un gâteau au chocolat qui vient heureusement de la pâtisserie. Je suis épuisé et maintenant les éructations verbales qui reprennent avec plus de vigueur sur le thème de la politique. Lieux communs. Clichés. Evidences. Racisme et anti sémitisme larvé. Rien ne m’est épargné.
Je pense: Alcool. Souffrance. Mort. Rejet. Anxiété. Peur. Dégoût. Haine. Obsession. Victimisation. Extrémisme. Psychotropes. Pleurs. Oxygène. Foi. Crainte. Dieux. Plaisir. Désir. Goût. Elévation. Travail. Conscience. Bataille. Exaltation. Transcendance. Mysticisme. Egotisme. Egoïsme. Manque. Besoin. Amour. Touché. Présence. Travail. Engagement. Lumière. Vie. Sexe. Lassitude. Routine. Eloignement. Tragique. Espoir. Imaginaire. Dédale. Labyrinthe. Cicatrice. Douleur. Tristesse. Rire. Confiance. Style. Empathie. Courage. Amitié. Dévotion. Liberté. Dépensier. Jaloux. Envieux. Parapsychologie. Oecuménisme. Envie. Abattement. Renoncement. Centre. Maladresse. Tendresse. Ivresse. Colère. Suicide. Vie. Perception. Emotion. Inapte. Intelligent. Détresse. Trop. Lâcheté. Angoisse. Effondrement. Explosion. Vigilance. Persévérance. Chemin.
La soirée se termine sur des adieux langoureux entre Isabelle et Alix qui s’embrassent à pleine bouche, mais se retrouveront demain au boulot, je me demande comment elles gèrent un truc pareil. Jean-Paul me met sa patte sur l’épaule.
— A samedi et soyez sages, ou ne le soyez pas c’est encore mieux !
Alix s’installe côté conducteur et prend le volant. Elle sourit complètement libérée. Je réfléchis avant de parler: Scénario 1 «Alors comme ça on bouffe du cresson ma grosse loutre ?» Scénario 2 «Cette soirée était géniale, vivement qu’ils viennent à la maison», Scénario 3 «Samedi je suis probablement décédé ne compte pas sur moi.» Pas trop sûr de mes différentes phrases d’accroches, j’opte pour un simple:
— Vous avez l’air très complice avec Zaza
Alix soupire.
— Oui, effectivement, nous sommes très complices.
Je m’endors profondément mais je parviens tout de même à reprendre mes esprits juste avant d’aborder le dernier virage.
-— (…) Et Jean-Paul il est vraiment trop drôle et le rôti délicieux et leurs maisons j’adore la deco et Zaza ; enfin tu sais pour nous maintenant, tu ne peux pas savoir comme je suis soulagée.
Je constate sans surprise qu’elle ne s’est pas rendue compte de mon assoupissement. Le mélange des vins me tourne la tête, écrire me semble compromis pour ce soir et pourtant j’en ai une irrépressible envie. Je me rend compte de la vacuité de mon existence. Les désirs prosaïques de mes contemporains. Leurs problèmes ou leurs joies stéréotypées, stériles, qui ne mènent à rien. Il n’y a qu’au pied du mur que l’homme se révèle ou lorsqu’il souffre dans sa chair, dans son esprit. Quarante ans de passif terrestre à mon actif et qu’ai-je appris ? La plupart des humains vivent par procuration. Ils se créent eux-mêmes des difficultés, se victimisent ou au contraire se glorifient, ne s’intéressent qu’à leur misérable personne et pourtant il suffit parfois de faire le premier pas pour changer la donne, s’accepter pour exister. Des enfants dans des corps d’adultes consumés par le jeu social, prisonniers des conventions, des préjugés et des a priori. Toujours en veille, je capte les conversations des uns et des autres. Il y a longtemps que je n’y apprends plus rien d’intéressant ou de novateur. Je ne suis pas désespéré, j’ai juste abandonné tout espoir. Certains croient se réaliser dans leur sexualité, dans leur progéniture, les autres dans leur métier, se plongent à corps perdu dans ce qu’ils nomment le concret, le raisonnable. Mais au fond à quoi cherchent-ils à échapper ? Combien même le miroir aux alouettes leur ferait miroiter le contraire, nous mourrons tous. Pour ma part je suis déjà mort. J’accepte cet état de fait. Je suis bourré, je raconte sans doute n’importe quoi, mais le coeur y est. Inadapté ? Sans doute. Je subi leur réalité tandis qu’ils dénient la mienne, la réfute, en on peur. Le meilleur exemple de la misère humaine, on le trouve au service des Urgences, la nuit. J’en ai encore fait l’amère expérience le mois dernier quand Alix s’est plantée un morceau de verre dans le pied. Là-bas les laissés pour compte de la société viennent bon gré mal gré soulager leurs douleurs ou mourir. Ils ne reçoivent qu’avec parcimonie le minimum de réconfort moral qu’ils sont en droit d’attendre. Les accompagnants craignent pour ceux qui leurs sont chers, ils attendent parfois des heures inquiets sans nouvelles, dépourvus et abandonnés. De trop rares solidarités se nouent parfois entre les êtres. Dans l’ensemble tout ça m’écœure, me hante.
Alix se couche. Je reste assis à mon bureau, je ne lui ai pas dit bonne nuit, je crois qu’elle s’en fout. La musique se diffuse à travers mon casque relié à l’ordinateur. Cycle naturel. Alternance de jours et de nuits. Les mélopées de Jeff Buckley «Halleluia», «Creep» de Radiohead, «Madame Rêve» de Bashung s’enchaînent et même si je perçois leurs ondes magiques, je me sens sec et froid à l’intérieur.
J’ôte le casque. Je vais à la fenêtre fumer une énième cigarette. Je vois une étoile. Elle m’attire, tout peut s’arrêter maintenant. Il me suffit de prendre une grande inspiration et de me jeter dans le vide. Partir loin de toute cette chienlit, loin de ce monde peuplé d’enfants morts de faim, exploités, privés à jamais de l’innocence. Des adultes enlisés dans les faux semblants, la haine, la cupidité et les soi-disant responsabilités. Je n’ai jamais voulu infliger à un enfant un père tel que moi. J’ai raison. Mon cœur bat à tout rompre, une partie de moi me dis: «Vas y fais le qu’est-ce que tu attends», «qu’est ce qui te retiens», «vas y fais le» «libères-toi». « Allez un peu de courage, tu passes ta vie à te plaindre, à ruminer, à commencer sans jamais finir, tu as l’occasion de te rendre service et par là même de soulager la société d’un poids, dans l’éventualité où tu représentes quelque chose. Ton livre, roman ou histoire ? Une échappatoire d’un instant mais après ? sans but, sans envie, sans plaisir, sans désir, de quoi vivras-tu ? De déception ? de lâcheté ? de fuite ? d’attente de ce moment fatidique mais aléatoire ? » En accomplissant ce geste tu as le contrôle absolu de ton existence. Memento mori.
La vie est ainsi faite pour beaucoup: Barrières, frontières, blocages de toutes sortes et d’un coup tout se restreint à un enclos dont on ne s’échappe pas. Faire vivre l’impossible n’est pas une doctrine, une lubie de philosophe, une fuite du réel. Il s’agit selon moi d’une preuve ontologique de l’existence de l’homme. Sans l’envie d’aller au delà du possible, sans la hargne de dépasser les clivages, les cadres et les restrictions, rien de positif n’arriverait, le conformisme pour seule destination ? autant dire la banale mort. Faire vivre l’impossible mérite d’être entrepris à bras le corps et avec la détermination et l’énergie requise. Dont acte.
Et après tout, si la résolution de mourir coûte autant, que vaut celle de changer, bouleverser le cours des événements, de renaître, de prendre un nouveau départ, d’assumer une nouvelle vie sur de nouvelles bases ?
Une étincelle jaillit en moi. Je remets à plus tard mon projet morbide. J’éteins l’ordi. Je suis résolu. Je vais partir. Où ? Comment ? J’en saurais plus demain matin quand je serai à jeun, capable de réfléchir sereinement. Prêt à assumer un destin.
Un matin tu te réveilles, le cœur et l’âme gorgés de spleen, de mélancolie, tu repenses aux échecs, aux coups durs, à tes actes manqués, à ta lâcheté, à ta finitude, à ta douleur, à ce que tu penses être et à ce que tu penses ne jamais réussir à devenir, ta tristesse est si intense, tes remords et tes regrets si profonds. D’où tout cela vient t-il ? Pourquoi s’infliger ces supplices ? Les gens trouvent leur suprême plaisir dans ce qui leur est suprêmement étranger. Leur vanité y est intéressée; ils rient, applaudissent, remuent l’oreille comme les ânes, pour montrer qu’ils ont bien saisi : « C’est ça, c’est bien ça! » Eloge de la folie Nietzche
Sitôt leurs ébats achevés, Natasha se livre un peu plus sur son passé. Sordide. Ravissante jeune fille de la Volga. Famille confrontée à des difficultés financières. Cédée à la mafia locale à l’âge de 17 ans. Transférée en France après un passage en Italie. Rachetée avec un lot par Sergeï Tchernikesko, un souteneur réputé dans le tout-paris pour la qualité de ses pouliches. Elle était normalement destinée à rentrer au pays pour se marier avec un chef de gang. C’est pour cela que son frère était venu jusqu’en France, mais depuis l’arrestation de Sergeï, Eloïm « veillait » sur Natasha et sur d’autres filles comme elle, qu’il utilisait comme Vespales, sa garde rapprochée, destinées à des missions particulières: Séduire, soudoyer, corrompre et faire chanter les obstacles sensibles à la chair. Emprisonné pour diverses infractions aussi variées que braquage, trafic de drogue, proxénétisme aggravé, meurtre, récidive, il en avait théoriquement pour vingt ans incompressibles. L’avocat de la communauté, un proéminent ponte lui laissait un mince espoir, en apparence, mais verrouillait en coulisse toute possibilité de recours. Sergeï allait pourrir en taule, car telle était la volonté d’Eloïm. Quant à ceux qui voudraient la faire repartir en Russie de gré ou de force ils subiraient la loi du Gourou.
Natasha s’éclipsa comme la première fois sans un bruit, sans un mot. Sa relation avec Louis n’était pas finie, juste entre parenthèse. Ils savaient tous les deux, qu’avant de pouvoir espérer construire quelque chose ensemble Kadmon devait d’abord poursuivre son chemin, se confronter à Eloïm et peut être en finir une bonne fois pour toute avec son démon. Louis ne pouvait d’ailleurs s’empêcher de penser qu’il n’y avait encore pas si longtemps de cela, il n’était rien de plus qu’une coquille vide. Brisé et sans avenir. Le gourou l’avait en quelque sorte ressuscité après l’avoir tué. Démiurge, il lui avait donné un but, une fièvre, un amour. Louis n’étais plus seul désormais, il était en quête.
