Tout d’abord, étions-nous sortis totalement indemnes de la première saison ? L’adaptation télévisée du roman eponyme de Jay Asher (un peu persona non grata et absent de la deuxième saison depuis une accusation de harcèlement sexuel qu’il réfute cependant), diffusée par Netflix et co produite par Selena Gomez ; dont certains épisodes, il faut le signaler, ont été réalisés par Gregg Araki (le cultissime the Doom Generation) et showrunnée par Brian Yorke pour faire court, avait réussi son pari : Faire bouger les consciences et alerter sur le pire des enfers, le suicide des ados. Tout en montrant, parfois sommairement ou très explicitement, le côté obscur d’une réalité le plus souvent occultée ou magnifiée sur la sexualité des jeunes, le harcèlement, les ténèbres de l’éco système « scolaire », les riches, les pauvres, les gays et les idoles sportives hétéros, testostéronées, glorifiées qui se permettent tout et même au delà. Un maelström d’emmerdements qui conduisirent Hannah Baker à faire des cassettes sur chacun de celles et ceux qui contribuèrent selon elle, à l’acculer vers son irréversible décision mortifère. De quoi hanter les nuits du père que je suis, de quoi s’interroger sur son propre comportement durant ses années lycée, de quoi ressentir, même par procuration, l’angoisse de la perte de cette jeune fille, de la douleur de Clay et des autres, de l’injustice etc. Des émotions vraies et intenses incarnées par une distribution quasi parfaite. La première saison était donc l’équivalent d’un uppercut en pleine tronche après une gueule de bois (je vous laisse imaginer l’effet). Et puis vinrent les rumeurs d’une deuxième saison et enfin une date de diffusion.
L’intrigue principale de cette deuxième saison est consacrée aux dommages collatéraux provoqués par le suicide d’Hannah : Le délitement de son foyer parental et le procès intenté par sa mère au lycée, le traumatisme de Clay, l’impunité de Bryce, le projet meurtrier de Tyler, le repentir de Sheri, la culpabilité de Tony etc. bref pas un personnage n’est épargné, c’est un grand pèle mêle des situations les plus inextricables possibles : suicide, drogue, viol, arme à feu, handicap, adultère, grossesse non désirée, bipolarité, homosexualité masculine et féminine, voyeurisme, alcoolisme, brutalité parentale, absentéisme, injustice procédurale, clivage sociaux … 13 épisodes sur le fil tendu du pire des mondes possibles assortis systématiquement d’une incitation à aller sur le site de 13reasonwhy, pour peu que l’on se sente concerné par un des cas de figure évoqué par le programme, sans oublier les avertissements réguliers avant chaque épisode pour nous prévenir qu’il sera question de drogues, de viol et d’armes à feu… En gros une version un tantinet plus hard de Hartley coeurs à vif mais à la sauce ricaine. À force de vouloir nous expliquer ce qu’on est en droit d’interpréter, on perd toute la substance dramatique de la 1ère saison et qui pouvait servir de support de discussion et de prévention. Là c’est malheureusement aussi caricatural que gênant. L’intrigue pseudo policière de la bande des méchants repentis contre le cynique capitaine de l’équipe de foot US et de baseball violeur en série et protégé par le prof de sport, tellement riche qu’il achète aussi la justice est assez mal ficelée et permet juste de penser … à quoi bon ? vu qu’il s’en sort finalement pas si mal… On sent que la série voulait partir dans la direction du tueur en milieu scolaire mais l’actualité étant trop bouillante sur le sujet, il semble que cette piste fut écartée ou quelque peu édulcorée. En revanche le casting reste 5 étoiles et les acteurs sont le plus souvent justes et crédibles. Que penser d’Hannah et de ses secrets ? La richesse de cette saison 2 réside dans cette évocation de la complexe psyché adolescente, dans ces grands écarts insaisissables par les « adultes » qui à force de chercher des coupables ou des explications négligent de se remettre en question… Quoi qu’il en soit 13 reasons why est une série utile, importante, mais faut-il le rappeler américaine avec ses problématiques particulières et un manichéisme exacerbé.