Le lendemain matin, sûr de lui, il se prépara rapidement et sauta dans sa voiture, gorgé d’adrénaline comme un parachutiste avant un saut. L’enquête devait être reprise à l’origine. Il n’y avait qu’une direction concordante: Le château de Lott.
Interlude
Medhi: «J’ai 3 ans et toi tu viens juste de naître. Je pourrais très bien t’étouffer avec un coussin ou te faire tomber du berceau face contre terre… J’ai 5 ans et je ne le formalise pas, mais je conceptualise ces idées. Je n’éprouve pas de sentiments à l’égard de ce minable petit être, ni des Géniteurs, ils sont là pour me nourrir et me servir. Ils sont fonctionnels. Je réalise que lorsque je souris ou quand je suis amical avec le morveux, ils manifestent leur contentement. Dès qu’ils me regardent, je caresse la joue du gniard et dès qu’ils se retournent je le pince. Il pleure. Je suis le plus fort. Je suis le meilleur. Il n’y a que moi qui compte et le monde tournera toujours ainsi…»
Le temps passe et Medhi grandit, il a 7 ans puis 9 ans. Son système de pensées n’a pas évolué mais s’est affiné. Les coupables de sa naissance ont plus de moyens financiers. Le père est un homme d’affaire cossu et la mère une femme au foyer on ne peut plus respectable. Medhi est prédestiné à vivre comme un Prince. Le petit frère lui fait de l’ombre. Medhi tue le petit frère. Il n’y a aucune preuve de sa culpabilité, mais il est rejeté, écarté du foyer meurtri. Il part vivre le reste de sa jeunesse en pension.
Medhi a 33 ans, il est adulte, il galère mais se renforce. Il change d’identité, devient Eloïm. Décidé à couper ses racines, il retrouve la trace des Géniteurs. Il envoie une équipe pour bruler la maison et exterminer ses occupants, lui pendant ce temps reste dans la voiture, contemple son oeuvre. Eloïm/Medhi se délecte du spectacle, un sourire carnassier déforme son visage impassible. Comme le disait si bien Léon Bloy « Quand on demande à Dieu la souffrance, on est toujours sûr d’être exaucé. ».
— Je suis Eloïm, Dieu, YHWH: Celui qui est l’objet de la crainte.
Le portail électrique s’ouvre automatiquement sans qu’il n’ait besoin de décliner son identité. Il faisait presque partie de la maison maintenant…
Cette fois il emprunte la route en voiture, se gare à l’emplacement réservé usuellement au Hummer ou tout autre véhicule d’Eloïm. Le maitre n’était pas en ses lieux. Louis imaginait la tête du gourou découvrant sa place de parking occupée par la voiture de son pire ennemi…
« Rien à foutre ! » Louis était galvanisé par sa romance avec Natasha « Je suis en mission, à la recherche d’indices et d’ici je vois parfaitement le domaine, ainsi que le bâtiment dans lequel il est entré la dernière fois. Les lumières sont éteintes. Fermé. Sans doute impossible de pénétrer à l’intérieur. Tous les accès doivent être verrouillés. Je ne m’y attarde pas. » Des ouvriers s’affairent sur les ruines du château. La reconstruction demanderait du temps et de l’argent, l’organisation ne manquait d’aucune ressources.
D’après le planning affiché sur le panneau central, les adeptes en nombre important, « comme quoi rien ne perturbe longtemps les hommes » ironisa intérieurement Louis, vaquaient à leurs différentes activités: Yoga – Macrobiotique – Perception de soi – Amour & Confiance – Aqua Gym – Libération de la parole. Le journaliste fit une moue sceptique pour ne pas dire plus: « De la foutaise en stocks, oui ! »
Kadmon regardait attristé les uns et les autres déambuler, sérieux comme des papes, habillés du kimono ou du sari réglementaire. Le personnel affable portait un uniforme composé d’un pantalon noir et d’une veste col Mao assortie, des gants blancs immaculés et souriaient béatement à quiconque croisait leur chemin. Il hésite à les aborder mais ne savait pas quoi leur dire, d’autant plus qu’il ne respectait pas vraiment l’harmonie vestimentaire, avec son jean fatigué, sa veste pied de poule hors d’âge et ses nike d’ado. L’idée de venir ici restait la bonne, il en avait l’intime conviction, mais où aller, quoi faire ? Ses pas le ramenèrent mécaniquement devant la maison VII. La porte n’était toujours pas verrouillé et la caméra qu’il avait détruite toujours pas remplacée. Son cœur frémit, Natasha, avait-elle anticipé son dessein ?
Personne au rez de chaussée, ni à l’étage. Il se frotte les tempes: «Allez, au boulot.» Il fallait qu’il trouve quelque chose. N’importe quoi. Un nom, une piste… La liste ! Mais quel con, depuis le début il avait accès aux victimes et il ne l’avait même pas analysée correctement. Louis fouille néanmoins la maison de fond en comble: Sous le canapé, sous le tapis, dans la cheminée, entre les lattes du lit… il se prenait pour un flic en train de perquisitionner. Soudain il remarque, coincée au fond d’un tiroir de la commode de l’entré, une carte de visite:
Alexandre Absalon. Free speech teacher.
Reboosté par cette incroyable découverte, il confronte le nom avec la liste des victimes. Absalon était noté dans les blessés graves. Louis s’inquiéta: «Merde ! pourvu qu’il ne soit pas mort. J’ai besoin de lui… Eloïm a un autre mobile que l’argent, je le sens.» Il dégaine son smartphone et appelle tous les hôpitaux de Paris et de Bordeaux. Le journaliste après une dizaine d’appels perd presque espoir, mais il s’accroche. Finalement on lui annonce qu’une personne répondant à ce nom était bien hospitalisée à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux, dans le service des grands brulés. Louis s’y rend aussi vite que possible. Il se fait passer pour un proche de la famille. Ils ne bataillent pas trop à l’accueil. On lui accorde une demi heure. Ses jours n’étaient plus en danger mais il restait toujours en soins intensifs. Kadmon passe dans un sas avant d’entrer dans une chambre en Plexiglas. Il faut d’abord se laver les mains, revêtir une blouse, des chaussons et une charlotte. La personne qui est allongée dans le lit ressemble à une momie, recouverte de bandages, intubée, perfusée partout où c’est possible, entourée de plusieurs moniteurs. Absalon tourne péniblement sa tête. Sa voix ne semble plus humaine. Terriblement rauque. Presque inaudible.
— Le journaliste ? Je m’attendais à votre venue.
Kadmon ne s’étonna pas. L’important était d’emmagasiner le plus d’informations possibles.
-— J’ai besoin de comprendre. Racontez-moi ce qu’il s’est passé le soir du drame. S’il vous plaît ? Il s’assit sur une chaise, s’approcha d’Alexandre et l’écouta sans faire de bruit.
Au prix d’un énorme effort Alex se redresse, tente d’éclaircir sa voix mais c’était impossible. Son visage ou ce qu’il en restait se tordait de douleurs.
« Aïe, ma gorge me fait atrocement souffrir. Attendez un instant. Voilà. Je vais vous raconter ce que je peux. Après je vais dormir. J’ai si peu de forces… Vous le savez peut être, je suis membre de la communauté depuis cinq ans. J’ai contribué à l’essor du centre français. Je m’occupe d’un atelier: Libre Parole.
Je suis arrivé au château vers 21:00. A pieds. J’habite dans une maison derrière le château, mais vous le savez déjà sinon vous ne seriez pas là.
Un groupe d’hôtesses, ravissantes, nous attendaient à l’entrée. Membres comme personnel. Elles étaient là pour procéder au tri. Tout le monde n’est pas invité à ces soirées caritatives. Cela ne m’a pas choqué. J’ai l’habitude. Seules des identités compatibles sont acceptées dans nos événements. Une méthode éprouvée pour qu’il n’y ait jamais de mécontents. »
Il toussa avec peine. Le bruit était affreux. Alex reprit son discours.
« Sur le perron certains fidèles trainaient. Heureusement pour eux qu’Eloïm n’était pas là parce qu’il déteste ce genre d’attitude. Tous buvaient du champagne. Ils étaient si beaux, si bien habillés. Ils arboraient fièrement le badge de la communauté, mais les invités ne venaient pas tous de mon centre. J’en ai reconnu quelques-uns qui venaient d’ailleurs. J’étais surpris parce qu’ils n’avaient pas bonne réputation. Je me disais que c’était peut être une technique de notre guide pour les remettre dans le droit chemin. Je me souviens qu’à l’intérieur du château, l’alcool coulait à flots. La djette, un top model au placard pour des problèmes de dope, s’occupait des platines pendant que Léo, l’organisateur de la soirée, était parti faire le beau avec des cadres de la communauté. Elle a enchaîné des super morceaux. J’adore tellement la musique. Sans vraiment chercher à l’écouter, j’ai entendu Léo parler, c’était bizarre. Il était à l’hôtel après une soirée de la communauté, il avait fini comme toujours avec de la coke, de l’ecsta, tout ce qui pouvait lui permettre de croire un peu plus longtemps qu’il était un dieu, que le monde était à lui et qu’on l’aimait sans aucune mesure. Starfucker. Bref, il avoua avoir consommé de tout plus que de raison. Peu de temps après il s’est senti mal. Il a fait des tests sanguins, il avait contracté une forme particulière du virus que nous redoutons tous. Un truc hyper insidieux qui te règle irrémédiablement le compte en un rien de temps, mais sans avoir vraiment d’échéance précise. Pour les filles qui étaient avec lui, il ne savait pas si elles étaient également plombées. Il s’est confié à Eloïm qui lui avait offert cette dernière soirée en cadeau de départ. Un trip ultime avec une fin mystérieuse. L’idée c’était d’affoler une dernière fois les médias. Tout pour le Show. J’étais trop bourré pour comprendre de quoi il s’agissait, sinon j’aurais pris mes jambes à mon cou et je serais parti aussi loin que possible. »
Louis se retenait de le dire, mais il se doutait bien qu’Eloïm allait régler leur compte aux médecins, aux laborantins et aux filles malades ou non. Aucunes traces et surtout rien qui puisse ternir la réputation de l’ordre. Alex ne pouvait contenir une nouvelle quinte de toux. Il n’avait pas le droit de boire. Il souffrait le martyr.
« La piste de danse, comme dans une véritable salle de bal, s’embrasait littéralement, j’allais découvrir un peu plus tard l’horreur de ce mot. Marie, une Vespale était magnifique dans une robe de créateur, elle encadrait Cassandre une jeune paumée qui voulait quitter la communauté. Il devait être aux alentours de minuit en tout cas c’est ce qu’indiquait ma Rolex, un cadeau d’Eloïm. Nous nous amusions comme des collégiens. Stan un nouvel adepte exubérant, exécutait une espèce de danse du scalp. L’index en l’air, il gueulait des « wouh » « wouh » comme une hyène enragée. Ça non plus Eloïm ne l’aurait pas toléré. Cassandre qui malheureusement se trouvait juste à côté s’est faite vomir dessus. Je me suis barré très vite, histoire de ne pas être de près ou de loin associé à cet événement, on ne sait jamais, cela aurait pu me couter ma place. Marie rouge de colère est partie s’occuper de sa protégée traumatisée. Je suis allé fumer une cigarette sur les remparts. Léo faisait de même, il regardait le ciel étoilé. Quand je suis rentré, hasard ou démente coïncidence , Nicolas, mon frère, se tenait face à moi. Marc et Jérome mes proches amis à ses côtés.
Des larmes coulent sur ses pansements.
— Putain les gars qu’est-ce que vous faites là ?
— Nous avons tous reçu en début d’après-midi une convocation pour venir à cette soirée, ça semblait important. Répondit froidement Nicolas.
Marc et Jerome opinèrent du chef.
— On ne s’attendait pas à se retrouver ensemble, on est venu chacun de notre côté renchéri Marc.
Jerome ne cessait de regarder à droite et à gauche, visiblement à l’affut.
Lorsque je m’adressais à eux mon ton était involontairement acerbe ce qui donnait à Nico l’occasion de me provoquer.
— Ta tête a tellement enflée, regarde toi et ta chère Vespale, elle est où ?
Je suis devenu rouge de colère, Il y a des choses qui ne doivent pas être dites. Comme d’habitude on s’est frictionnés un petit moment, remplissant nos verres de champagne frappé. Stan ne revenait toujours pas. Nicolas ricanait de me voir de partir à sa recherche, mais ça fait partie de mon job, de la mission, s’assurer que tout le monde va bien. Mon frère en avait marre de tout et ne croyait plus en rien, ni en notre action, ni en Eloïm. Lorsque je suis revenu, il y a eu un flash de lumière, le temps s’est comme figé, mais accéléré en même temps, je ne sais pas je n’arrive pas à décrire, c’est si confus et puis un vacarme énorme, impressionnant. J’étais au bar installé au 2ème étage, pendant que mes «amis» regagnaient la table délaissée par Marie, Stan et Cassandre à côté de la piste de danse. Je n’ai pas réalisé tout de suite mais j’ai vu l’horreur, des flammes, des éboulements. De la panique, les gens qui se projetaient en masse contre l’entrée du bâtiment, comme les saumons à contre courant. Toutes les issues étaient bloquées. Impossibles à ouvrir. Je voyais Marie et Cassandre blotties l’une sur l’autre, assises sur les marches, à droite de la porte d’entrée, avec le mouvement de foule elles risquaient d’être piétinées mais elles ne pouvaient pas bouger. »
Alex perdait sa voix, en l’écoutant parler et en regardant son visage ravagé, Kadmon ressentait profondément ce qu’il lui décrivait. Il ne dormirait plus pendant des jours. Inévitable, prévisible, inéluctable, tous les qualificatifs étaient applicables à la situation mais aucun ne pouvait reproduire fidèlement ce qui s’était réellement produit lors de cette macabre nuit. Il soupire:
« Léo et Jerome se sont fait écraser en un instant sous mes yeux hagards au bas des marches, produisant un double bruit sourd, mat, disloquant, lourd. Juste à côté de Cassandre qui réalisa après coup et se mit à hurler comme une damnée, suivie instantanément de Marie et la peur s’empara un peu plus de nous. Je suis coincé en haut, je ne peux rien faire. La djette hurle, en flamme, c’est surréaliste. Les smartphones sont dégainés mais il n’y a pas de réseau. Il y en a qui filment. Prennent des photos. Notre «service de nettoyage» les confisquera tous jusqu’au dernier avant de prévenir les secours. J’essaie de descendre, je croise Stan qui git inconscient dans une mare sanguinolente, peut être est-il encore en vie, mince espoir ? Franchement j’en sais foutre rien. Jamais su prendre un pouls, la tension, ce genre de conneries. Yoshida, reine de beauté méconnaissable, parodie humaine, complètement défigurée. On était pas dans un putain de film, c’était la maudite réalité qui nous attrapait au collet et serrait son étreinte. La deuxième détonation me cloua au sol. Je perds connaissance. je suis comme happé, je sens mon corps se dissoudre, une douleur inouïe, je m’évanoui de nouveau. Totalement déphasés par l’ampleur du chaos, ce que je crois être les secours essaient de faire leur travail dans des conditions extrêmes, nous extraient des décombres. J’ai entendu des cris, des gens psalmodier, vu des moribonds, des pantins disloqués. Finalement les corps ont été chargés dans les ambulances. Au bout de combien de temps ? aucune idée, j’ai l’impression que tout s’est déroulé dans une microseconde d’éternité. Gyrophare et sirène, douleur et mort. Une pensée terriblement cynique me traversa l’esprit: pour une fois il n’y a pas eu tromperie sur la marchandise, une soirée de Léo on s’en souvient toute sa vie. Surtout quand c’est la dernière. »
Les yeux d’Alexandre se remplissent de larmes. « Mon Dieu ! Ayez pitié ». Il se saisit du bras de Louis, cherche à parler dans un dernier souffle.
— On a été exécutés. Pourquoi ? Je n’en suis pas sûr, mais ce n’était pas un accident.
— Alexandre qu’est-ce qu’Eloïm aurait pu vous reprocher ?
Il rassemblait ses dernières forces:
— Pour ma part, j’entretenais une liaison avec Marie. En dehors des missions, Eloïm interdit formellement aux Vespales tout rapport avec d’autres personnes que lui. Cela vaut condamnation à mort.
Natasha ? non ce n’est pas possible.
— Est-ce qu’elles peuvent être affranchies ? Alex, réponds moi, Alex ?
Il s’est endormi. Je me retire, une larme coule sur ma joue. Je reviendrai demain poursuivre mon interrogatoire.
A peine une heure plus tard, une autre visite, beaucoup moins cordiale. Une main se plaque sur sa bouche d’Absalon. Il se réveille affolé, perclus de douleurs, les yeux exorbités, son corps se secoue de soubresauts.
— Chut ! Doucement…. Tu as bien fait ton travail. Eloïm est fier de toi. Tes souffrances vont t’être abrégées. Tu es dorénavant digne de figurer parmi les martyrs de notre ordre. En costume d’infirmière, Natasha ne laissait apparaître aucune émotion. La seringue gorgée d’une dose létale de morphine se vide peu à peu dans le cathéter d’Alexandre. Ses yeux se ferment, son corps se relâche. Il retourne à la Jérusalem céleste.
Je n’ai pas du tout envie mais j’y suis. Face à nous, une discrète porte cochère qui ne laisse rien imaginer de ce qui peut se dérouler une fois entrés à l’intérieur. Jean-Paul sonne à l’interphone et se présente. Nous attendons une petite minute. Irène magnifique black longiligne aux seins proéminents et vêtue d’un rien, nous accueille chaleureusement.
— Entrez mes amis, ce soir chez moi Irène, toutes les audaces sont permises. Suivez moi ! Vous aller apprécier…
Je suis en costume noir, chemise blanche et cravate noir. Alix est habillée comme Zaza: Jupe; bas-résilles; haut rouge largement échancré. Affreux et vulgaire. Jean-Paul pour sa part, se croit chez Eddy Barclay, pour une soirée blanche. Nous laissons tout d’abord nos manteaux au vestiaire à une charmante hôtesse aux seins nus.
L’établissement, nous dit la propriétaire, est conçu sur plusieurs niveaux : Au sous sol: Glory Hole, Sauna, Jacuzzi, tables de massage, pièces pour fétichistes. Au rez-de-chaussée, le bar et la piste de danse. Au premier étage un autre bar, des chambres et des pièces « à découvrir ». Irène nous conduit au RDC à une table un peu surélevée dans un coin.
Jean-Paul passe son temps à me donner des coups de coude, à faire la bise à des couples moches et ordinaires. Zaza présente Alix à ses amis de parties fines. Je regarde ma montre. Je ne suis pas à ma place ici. Une bouteille de champagne que nous n’avons pas commandée nous est apportée par la taulière. Zaza l’embrasse sur la bouche en guise de remerciement, Jean-Paul fait de même. Alix les regarde comme des célébrités du petit écran. Les corps qui passent devant moi ne sortent malheureusement pas des pages de magazines de mode, excepté pour quelques unes. Certaines filles sont nues, d’autres en lingerie, les hommes sont en costumes, pantalons et chemises.
Odeurs de parfums et de sexe aseptisé. Les plus narcissiques ne cessent de s’admirer dans les nombreuses glaces stratégiquement situées sur le sol, au plafond et sur un large pan de mur. La musique est un pot-pourri de titres efficaces, house – funk – rock, matinée de tranches de slows destinés à « sensualiser » les échanges entre partenaires…
On aperçoit par ci et par là des mains dans des braguettes, sous des jupes, sur des seins, des danses tantriques ou exotiques. Jean-Paul m’emmène faire un tour.
Derrière un paravant une asiatique se fait doublement pénétrée avec apparemment beaucoup de délectation par un homme bien membré et une femme équipée d’un gode ceinture. Un peu plus loin sur un lit géant, une blondinette mignonne, lèche goulûment la chatte d’une nana quelconque. 5 ou 6 mecs sont autour d’elles, ont sortis leurs queues (pas bien grandes) et se masturbent en attendant leur tour, comme à la sécu.
En bas l’atmosphère est bien différente: Des trans, travelos et autres she males qui s’amusent à bonder des mecs en costards ou habillés en latex.
Franchement, je ne suis pas du tout emballé par ce genre de pratiques. Ce n’est pas ma tasse de thé, mais il faut reconnaitre qu’Irène a parfaitement conçu son Club, pour toutes les sexualités. Un gros notable se fait fouetter le cul, je baille. Je demande à «JP» où sont les chiottes.
— Au fond, à gauche.
J’aurai du m’en douter. Il n’y a pas de verrous aux toilettes qui sont mixtes. Je coince mon pied sous la porte pour éviter d’être ainsi exposé. Je me dépêche, tire la chasse, j’entends des bruits moites derrière moi, on tambourine. Je me dépêche de me rhabiller.
Vision effrayante, une dame bien portante d’une cinquantaine d’années est appuyée les deux mains sur l’embrasure de la porte, perd l’équilibre, me tombe dessus avec son mec derrière elle qui devait certainement la prendre en levrette. Au prix d’une acrobatie monumentale, j’arrive tant bien que mal à contenir le tout. Je suis coincé contre le mur, la femme collée contre moi et l’autre derrière le pantalon baissé qui recommence à la pistonner, comme à l’animalerie.
— Pardon…
— Ah mais tu ne vas pas partir comme ça mon joli !
— Non, enfin si, je ne suis pas trop dans le truc là.
— T’inquiètes tu vas y être dans le truc
Elle me passe sa langue sur mes lèvres, carrément dégueulasse et je sens les secousses de l’autre sur moi. J’hallucine.
— Ah ben ça va, tout se passe bien pour toi, tu t’éclates bien ?
Jamais été aussi soulagé de voir et d’entendre ma rombière. Le couple s’arrête, j’en profite pour m’échapper.
Alix est folle de rage. Hystérique.
— Merci beaucoup, tu viens de me sauver !
— Ouais c’est ça ! pervers ! malade ! tu crois quoi ? On est pas venu ici pour satisfaire tes bas instincts.
Il vaudrait mieux qu’elle se calme, parce qu’elle commence à me gonfler sévère.
— On est là pourquoi alors ?
Elle est rouge de colère, cherche ses mots:
— Tu comprends rien de toute façon. T’es un minable, un pauvre mec dans sa bulle, perdu dans le monde des bisounours, si je n’avais pas besoin de toi pour partager les charges de l’appart je me serais barrée depuis bien longtemps. Tu me débectes, capice ?
Un énorme soulagement me traverse. De toute façon à travers ce prisme du miroir qu’est l’autre, je solde inévitablement mes comptes avec une partie de moi que je rejette, alors autant l’accepter:
— Cette fois c’est bon, je comprends, ouais, Ok !
— Quoi, Ok ?
— Tu viens de me donner le signal dont j’avais besoin.
— De quoi ?
— Tu as raison. Plus rien ne rime entre nous. Je me sens oppressé, malheureux. Pour toi c’est pareil, tu viens de me le dire et puis tu as Isabelle et Jean-Paul avec qui tu vis un truc malsain de ménage à trois. Je n’ai pas de place dans ce schéma là.
— Quoi ? Tu me quittes, mais t’iras où ? Tu ne sais rien faire ! Un gosse ! T’es pas prêt d’en retrouver une comme moi, avec tout ce que j’ai supporté et subi.
— Tu as raison, tu as suffisamment souffert à cause de moi. J’y vais ! Bonne soirée.
Alix est en larmes mais je ne sais pas si c’est de nerfs ou de tristesse. Sincèrement je m’en fous. Je sors de chez Irène, libéré d’un poids, comme après un examen. Ni remords, ni regrets. Un nouveau départ, une nouvelle chance, une nouvelle vie. Je suis le fruit d’une partouze, né dans un club libertin, je démarre donc sous les meilleurs auspices !
Le taxi me dépose devant mon désormais ex chez moi. Je fais confiance à mon instinct pour me guider. Je charge mon sac de voyage du strict nécessaire, j’imprime les pages de mon roman en plus d’une sauvegarde sur clé usb, j’examine rapidement les lieux pour évaluer ce qui est à moi, ce qui partira au garde meuble en attendant que je me retrouve une piaule. Il est très tard. Je n’ai pas le choix, je vais dormir à l’hôtel et demain matin je prendrais le train en direction de Bordeaux. Pourquoi Bordeaux ? C’est une destination comme une autre et j’en parle dans «Au Commencement.» Je m’assois un instant sur le lit. Ce n’est pas elle le problème, ça ne l’a jamais été, je suis la source de tous mes maux et des siens dans notre couple, elle a raison sur beaucoup de points, mais ce qu’elle devenue, ce qu’elle veut faire de notre vie commune ne me convient pas. J’ai besoin de dangers, de confrontations, de challenges, de m’accomplir. Après avoir fait plusieurs fois le tour de la question, je me rend compte aujourd’hui que la seule chose sur laquelle j’ai la possibilité d’influer est ce qui émane de moi, mes actes, mes pensées, mes jugements. Je m’allonge les yeux ouverts mais humides, fixe le plafond. Finalement c’est encore un jour sans. Pas assez psychotropé, pas assez alcoolisé.
Seul, je rumine ma chienne de vie. Trop lâche pour en finir, trop fier pour en sortir, trop confortable dans l’existence, trop d’imagination dans l’esprit, trop de rêve dans le cœur, trop d’égo dans le sexe, trop de souffrance dans le corps, trop de moi partout, trop de je permanent, tellement pas assez de toi (qui ?), tellement pas assez d’amour, tellement de peur, tellement de reproches, tellement de cris, tellement de rage, pas assez d’encre (sur la peau), tellement de larmes, tellement de culpabilité, tellement d’échecs pour si peu de réussites, tellement d’essais pour si peu de transformation. Tellement de faux pour si peu d’authenticité, tellement de pression, tellement de manque, tellement de froid, tellement d’absence, tellement d’abandon. Chienne de vie pour bâtard de moi. Un autre à ma place s’aimerait peut être. C’est parce qu’il n’est et ne sera jamais moi. Souhaitons lui au moins ça ! Putain mais renonce à courber l’échine. Résiste au poids des souffrances, exerce toi sans relâche à garder en toutes circonstances la tête haute. Ce n’est pas une bravade ou l’expression de l’arrogance, mais bien au contraire le signe de l’Homme en route vers son affranchissement. Peu importe les difficultés garde la tête haute, peu importe les rejets garde la tête haute, peu importe les brimades garde la tête haute, peu importe les frustrations garde la tête haute, peu importe les regards garde la tête haute, peu importe les larmes garde la tête haute, peu importe le mal garde la tête haute, peu importe les succès garde la tête froide et haute. Tu seras patient, tu n’engageras que des combats que tu peux remporter, valablement et en luttant à armes égales tout en gardant la tête haute. La vie n’est vécue qu’avec la tête haute et la fierté d’être ce qu’on est et même si certains veulent te casser, te détruire et t’aliéner fait ce que doit, la tête haute, l’horizon en ligne de mire.
Je souffle un bon coup, me redresse, empoigne le sac. J’ai laissé la clef de l’appart à côté d’un mot laconique et sans affect. Je cherche un taxi, je n’en trouve pas. Je marche pendant plus d’une heure jusqu’à la Gare Montparnasse.
Hotel Ibis ? Je prends sans réfléchir. Le préposé de nuit me donne la chambre 33. Fonctionnelle, sans âme, avec douche. Mon réveil est programmé pour sonner à 6:00. Mon téléphone portable regorge de messages que je ne lis ou n’écoute pas. Le lit n’est pas désagréable. J’éteins la lumière. Silence.
Fébrile. Le journaliste passe la nuit à analyser la liste des victimes, à reprendre toutes ses notes sur la communauté, recouper l’histoire des Vespales et leur mode de fonctionnement. Il n’apprend rien de nouveau sur le sujet, en revanche il découvre le lien entre les victimes. La plupart étaient sur la sellette: Médias, affaires. Les autres avaient un contentieux en interne avec le patron de la secte.
8:00 du matin, Kadmon retourne à l’hôpital. L’infirmière de garde lui annonce, peinée, la mort d’Alexandre Absalon. Il s’en était intuitivement douté. Louis hésitait à exploiter une autre piste, le frère de Natasha, mais il n’avait pas assez d’indices pour le retrouver. Il était à court de munitions., faisait les cents pas devant l’hôpital, cigarette en bouche.
— Monsieur Kadmon ?
Armoire à glace, l’air féroce. À priori ne cherche pas son chemin. Le journaliste d’ordinaire plus impétueux osa une timide réponse.
— Oui
— Veuillez me suivre
— Je n’ai pas le choix ?
— Non
« Si Eloïm ne viens pas à toi, c’est toi qui ira à Eloïm »
Une BMW noire qui aurait mérité d’être immatriculée « mafieux 33 » les attendaient. Le molosse ouvre la portière arrière droite du véhicule. Personne dans la rue ne fait attention à eux. Il ne pouvait pas s’échapper. Il s’incline, vaincu. Le chauffeur roule vers une destination qui semblait évidente au journaliste. Le gourou voulait le voir. Le décor défilait à vitesse grand V mais dans le silence de la superbe berline. Arbres, forêts, travaux, maisons abandonnées ou habitées, Louis s’était toujours demandé ce que ça pouvait faire de vivre en bord de route. Probablement la même chose que dans une rue passante de centre ville mais en beaucoup moins drôle. Impossible de faire l’homme brave et courageux, il n’en menait pas large.
La voiture arrive au domaine, mais au lieu de rester en surface, ils s’engouffrent dans un tunnel sous le château. Le chauffeur se gare. Le Golgoth précéde Louis qui descend du véhicule, retient instantanément sa respiration, le parking dégageait une odeur fétide d’humidité. La lumière était faible. Subitement on lui mit un bandeau sur les yeux. Le garde du corps lui maintenait fermement les bras. Impossible de s’échapper, mais en réalité toutes ces précautions étaient inutiles, lui aussi voulait discuter avec Eloïm Ils prirent un ascenseur, franchirent des dédales de couloirs. Louis est projeté sans ménagements dans une pièce vide aux murs de béton nu, hormis deux fauteuils Chesterfield qui se faisaient face.
— Laissez nous !
— Bien monsieur.
Cliquetis d’une clé dans la serrure. Enfermés. Un homme se tenait à l’autre bout de la pièce, dos à lui, en costume noir, les mains croisées, il contemplait par l’unique fenêtre le domaine, son domaine.
— Kadmon
— Mehdi
L’homme tourne légèrement la tête, marque un temps d’arrêt
— Voilà un nom surgit des entrailles du passé
— Sans doute
Louis était sur ses gardes, à la fois excédé par cette mise en scène et curieux de savoir à quoi le gourou voulait en venir.
— Je suis heureux que tu sois là
— Je n’avais pas le choix
— Ne t’offusques pas, le jeu n’est pas pour toi mais pour eux, si je ne donne pas le change et ne théâtralise pas mes actes, je perds de la crédibilité et tu sais bien qu’une grande partie de mon édifice tient dans le culte de ma personne.
Eloïm ne s’échappait pas, analysait les faits avec lucidité, un vrai démon.
— Alors c’est comme ça que ça va se finir
— Louis, Louis, Louis. Il fait volte-face. Jusqu’à présent tes analyses étaient intéressantes quoique désagréables, mais là tu manque de discernement.
Le journaliste s’assied, le fauteuil était confortable. Le gourou prend place en face de lui, il croise élégamment ses jambes. Beau, digne et fier. Captivant. Comme Baudelaire avait raison: « La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas. ».
— L’occasion de te tuer s’est présentée tellement de fois et pourtant cela ne m’a jamais traversé l’esprit. J’avoue que si tu avais poussé le vice à accompagner Natasha voir son prétendu frère tu serais mort.
— Un piège ?
— Pas vraiment, il fallait que je sois sûr de tes sentiments pour elle.
— Je ne te suis pas.
Le gourou se lève, fait quelques pas. S’arrête:
— Pour faire simple, j’ai besoin d’une descendance, un héritier en ligne directe ne tiendrait pas longtemps, soit il développerait le complexe de brutus et je serais contraint de l’annihiler, soit un membre de ma chère communauté le supprimerait, ce qui serait d’autant plus fâcheux, que j’ai réglé le compte des éléments a priori les plus dangereux. J’ai bien réfléchi et j’avoue que le fruit de l’union entre la Vespale et toi est mon option la plus intéressante.
— Quoi ?
— Louis, malgré tout ce que je t’ai fait subir, tu as toujours su garder une certaine mesure dans tes offensives à mon encontre, une retenue qui me prouve ta valeur. Tu n’es pas un faible. Tu es intelligent quoique brouillon et quel symbole pour les opposants à mon ordre !
Le journaliste semblait perdu, il s’était attendu à tout sauf à ça.
— Si je suis ton raisonnement: Je deviens membre de ta communauté, tu organises mon mariage avec Natasha, nous avons un enfant et cette progéniture devient à terme le nouvel Eloïm ?
— Exactement, tu vois quand tu veux !
— Pourquoi je ferais une chose pareille ?
— Parce qu’au fond tu as toujours rêvé de nous rejoindre, parce que tu sais à quel point le monde extérieur est vil et sans intérêt. Parce que je t’offre la chance de devenir quelqu’un, d’important, de reconnu, d’utile.
— Mais tous ces morts ?
— Tu ne vas pas faire la fine bouche ! Oui ils sont morts. Ils ont servi l’ordre, mais ils risquaient de le détruire par leurs actes répréhensibles. Ils sont condamnés de toute façon aux yeux de Dieu. Ici ils viennent absoudre leurs péchés. Si tu savais tout ce que j’ai entendu… entre les veuves qui ont empoisonné leurs maris, les entrepreneurs qui font crever des gosses à la tache pour produire plus et moins cher, les responsables mais pas coupables, crois-moi Louis, il y a des hommes qui ne méritent pas mieux.
Kadmon ne savait pas, ne savait plus, une partie de lui refusait ce discours et une autre s’en délectait, des Thomassins ou des Bonvallet pouvaient bien crever, l’humanité ne s’en porterait que mieux.
— Quel serait mon rôle dans l’ordre ?
— Yessod, enfin Leo Admonakis est passé de vie à trépas, je t’offre son rôle au conseil d’administration et une place de choix à mes côtés, une sorte de bras droit si tu veux.
— Yessod ?
— Appellation donnée d’après les Séphiroth kabbalistiques, cela donne une connotation ésotérique très appréciée des administrés, mais je t’expliquerais tout cela en temps voulu.
— Natasha ?
— Natasha excelle dans son domaine !
— C’est une tueuse…
— Rien ne t’échappe, tu es vraiment formidable. Oui Natasha est une Vespale.
— Alors ?
— Alors, je dois la garder à mon service, je n’y dérogerais pas, elle restera Vespale, ne sera donc pas affranchie, mais elle t’appartiendra, je n’aurais plus de droits sur elle, tu en seras le maitre. Dommage pour moi, une remarquable professionnelle à tous points de vue.
— Si je refuse ?
— D’après toi ? Vous mourrez tous les deux et je trouverais une autre solution pour ma descendance.
— Je peux réfléchir ?
— Non, c’est exclu. Tu dois prendre ta décision, immédiatement et celle-ci est irrévocable.
Dans un souffle qui rejetait tous ses principes moraux, la crainte révérencielle de l’existence de Dieu et autres fondements, Louis regarda froidement Eloïm et dit:
— J’accepte
— C’est marrant, mais je n’attendais pas une autre réponse de ta part.
— Bienvenue Yessod, tu es dorénavant chez toi. Karl va t’accompagner à ta nouvelle résidence, la VII que tu connais déjà très bien, coquin ! ensuite tu te prépareras pour ton intronisation qui se déroulera ce soir, les fidèles n’attendent pas. N’aie crainte, Natasha t’aidera. Nous allons nous voir très souvent au moins dans les premiers temps, ensuite si tout se déroule comme prévu tu auras plus d’autonomie. Dernier point, ne m’appelle plus jamais Medhi, pour toi et pour les autres je ne réponds qu’au nom d’Eloïm et il est de loin préférable que tu m’appelles monsieur.
— Oui… monsieur
— Bien, très bien. Allons croquer la pomme mon ami !
Il appuya sur un interphone dissimulé prêt de la fenêtre.
— Karl, nous avons terminé.
— A très bientôt Louis. Ne me remercie pas, c’est tout naturel.
Eloïm quitte la pièce par une entrée coulissante dissimulée dans un pan de mur. Kadmon avait l’effroyable impression d’avoir conclu un pacte avec le diable.
Dans le TGV. «Espace famille» Monsieur lunettes noires sportives et chaussures de décathlonien au ventre rebondi, est parfaitement concentré dans son magazine oups. Evidemment, il ne s’occupe pas de sa regrettable (à mon sens) progéniture, qui en profite pour assassiner sans vergogne, les oreilles des pauvres passagers placés par la malédiction du destin dans le même wagon.
L’adulte parent responsable, au sens communément admis du terme, érige un système hiérarchique accepté et fondé. Délimite un cadre censé permettre à l’enfant un épanouissement destiné à lui permettre de bien vivre en société. Au passage, il serait flatté, si en récompense du temps passé à son éducation, celui-ci pouvait lui octroyer une gratification sociale dénommée réussite. Le parent est par nécessité sur un autre mode générationnel: Codes sociaux. Technologie. Economie. Système éducatif. Idéologie. Valeurs. De fait s’instaure un clivage encouragé par la société de consommation pour qui l’enfant est l’axe indispensable de son développement. S’en suit une course sans fin dans laquelle le parent ne pense qu’à faire de son héritier un bon élève social et lui octroie plus que nécessaire. L’enfant s’abreuve à la source d’une eau empoisonnée (fait déjà constaté par Aristote) et s’affranchit du cadre imaginé comme idéal par le parent, devenant ainsi l’irrémédiable fruit d’une éducation ratée. La société médiatique extrapolante et bien-disante dénonce comme de bien entendu tout comportement ou attitude non contrôlée, sauf si économiquement récupérable… Responsabilisation et culpabilisation de l’adulte grâce à des exemples marquants, permettent de les sensibiliser aux dangers créés par ce même système et par là même de les complaire dans leurs fallacieuses certitudes. Le meilleur des mondes de 1984 n’est jamais loin.
Madame, regard bovin, est assortie vestimentairement à sa vulgarité naturelle, démontre son absolue absence d’autorité, ainsi qu’un léger penchant pour la délégation de pensée.
A ce propos, n’oubliez jamais que ce sont eux: Les princes du dodo, susu, tutu et bibi, qui ont l’irrépressible besoin de se poser le cerveau après une dure journée de labeur… Radicalement je serai d’avis de balancer hors du train ces désastres de la surconsommation de masse et de la télévision. Qui pour nous sauver ? Qui pour espérer ?
Je travaille sur mon manuscrit papier. Le rendu n’est pas le même que sur écran. Je ne sais pas encore où je vais dormir ni ce que je vais faire. C’est à la fois excitant et angoissant. Les fêtes approchent. Noël tout seul dans une ville inconnue. J’hésite à consulter mon téléphone, mais je résiste. Je préfère aller chercher une bière au wagon bar. Une file interminable de voyageurs attendent comme moi d’être délestés de plusieurs dizaine d’euros pour des collations sans saveurs et pasteurisées. Je reviens à ma place. Le petit dernier de la tribu des ducons à semble-t-il le mal des transports et hurle avec force et conviction sa douleur. J’avale ma bière. Plus que deux heures. Je finis par prendre mon Iphone. Sept textos et autant de messages vocaux.
Alix regrette, s’est expliquée avec le couple des toilettes qui ont corroboré ma version des faits. Elle ne sait pas non plus où elle en est, croit s’être trompée de voie avec Isabelle, à voulu mettre du piquant dans notre vie mais s’y est mal prise, regrette, espère que je vais lui pardonner, est prête à faire des efforts, tout peux s’arranger. Il suffit d’y croire et de le vouloir. Elle a relu mon manuscrit sur l’ordinateur, trouve que j’ai du talent et est prête à m’aider pour que j’aille au bout de mon rêve…
Je n’y crois pas, ça me semble trop beau pour être vrai, cela fait si longtemps que j’attends cela, qu’on s’intéresse vraiment à moi, sans reproches, sans jugements, sans contraintes. M’aimer pour ce que je suis et tel que je suis. Alix a raison, bien sûr qu’on peut changer mais pas en forçant les choses, cela doit venir du plus profond de soi, volontairement et honnêtement. Je lui souhaite beaucoup de bonheur, mais ma vie doit prendre une nouvelle direction. Elle n’en fait pas partie. J’ai tranché. Ce n’est pas juste un nouveau départ, c’est un Commencement. Rien n’est éternellement figé. Tout est dans un état de commencement perpétuel.
Descente du train. Enfin. L’air est frais mais bon. Je prends le tram qui m’amène au centre de la capitale de l’Aquitaine. Tout dans cette ville donne une impression de calme, de tranquillité, de sérénité, je m’y sens bien. Je choisis au hasard un hôtel de quartier qui s’avère charmant. Je dépose mes maigres affaires. Je flâne. Libre, loin de la cohue et du vacarme parisien. Je découvre les belles vitrines du cours de l’Intendance. Marcher m’aide à réfléchir, à prendre conscience de l’espace et du temps.
J’ai cru que le cynisme était une arme, bien sûr tout est critiquable surtout quand on a l’oeil acéré. En un quart de seconde, je peux dezinguer n’importe quoi, n’importe qui, sortir sans états d’âme les pires atrocités, pourvu qu’elles provoquent l’hilarité. En revanche je suis beau joueur on a aussi le droit de me servir quelques vannes mais bien senties attention, je suis comme Hyde. Hyde est exigeant. Hyde se trouve puissant, son arrogance n’a pas de limites et sa soif d’alcool est intarissable. Hyde me séduit, mais Hyde me pourrit. N’ayant pas un portrait comme Dorian Gray pour me décharger de mes excès, je dois tout assumer… Alors préférant le fond à la forme et la vérité au mensonge, je vais tuer Hyde. Trouver la force en moi de m’aimer, de m’accepter, de vivre. Hyde est un phénix, il renaîtra de ses cendres, mais en attendant ce triste moment, le bon docteur Jekyll va profiter d’un peu de plénitude.
Je déjeune dans une brasserie du quartier Saint-Pierre, excellente surprise. L’architecture de la ville est superbe, décidément j’ai peut être trouvé l’endroit où m’épanouir. Mais c’est ici et partout le paradis, le soir quand les étoiles brillent dans le ciel, le matin quand le soleil entre en scène et chaque instant qui nous permet de transcender la souffrance et d’aller au delà des maux. Quand on est pris dans une averse soudaine, on peut, soit courir le plus vite possible, soit s’élancer pour s’abriter sous les avancées des toits des maisons qui bordent le chemin. De toute façon, on sera mouillé. Si on se préparait auparavant mentalement, à l’idée d’être trempé, on serait en fin de compte fort peu contrarié à l’arrivée de la pluie. « HAGAKURE » LE LIVRE SECRET DES SAMOURAIS par Jocho Yamamoto (1659-1719) Imaginer c’est créer, créer c’est rêver, exister c’est créer la vie au présent tout en s’appuyant sur des faits passés et à venir. Le lien entre le tout est l’être, façonné par le temps et l’expérience, l’intuition 6ème sens éthéré complète ce schéma pour le rapprocher de sa forme irréductible d’Homme. Donc je suis. Moralité, je ne suis pas limitable ou circonscrit à un simple rôle, une simple tâche, une enveloppe. Je suis 1, je suis le tout, je suis la vie, je est un soi à moi et à vous, si vous le voulez en âme, corps et esprit. Nous sommes ? Alors imaginons, créons, vivons, existons, sans limites et sans carcans. Pour qu’aujourd’hui soit tous les jours le 1er jour. Il n’y a évidemment pas de gros plans dans la réalité qui viennent souligner les instants T comme dans ces fictions que nous subissons à longueur de temps, mais avec de la rigueur intérieure, il est peut être possible d’arriver à anticiper les événements charnières ?
Caresse du soleil d’hiver sur le visage. Nappes de musique onirique. Plaisir de voir, de sentir, de ressentir. Se remémorer les moments primordiaux, les savourer, les goûter. Vigueur intense du premier jour. Les yeux décillés, grands ouverts sur le monde. Le parfum délicieux de l’herbe fraîchement coupée. La soif étanchée par l’eau la plus fraîche et la plus claire. La faim calmée par le pain chaud et croustillant. La chaleur de l’amour et des rires. Le temps est à soi. Communion naturelle. Délice d’être. Cela durera jusqu’au crépuscule. Le reste n’est que bonheur.
Un matin tu te réveilles le cœur et l’âme libérés, peu importe le passé peu importe les avanies du quotidien, tu ouvres les volets au sens propre comme au figuré et tu es frappé par la beauté de l’environnement, tu es plein de confiance, dans le présent, dans la vie, dans l’existence, tu n’as plus peur, tu ne théorises pas, tu n’interprètes pas, tu saisies tous les plaisirs qui sont à ta portée et ne pense qu’à ce qu’il est dans ton pouvoir d’accomplir. Tu ne renonces pas, tu souris, tu acceptes les autres et tu t’acceptes tel que tu es, pas tel que tu voudrais être ou tel que tu crois être. Comme le dit Nietzsche: « Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même ».
Karl ne semblait plus considérer le journaliste comme une menace, mais comme une personnalité à protéger.
Ils traversent le domaine, le garde du corps l’accompagne jusqu’à la fameuse maison numéro VII, là où vivait il y a encore peu de temps Alexandre Absalon. Mort pour la cause. Mort pour avoir dévié du chemin balisé par le Gourou, le guide tout puissant.
Louis n’avait pas le choix, il lui fallait accepter sans réserve le marché imposé par Eloïm. «Please allow me to introduce myself, I’m a man of wealth and taste.» Manque de pot, il n’avait aucune sympathie pour le diable.
Natasha l’attendait, elle le dévisage attentivement, tente de décrypter ses pensées intimes, ce qu’il ressent, il se focalise de son mieux sur l’amour qu’il lui porte et sur le plaisir qu’il éprouve de la revoir. Surtout ne rien laisser transparaître d’autre. L’exercice s’avère concluant, elle lui saute dessus, s’abandonne totalement, savoure leurs retrouvailles.
— Je suis si heureuse que tu sois là, prêt à relever notre défi, démontrer au monde que notre ordre est ce qu’il y a de mieux, de plus beau. Je sais que tu vas te montrer digne de la confiance qu’Eloïm a mis en toi. Viens je vais t’aider à te préparer pour ta réception. Mon amour, l’enfant, ton enfant que je porte est l’élu, l’héritier de notre ordre.
Louis restait neutre, les yeux dans le vide. Il ne réalisait pas ce que disait Natasha, elle était donc déjà enceinte ?
Ils montent dans la chambre, Toutes ses affaires sont là, rien ne manque, pas même son carnet secret et toutes ses notes, documents, coupures de presse. Il était donc réellement chez lui.
Sur le lit un pantalon de lin blanc, une toge blanche couverte de signes caballistiques. Aux pieds des sandales en corde. Natasha applaudit en le voyant ainsi paré. Il n’ose pas se regarder dans la glace de crainte de perdre définitivement le peu d’amour propre qui lui restait.
— La cérémonie est prévue à 19:30, il est 17:00, il ne faut pas trop tarder.
Louis essayait de se convaincre que tout était normal, qu’il n’y avait pas de raisons de s’en faire, tant qu’il respectait leurs règles, il était a priori en sécurité. Il espérait simplement avoir la force nécessaire pour donner le change. D’un autre côté il était séduit par la mise en scène, le décorum, l’attention qui lui était portée, la ferveur de Natasha était communicative et pourtant Louis n’oubliait pas que même enceinte elle restait une tueuse, capable de l’exterminer sans une once d’hésitation si Eloïm lui en donnait l’ordre.
Les intronisations se déroulaient dans un bâtiment spécial, le D. L’enceinte ressemblait à un grand amphithéâtre circulaire. Une grande piste centrale entourée de rangées de sièges, de quoi accueillir à première vue 20 à 25000 personnes. Le journaliste impressionné interrogea Natasha qui lui confia avoir assisté ici même à des cérémonies gigantesques avec plus de 30000 adeptes réunis.
— Mais rassures toi mon amour ce soir il y aura encore plus de fidèles tout le monde veut voir celui que l’on surnomme le redempté.
Louis avait une boule dans l’estomac, ce genre de manifestations ne s’improvisaient pas… tout était calculé, parfaitement huilé, il se sentait comme une marionnette. Agitée depuis combien de temps ? La panique l’étreignait insidieusement. Quelle serait dorénavant sa vie, ses choix, son libre arbitre ? Esclave d’un fou et d’une dévote.
Les fidèles affluaient dans les travées. Kadmon se tenait en coulisse à quelques mètres de la piste, il y en avait d’autres comme lui, une cinquantaine peut être plus qui attendaient eux aussi d’être intronisés, mais ils étaient habillés en jaunes et avaient comme décors des symboles solaires.
Eloïm trônait dans une sorte de plateforme surélevée. Il parlait dans un micro casque, le son était largement amplifié et résonnait partout, ses discours étaient entrecoupés de musiques classiques et new âge.
Le silence régnait dans les travées. Des assistants faisaient accomplir aux impétrants diverses épreuves. Ils passaient deux par deux sous les viva de la foule. Louis attendait fébrilement. L’anxiété à son paroxysme.
Ce fut enfin son tour, il paradait seul. Il adresse un maigre sourire à Natasha… mais tout amour, toute compassion avait quitté son beau visage. Ses yeux le fixaient durement, implacablement, ils lui glacent le sang.
Un assistant masqué s’empare de Kadmon et l’entraîne au milieu de la piste. Tous les regards se braquent sur lui. Une main ferme sur son épaule lui intime l’ordre de se mettre à genoux, il ne résiste pas.
Eloïm extatique abreuve la foule:
— Fidèles: Nouveaux et anciens. Garants de l’ordre et défenseurs de notre idéal, voyez le redempté. Des années durants il a cherché à nous nuire, à détruire l’édifice que nous avons eu tant de mal à construire et sans la formidable implication de chacun d’entre vous, nous aurions sans doute plié sous ses coups de butoir médiatiques. Il a fallut déployer des trésors d’ingéniosité pour limiter l’impact de ses mots assassins et diffamants. Voyez aujourd’hui le redempté à genoux. Nous l’accueillons dans notre grande et belle famille. À propos de famille, savez-vous pourquoi cet homme est parmi nous ce soir ? Notre Vespale Natasha est porteuse d’une semence bénie et tout naïf qu’il est, il croit être le père de l’élu, celui qui serait amené, s’il s’en montre digne, à me succéder. Idiot ! Pauvre hère, mais je suis le père de cet enfant ! Chaque Vespale a été ensemencée par mes soins et le jour venu, ils devront se battre pour conquérir la place ultime, devenir le prophète et le guide de notre magnifique communauté.
Des tonnerres d’applaudissements descendent des gradins.
Louis tente de se dégager mais la main ne relâche pas la pression sur son épaule.
— Voici le redempté qui demande à être admis parmi nous. Alors… Ne soyons pas bégueule, exauçons son souhait !
Un autre assistant s’approche de Kadmon et l’asperge de liquide. Tout d’abord il croit que c’est de l’eau et qu’on lui prodigue un simulacre de baptême, mais l’odeur est forte, entêtante. De l’essence.
Il ferme les yeux…
Je me réveille en sursaut. J’ai diné dans un restaurant asiatique qui m’a beaucoup plu, ensuite je suis rentré à l’hôtel. J’ai échangé quelques messages avec Alix, pour lui confirmer que tout est fini entre nous et je me suis endormi très rapidement. Le destin de Louis vient de m’apparaitre clairement, une terrible évidence. Que dois-je faire ? Ai-je les moyens de conjurer cette inéluctable fin ? pourtant c’est tellement logique. Je me sers un verre d’eau. Il se noue entre l’auteur et son «bestiaire» une relation si dense, si intense.
Louis hurle dans ma tête, implore ma clémence, mais je ne peux lui accorder cette faveur.
Je ferme les yeux.
Eloïm scandait une sorte de mantra reprit avec ferveur par la foule. Les adorateurs de Bereshit entraient en transe.
Louis à genoux, prostré, la tête baissée, les yeux fermés, savait que rien ni personne ne viendrait le sauver. La mort était son unique porte de sortie. Il avait peur, si peur et soudain la douleur le transperça de part en part. Kadmon brûlait comme un fétu de paille. Son corps s’embrasait, se consumait. Il n’avait jamais ressenti une telle souffrance. Il aurait dû se lever, hurler, leur montrer à tous qu’ils assassinaient un homme. Un être comme eux de chair et de sang, mais il en était incapable. Il voulait pleurer mais ses paupières s’étaient dissoutes. Il n’avait plus d’existence, plus de vie. Il redevenait poussière, comme au commencement…
Le silence régnait dans les travées, une masse informe gisait au milieu de la piste.
Eloïm éructa:
— Allez voir !
L’assistant s’approche de la créature immolée par le feu. Il pose dessus une couverture ignifugée. L’amas de chaires vives ne réagit pas. La bête était bien sacrifiée en holocauste. D’une voix puissante:
— Le redempté est mort Monsieur !
Des cris de haine, hystériques, s’abattent des gradins jusqu’à la dépouille de Louis Kadmon, ricochent sur ce qu’il fut. Natasha participe à ce délire collectif, une main sur le ventre, l’enfant du sacrifié en elle, nourri à la folie des hommes.
Eloïm se retire de l’arène satisfait. Il tuerait la fille et son embryon, mais pas aujourd’hui, chaque chose en son temps. Il passe dans un couloir, s’arrête un instant pour s’admirer dans un miroir. Il se félicite d’avoir faite sienne cette maxime du marquis de Sade: «La soumission du peuple n’est jamais due qu’à la violence et à l’étendue des supplices. »
Libéré et rasséréné ! J’ai réussi à mettre un point final à deux histoires, l’une personnelle et l’autre imaginaire… si j’étais cynique je me demanderais laquelle est la plus réelle des deux ?
Le temps est manifestement venu pour moi de m’affirmer: Raphaël Chevalier. Trente six ans. J’ai passé la majeure partie de mon existence à esquiver, lâchement retranché derrière un mal être pour ne pas affronter le quotidien, mais aujourd’hui je fais table rase du passé et des préjugés. J’ai enfin décidé d’exister.
Installé à la terrasse d’un café dans la rue de la vielle tour à Bordeaux, je savoure une tarte et un café. Deux copines s’asseyent juste à côté de moi. Elles sont pétillantes, fraiches, belles comme le jour naissant. Je ne peux échapper à leur conversation et je souris en les entendant partager leurs confidences. L’une d’elle me demande si j’ai du feu. Je lui réponds par l’affirmative. Sans forcer ni provoquer le destin, nous discutons de tout et de rien. La blonde se montre polie mais distante, en revanche entre la brune et moi, une connexion s’établie:
— Comment vous appelez-vous ? (Intrigué)
— Cassandra (Charmante)
— Raphaël (Charmeur)
— Enchantée, alors, que faites vous dans la vie Raphaël ? (Connectée)
— Ecrivain (Profond)
— Voyez-vous ça, monsieur est écrivain ! (Etonnée)
— C’est mon premier (Troublé)
— Il faut un début à tout (Optimiste) Vous êtes bordelais ? (Curieuse)
— Parisien en exil (Fragile)
— Ah… (Hyper intéressée)
Emilie regarde sa montre avec insistance:
— Cassandra il est temps d’y aller, nous sommes attendus. (Impatiente)
— Bonne journée à bientôt (Déçue)
— Oui bonne journée (Déçu)
Elles marchent quelques mètres. Cassandra à Émilie:
— Merde j’ai oublié un truc. (Menteuse)
La jolie brune bondit jusqu’à ma table, sort un stylo de son sac et griffonne sur une serviette en papier… « Mon numéro, appelez moi ! (Excitée) » Et elle repart en courant.
Je ressens une prodigieuse sensation de bien être. J’ai achevé mon premier roman, tourné la page d’une vie morne et apathique, rencontré une fille qui me plait énormément. Je ne crois pas encore au phénomènes paranormaux, mais c’est le jour où je dois saisir ma chance ! Je retourne à l’hôtel chercher ma clé USB et je me rends dans un magasin spécialisé dans les photocopies et les reliures. Je tire 7 exemplaires de mon roman « Bereshit, Au Commencement. » Le gérant du magasin m’indique l’adresse d’un cyber café dans la rue du Palais Gallien, car je dois trouver les adresses des éditeurs. Apres deux heures de recherches, je vais à la Poste. J’ai scellé mon destin. J’ai respecté tant bien que mal les différentes procédures exigées par chacune des maisons d’éditions, j’espère que ces imprécisions dans la forme ne me porteront pas préjudice…
Il est maintenant temps de se poser les bonnes questions. Je déambule dans les rues. Devant moi se dresse Mollat, la plus grande librairie de France. Et si c’est ça dont j’ai vraiment envie ? Ma propre boutique de livres. Un endroit que je pourrais modeler à mon image… Evidemment le marché sur Bordeaux semble compromis avec un tel acteur. Retourner à Paris ? Je développe de nouveaux rêves, de nouvelles envies. La rencontre avec Cassandra est un déclencheur d’ambition. A son contact même bref j’ai ressenti l’étrange sensation de pouvoir accomplir tout ce que je veux. Se dessine dans mon esprit les contours d’un projet: Une belle librairie ancienne avec des petites tables, fauteuils clubs et un canapé moelleux pour que mes clients s’installent confortablement près de la cheminée… dévorent les livres et surtout consomment des boissons surfacturées. Me trotte également à l’esprit l’idée de me spécialiser dans les livres anciens ou rares, ces livres dont les collectionneurs raffolent et qu’ils sont prêt à payer une fortune. Mes scrupules disparaissent au profit d’une volonté simple, claire et déterminée. Quels sont mes moyens d’action ?
Ne nous dispersons pas. D’abord, priorité à Cassandra. Je vais l’appeler dès ce soir, il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Je me connecte sur mon compte bancaire afin de faire le point sur ma situation financière. Il est vrai que mon arrêt de travail ne m’a pas mis dans une situation ultra favorable. Mais comme me l’a si bien apprit Eloïm, je dois privilégier la forme sur le fond. Le magasin Boss m’offre ce dont j’ai besoin, une redéfinition complète de ma garde robe. Chaussures. Pantalon. Chemise. Pull. Veste. Le reflet dans le miroir est au delà du satisfaisant. J’emporte le tout. La note est salée mais j’assume. J’attends 19:00 pour composer son numéro de téléphone:
— Bonsoir Cassandra ! Raphaël Chevalier… nous nous sommes rencontrés ce midi et je voulais savoir si vous étiez libre pour le dîner ?
— Vous ne perdez pas de temps !
— J’avais simplement très envie de vous revoir.
— Et bien, vous me prenez de court… je vais voir ce que je peux faire.
Assis sur le lit de ma petite chambre d’hôtel, le téléphone en main, j’attends impatiemment. La mignonne jeune fille qui fait office de concierge à la réception de l’hôtel m’a parlé d’un excellent restaurant japonais. J’espère que Cassandra apprécie autant cette cuisine que moi… si elle daigne me rappeler. Une demi heure se passe toujours aucun signe de sa part. Je me suis trop vite emballé. Quel con. 20:05, raisonné et persuadé de m’être fait bêtement berné, je pars en direction du fameux restaurant sans réservation mais tant pis on ne sait jamais, ne pas se laisser abattre est mon nouveau crédo. Je sors mon téléphone de ma poche pour utiliser la fonction GPS. 3 appels en absence: deux d’Alix (rien à foutre), un d’un numéro non enregistré. Je rappelle fébrile.
— Ah quand même, j’ai cru que vous m’aviez oubliée
— Pas du tout j’ai attendu que vous me rappeliez !
— J’ai annulé ma soirée avec les fossiles. Où va-t-on ?
— Un restaurant japonais, mais je n’ai pas réservé.
— Don’t worry ! s’ils n’ont pas de table, nous pourrons toujours aller dans un bar à vin, ça ne manque pas dans cette ville !
Tout à l’air facile avec Cassandra.
— Je suis vers les allées de Tourny, vous me retrouvez devant le manège ?
— Ok… a priori je suis là dans moins de cinq minutes.
— A tout de suite !
— Juste le temps d’arriver.
Logiquement, il me suffit de revenir sur mes pas pour parvenir à sa rencontre. Malgré mes tentatives, je n’arrive pas à réprimer une bouffée d’angoisse. Et si je ne lui plaisait pas ? De multiples scénarios me sont passés à travers la tête mais l’issue en était toujours positive. Dès que nous allons aborder le sujet de nos vies, que vais-je raconter ? La vérité crue ? Passer sous silence certains aspects de mon existence ?
Je lève la tête, l’opéra de Bordeaux est une magnifique bâtisse, mais l’heure n’est pas au tourisme. Quelques mètres me séparent maintenant de Cassandra, le plus dur reste à faire: Oublier ces considérations égotistes pour Etre et Agir vraiment. Si une relation doit naitre de ce coup de foudre, alors rien ne pourra l’empêcher, pas même mon passé, ni le sien.
— Raphaël !
Je me retourne. Nos regards s’accouplent. Un coït vif. Instantané. Brutal. Sans un mot, l’un à côté de l’autre nous nous dirigeons d’un pas tranquille et harmonieux vers la place Fernand Lafargue, puis nous discutons. Fumons. Rions, comme si nous nous connaissions depuis toujours. J’attends d’être au restaurant pour vider mon sac sur ma vie, je la dégueule sans que Cassandra ne m’interrompe. Elle ne dit rien mais se saisit de ma main, l’enserre tendrement. Comme je le présumais son histoire est aussi chargée que la mienne. Nous nous retrouvons sur ces points et sur d’autres. Nos esprits fusionnent en attendant nos corps. J’explique à Cassandra mon projet professionnel. Elle y souscrit totalement, me donne le nom d’un «fixer» de sa connaissance qu’elle me présentera, un spécialiste de la chasse aux œuvres anciennes, rares, introuvables qui pourra m’assister dans cette activité hautement lucrative. La nourriture est exquise, le gout de l’amour et du partage ? Nous enchaînons les bouteilles de vin sans être saouls. Cassandra veut absolument lire mon livre. J’éprouve quelques réticences, mais je ne veux rien lui cacher. La vie est ainsi faite, même si cela semble improbable, il n’y a pas de hasard, juste des opportunités à saisir. A trop réfléchir, à s’infliger des barrières, des freins et des douleurs, on s’habitue à l’amertume, à la souffrance mais si comme l’exprime Marcel Proust « « On ne guérit d’une souffrance qu’à condition de l’éprouver pleinement. » alors je suis en totale rémission. J’accepte une vérité essentielle: Même si l’univers est l’oeuvre de quelque chose qui me dépasse, à mon niveau d’humain, je suis mon propre dieu et je suis mon propre diable. J’ai perdu mon temps à me lamenter sur mon existence, à fuir plutôt que de combattre. Je n’ai aucune certitude sur l’avenir avec Cassandra, mais j’ai l’intime conviction que nous sommes dans l’urgence de construire. Guillaume le Taciturne a tout compris: « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Tirer un trait sur le passé ne m’a demandé aucun effort, vivre dans le présent m’en demande beaucoup plus, mais le jeu en vaut la chandelle. Réfléchir pour agir, tendre vers un idéal… Mourir en juste, sans remords ni regrets.
Il était une fois un homme désespéré, qui avait profité de sa dépression pour écrire un livre, mais l’histoire tragique se terminait avec la mort de son héros.
Au bout du compte je me suis trouvé moi.
Je ne voudrais pas m’instituer Néo-Robespierrien ou Dantonien (je ne sais plus qui est le « sympa » entre ces deux personnalités révolutionnaires), mais j’avoue que la dernière petite phrase de Benjamin Griveaux, porte parole du gouvernement, m’a quelque peu heurté, pour ne pas dire plus… Selon cet éminent politicien, Wauquiez est « le candidat des gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel« . C’est qui lui ? le candidat des parvenus qui mangent Bio et qui roulent en Tesla ? A trop jouer la carte de la stigmatisation, du populo-snobisme, du mépris, on parvient malheureusement à faire céder les plus modérés, prêts à rejoindre la gronde antigouvernementale. La sémantique est importante, « gars », terme familier qui renvoie aux beaufs pas très futés, des « clopes » mot chargé d’argotisme pour ce Mossieur de la haute société, cela dit au prix du paquet on est pas loin, à la semaine, d’un dej à la maison du caviar. Wauquiez ça veut dire que le beauf tellement con qu’il fume dispendieusement est en plus alcoolique, raciste, antisémite et bien entendu climato sceptique, vu que cette tanche de français bas de plafond et bas de gamme, qui fête ses anniversaires chez Flunch et pète à table roule en diesel. Ahahah, il devait bien se marrer Griveaux en sortant sa petite phrase, en insistant bien sur le clivage, chiffres à l’appuie pour bien montrer que c’est pas la France qu’il veut pour l’avenir. OK, mais moi je ne suis pas sûr d’avoir envie de lui pour l’avenir. Pour ma part, je me méfie autant des apôtres autoproclamés de la bonne conscience que des fachos aboyeurs. Tout ça m’inspire une grande fatigue et une sourde colère, mais avec modération, ne risquons pas d’être accusé de sédition…
Une collab’ originale et efficace pour cet été, entre des ribs de porcs tendres à souhait et un vin rouge léger tel un Pinot Noir jeune et sur le fruit comme le Petite Folie Rubis Wolfberger !
POUR 6 PERSONNES
Temps de préparation : 20 min
Temps de cuisson : 1 heure
INGRÉDIENTS
• 2 kg de travers de porc
• 2 oignons
• 12 cl de vinaigre blanc
• 64 g de sucre
• Poivre
MARINADE
• 2 cuillerées à café de gingembre en poudre
• 2 cuillerées à café de poivre en poudre
• 6 gousses d’ail émincées
• 1 cuillerée à soupe de jus de citron
• 16 cl. de sauce soja
• 16 cl. de vinaigre balsamique
• 16 cl. de miel
• 85 g sucre brun
• 1 cuillerée à soupe de farine de maïs
• 1 cuillerée à soupe d’eau
Dans une casserole mettre les oignons coupés en quart, le vinaigre, le sucre et le poivre. Ajouter 2 litres d’eau et porter à ébullition. Plonger les travers de porc dans la casserole et laisser cuire 45 minutes à feu doux. Pendant ce temps préparer la marinade et allumer votre barbecue pour obtenir des braises : dans un bol, mélanger le gingembre, le poivre, l’ail, le jus de citron, la sauce soja, le vinaigre balsamique, le miel et le sucre. Sortir les travers de porc délicatement. Placer-les dans un plat et les couvrir de marinade. Fermer avec un film plastique et réserver au frais pendant 30 minutes.
Une fois le barbecue à température avec braises et léger feu, poser la viande sur une grille et réserver la marinade. Cuire pendant 10 à 15 minutes. Dans une casserole, mélanger la farine de maïs et l’eau. Y ajouter la marinade. Mélanger à feu doux jusqu’à ce qu’elle épaississe. Enlever la viande du barbecue et la badigeonner de marinade. Pour finir, garnir avec le sésame et servir !
WWW.WOLFBERGER.COM
l’abus d’alcool est dangereux pour la santé à consommer avec modération
Tout d’abord, étions-nous sortis totalement indemnes de la première saison ? L’adaptation télévisée du roman eponyme de Jay Asher (un peu persona non grata et absent de la deuxième saison depuis une accusation de harcèlement sexuel qu’il réfute cependant), diffusée par Netflix et co produite par Selena Gomez ; dont certains épisodes, il faut le signaler, ont été réalisés par Gregg Araki (le cultissime the Doom Generation) et showrunnée par Brian Yorke pour faire court, avait réussi son pari : Faire bouger les consciences et alerter sur le pire des enfers, le suicide des ados. Tout en montrant, parfois sommairement ou très explicitement, le côté obscur d’une réalité le plus souvent occultée ou magnifiée sur la sexualité des jeunes, le harcèlement, les ténèbres de l’éco système « scolaire », les riches, les pauvres, les gays et les idoles sportives hétéros, testostéronées, glorifiées qui se permettent tout et même au delà. Un maelström d’emmerdements qui conduisirent Hannah Baker à faire des cassettes sur chacun de celles et ceux qui contribuèrent selon elle, à l’acculer vers son irréversible décision mortifère. De quoi hanter les nuits du père que je suis, de quoi s’interroger sur son propre comportement durant ses années lycée, de quoi ressentir, même par procuration, l’angoisse de la perte de cette jeune fille, de la douleur de Clay et des autres, de l’injustice etc. Des émotions vraies et intenses incarnées par une distribution quasi parfaite. La première saison était donc l’équivalent d’un uppercut en pleine tronche après une gueule de bois (je vous laisse imaginer l’effet). Et puis vinrent les rumeurs d’une deuxième saison et enfin une date de diffusion.
L’intrigue principale de cette deuxième saison est consacrée aux dommages collatéraux provoqués par le suicide d’Hannah : Le délitement de son foyer parental et le procès intenté par sa mère au lycée, le traumatisme de Clay, l’impunité de Bryce, le projet meurtrier de Tyler, le repentir de Sheri, la culpabilité de Tony etc. bref pas un personnage n’est épargné, c’est un grand pèle mêle des situations les plus inextricables possibles : suicide, drogue, viol, arme à feu, handicap, adultère, grossesse non désirée, bipolarité, homosexualité masculine et féminine, voyeurisme, alcoolisme, brutalité parentale, absentéisme, injustice procédurale, clivage sociaux … 13 épisodes sur le fil tendu du pire des mondes possibles assortis systématiquement d’une incitation à aller sur le site de 13reasonwhy, pour peu que l’on se sente concerné par un des cas de figure évoqué par le programme, sans oublier les avertissements réguliers avant chaque épisode pour nous prévenir qu’il sera question de drogues, de viol et d’armes à feu… En gros une version un tantinet plus hard de Hartley coeurs à vif mais à la sauce ricaine. À force de vouloir nous expliquer ce qu’on est en droit d’interpréter, on perd toute la substance dramatique de la 1ère saison et qui pouvait servir de support de discussion et de prévention. Là c’est malheureusement aussi caricatural que gênant. L’intrigue pseudo policière de la bande des méchants repentis contre le cynique capitaine de l’équipe de foot US et de baseball violeur en série et protégé par le prof de sport, tellement riche qu’il achète aussi la justice est assez mal ficelée et permet juste de penser … à quoi bon ? vu qu’il s’en sort finalement pas si mal… On sent que la série voulait partir dans la direction du tueur en milieu scolaire mais l’actualité étant trop bouillante sur le sujet, il semble que cette piste fut écartée ou quelque peu édulcorée. En revanche le casting reste 5 étoiles et les acteurs sont le plus souvent justes et crédibles. Que penser d’Hannah et de ses secrets ? La richesse de cette saison 2 réside dans cette évocation de la complexe psyché adolescente, dans ces grands écarts insaisissables par les « adultes » qui à force de chercher des coupables ou des explications négligent de se remettre en question… Quoi qu’il en soit 13 reasons why est une série utile, importante, mais faut-il le rappeler américaine avec ses problématiques particulières et un manichéisme exacerbé.
« Brutalisme » est le premier extrait du nouvel album de Flavien Berger, « Contre Temps », à sortir à l’automne 2018. Nouveau voyage dans le temps, nostalgie d’un amour d’été, souvenir d’un amour éternel, « Brutalisme » est une ode en suspension, en légèreté, en proximité.
« C’est l’hiver je suis au Mexique pour faire des concerts, le soleil, le sel et l’alcool m’ont brulé la peau. Je finis mon voyage à Acapulco, la ville est brutale, elle sent le cuivre et le citron vert. Le béton se dresse face à l’océan, certains plongent des falaises et les autres retiennent leur souffle.
Sur la plage entre la mer et les preneurs de soleil, des quads traversent le paysage à grande vitesse, ils laissent derrière eux des trainées meurtries dans le sable gris encore humide. Au milieu de tout ce que je vois, je songe à écrire une chanson sur un couple qui s’aime et qui se dit au revoir comme si c’était la dernière fois; l’un depuis un avion regarderait l’autre lui écrire des mots d’amour, à son échelle, sur le sable.
Une chose minuscule brille dans le sable, je la ramasse, c’est une amulette coquillage, vestige oublié du règne cosmique du grand Rey Pakal, j’ai un vertige, une voix s’adresse à moi : « stay off the juice flav », c’est Simone, qui est aussi au Mexique, nous avons joué dans le même festival. Je lui parle de ma future chanson ça lui donne des idées… » Flavien Berger